• Aucun résultat trouvé

Contact unilat´eral de Signorini avec frottement de Tresca

Apr`es les non-lin´earit´es mat´erielle et g´eom´etrique vues pr´ec´edemment, la non-lin´earit´e de contact-frottement est l’autre non-lin´earit´e qui est tr`es souvent pr´esente dans les simulations num´eriques en m´ecanique des solides (voir entre autres les travaux de Kikuchi & Oden [148], Haslinger, Hlav´aˇcek & Neˇcas [134], Han & Sofonea [129], Laursen [156], Wriggers [208], et Wohlmuth [207]). Cette non-lin´earit´e pose en g´en´eral un certain nombre de difficult´es en particulier si les maillages sont non-co¨ıncidents au niveau des surfaces de contact entre deux corps d´eformables (pr´ecision et robustesse). Nous nous limitons ici au probl`eme initialement introduit par Signorini [188] d’un corps d´eformable ´elastique lin´eaire (petites d´eformations et pas de plasticit´e) qui entre en contact avec une fondation rigide.

1.5.1 Mod`ele continu

Nous consid´erons un corps ´elastiqueB0 qui est repr´esent´e dans sa configuration de r´ef´erence

par le domaine polygonal/poly´edrique Ω0 ⊂ Rd, d ∈ {2, 3} (voir la Fig 1.12). Le bord

Γ := ∂Ω0 est partitionn´e en trois parties disjointes : le bord de Dirichlet ΓD, le bord de

Neumann ΓN et le bord de contact-frottement ΓC. Nous supposons que mes(ΓD) > 0 pour

bloquer les mouvements de corps rigide et mes(ΓC) > 0 pour assurer la pr´esence de contact.

Pour simplifier, le bord de contact-frottement ΓC est suppos´e ˆetre une ligne droite en 2D ou

un polygone plan en 3D. Le corps B0 est encastr´e sur le bord de Dirichlet ΓD et se d´eforme

sous l’action d’un chargement volumique f∈ L2(Ω

0; Rd) et d’un chargement surfacique tN∈

L2

N; Rd) sur le bord de Neumann. La normale sortante unitaire est not´ee N .

Pour d´ecrire les conditions de contact-frottement, nous adoptons la d´ecomposition en partie normale et tangentielle du champ de d´eplacement v et du vecteur des forces surfaciques

1.5. Contact unilat´eral de Signorini avec frottement de Tresca 23

Figure 1.12: G´eom´etrie du probl`eme de contact avec une fondation rigide. σN(v) := σ(v)N d´efini sur ∂Ω0 :

v = vNN + vT et σN(v) = σN(v)N + σT(v).

o`u vN := v·N et σN(v) := σ(v)N·N. Les conditions de contact unilat´eral de Signorini [188]

sur la surface de contact ΓC sont donn´ees par

(i) uN ≤ 0, (ii) σN(u)≤ 0, (iii) σN(u) uN = 0. (1.41)

La premi`ere condition implique que le corps d´eformable ne peut pas p´en´etrer la fondation rigide. La deuxi`eme condition indique que les efforts de contact sont des efforts de r´epulsion. La troisi`eme est une condition de compl´ementarit´e qui implique qu’il y a du contact (uN = 0)

quand l’effort de contact est non nul et qu’il n’y a pas d’effort de contact quand il n’y a pas de contact (uN < 0).

Dans les situations r´ealistes, la pr´esence de contact induit souvent la pr´esence de frotte- ment entre les deux objets. Plusieurs mod`eles de frottement existent comme le frottement de Tresca ou de Coulomb. Par simplicit´e, nous nous limitons ici au frottement de Tresca qui se traduit par les conditions suivantes sur ΓC :

   |σT(u)| ≤ s, si uT = 0, (iv) σT(u) =− s uT |uT| sinon, (v) (1.42)

o`u s ≥ 0 est le seuil de glissement qui est donn´e. Notons que les conditions (iv) et (v) impliquent que |σT(u)| ≤ s dans tous les cas, et que si |σT(u)| < s alors uT = 0 (adh´erence).

Dans la situation uT 6= 0 (glissement), la contrainte tangentielle est de signe oppos´e au glissement et s’oppose `a celui-ci. Ce mod`ele est assez r´ealiste dans le cas du contact bilat´eral (uN = 0 sur ΓC), mais moins dans le cas g´en´eral. Le frottement de Coulomb est alors plus

appropri´e mˆeme si son traitement math´ematique et num´erique est plus compliqu´e. Le cas du contact sans frottement se retrouve en prenant s = 0 dans (1.42).

Le probl`eme de contact unilat´eral avec frottement de Tresca consiste `a trouver un champ de d´eplacement u : Ω0 → Rd v´erifiant les ´equations (1.26) avec uD≡ 0, et les conditions de

contact (1.41) et de frottement (1.42). Nous introduisons le cˆone convexe K des d´eplacements admissibles :

K :={v ∈ V0 : vN ≤ 0 sur ΓC} .

Les ´el´ements de K satisfont la condition de Dirichlet sur ΓD et de non-interp´en´etration sur

la zone de contact ΓC. Posons

a(u, v) := Z Ω0 σ(u) : ε(v) dΩ0, L(v) := Z Ω0 f·v dΩ0+ Z ΓN tN·v dΓ, j(v) := Z ΓC s|vt| dΓ,

pour tout u et v dans V0. La formulation faible du probl`eme (1.26)–(1.41)–(1.42) comme une in´equation variationnelle de seconde esp`ece (voir [148,123]) est la suivante :



Trouver u∈ K tel que

a(u, v− u) + j(v) − j(u) ≥ L(v − u), ∀ v ∈ K. (1.43) Ce probl`eme admet une unique solution, voir par exemple [148, Theor`eme 10.2, Chapitre 10]. Une difficult´e suppl´ementaire pour les probl`emes de contact-frottement est le manque de r´egularit´e de la solution. En effet, ce type de probl`eme pr´esente des singularit´es quelle que soit la r´egularit´e des donn´ees (voir [170]), et g´en´eralement la solution ne peut pas ˆetre plus r´eguli`ere que H52(Ω0; Rd).

1.5.2 Discr´etisation par ´el´ements finis

La discr´etisation par ´el´ements finis de l’in´egalit´e variationnelle (1.43) est ´etudi´ee depuis de nombreuses ann´ees aussi bien d’un point de vue math´ematique que num´erique. Diff´erentes strat´egies de r´esolution ont ´et´e propos´ees pour imposer les conditions de Signorini au niveau discret :

• M´ethodes p´enalis´ees : L’id´ee est de remplacer les in´equations de contact-frottement par des ´equations non-lin´eaires en introduisant des coefficients de p´enalisation. L’avantage de ces m´ethodes est qu’elles reposent sur une formulation primale et sont donc facilement impl´ementables. Cependant, les m´ethodes p´enalis´ees sont en g´en´eral in- consistantes et une p´en´etration non-physique ainsi qu’un probl`eme de conditionnement peuvent apparaitre si les coefficients de p´enalisation sont mal choisis. Ces m´ethodes ont ´et´e utilis´ees pour les probl`emes de contact par Chernov, Maischak & Stephan [57], Chouly & Hild [65], Kikuchi & Oden [148], Kikuchi & Song [149], Oden & Kikuchi [175], et Oden & Kim [176].

• M´ethodes mixtes : L’id´ee est d’introduire des multiplicateurs de Lagrange pour imposer les conditions de contact-frottement de mani`ere consistante. Cependant, le probl`eme `a r´esoudre devient un probl`eme de type point-selle et une condition de type inf-sup doit ˆetre v´erifi´ee pour garantir la stabilit´e discr`ete. Nous mentionnons entre autres les travaux de Hild [139], Hild & Renard [140], Ben Belgacem & Renard [31], Hauret and Le Tallec [136], Laborde & Renard [155], Haslinger, Hlav´aˇcek & Neˇcas [134], Wohlmuth [207], et Abbas, Drouet & Hild [1].

• M´ethodes Nitsche-FEM : La combinaison de l’approche Nitsche [173] avec les ´el´e- ments finis H1-conformes permet d’imposer les conditions de contact-frottement en

les rempla¸cant par des ´equations non-lin´eaires. L’avantage est que ces m´ethodes re- posent sur une formulation primale comme les m´ethodes p´enalis´ees mais elles sont en outre consistantes. L’id´ee de ces m´ethodes est esquiss´ee `a la section 1.5.3 ci-dessous. L’application de ces m´ethodes pour le probl`eme de Signorini a ´et´e ´etudi´ee par Chouly & Hild [64], Chouly [61], Chouly, Hild & Renard [67], Chouly & al. [63], et Chouly, Mlika & Renard [168,68].

Pour la plupart des discr´etisations, le frottement de Tresca cr´ee des difficult´es suppl´e- mentaires pour ´etablir des taux de convergence optimaux en comparaison de ce qui peut ˆetre obtenu dans le cas sans frottement (voir, par exemple, les travaux de H¨ueber & Wohlmuth [144], Wohlmuth [207], Hild & Renard [141], et Drouet & Hild [107] pour le contact sans frot- tement). En effet, les termes int´egraux non-diff´erentiables dus aux frottement introduisent dans les estimations d’erreur des quantit´es suppl´ementaires qui sont difficiles `a majorer,

1.5. Contact unilat´eral de Signorini avec frottement de Tresca 25 mˆeme quand des hypoth`eses suppl´ementaires sont faites (voir, par exemple, [134,207]). Par cons´equent, les r´esultats de convergence sont limit´es pour la plupart des discr´etisations. Les premi`eres estimations prouv´ees pour les m´ethodes mixtes et mortar sont sous-optimales (voir, par exemple, les travaux de Haslinger & Hlav´aˇcek [133], Hild [138], et Baillet & Sassi [19,20]). R´ecemment, un taux de convergence enO(hν) pour une r´egularit´e H1+ν(Ω

0; Rd), 0≤ ν ≤ 1,

a ´et´e obtenu par Wohlmuth [207, Theor`eme 4.9] dans le cas bidimensionnel pour une m´ethode mixte d’ordre bas avec des hypoth`eses techniques sur la zone de contact-frottement (c’est la premi`ere estimation optimale `a notre connaissance). Dans le cas tridimensionnel, un taux en O(hmin(12,ν)) a ´et´e prouv´e sans hypoth`ese suppl´ementaire toujours par Wohlmuth dans

[207, Th´eor`eme 4.10]. Pour la m´ethode p´enalis´ee, un taux enO(h12+ ν 2+ν

2

) pour une r´egular- it´e H32+ν(Ω0; Rd), 0 < ν < 1

2, et le taux quasi-optimal en O(h| log h|

1

2) pour une r´egularit´e

H2(Ω

0; Rd) ont ´et´e ´etablis par Chouly & Hild dans [65], sans hypoth`ese suppl´ementaire sur

la zone de contact-frottement. Ces r´esultats ont ´et´e am´elior´es r´ecemment par Dione dans [96] o`u des taux optimaux ont ´et´e obtenus si le param`etre de p´enalisation est suffisamment grand. Pour la discr´etisation Nitsche-FEM, la convergence optimale d’ordreO(hs) en norme

H1(Ω

0; Rd) a ´et´e prouv´ee par Chouly dans [61] sous l’hypoth`ese de r´egularit´e H1+s(Ω0; Rd)

avec s∈ (1

2, k], o`u k≥ 1 est le degr´e polynomial des ´el´ements finis de Lagrange (il est remar-

quable qu’aucune hypoth`ese suppl´ementaire ne soit n´ecessaire). De plus, l’estimation d’erreur reste valide en deux et trois dimensions d’espace, et pour tout degr´e polynomial k≥ 1.

Dans cette th`ese, nous utilisons les m´ethodes de Nitsche pour imposer les conditions de contact et de frottement. Ce choix est motiv´e d’une part par le fait que les m´ethodes de Nitsche permettent de se passer de multiplicateurs de Lagrange, ce qui nous permettra de conserver une formulation primale en coh´erence avec les d´eveloppements pr´ec´edents pour r´esoudre les probl`emes de verrouillage num´erique dˆu `a l’incompressibilit´e. D’autre part, des m´ethodes Nitsche-HHO ont ´et´e d´evelopp´ees dans [50] pour le probl`eme de Signorini scalaire et des taux de convergence optimaux enO(hk+1) pour la norme de l’´energie ont ´et´e prouv´es.

Nous allons ici ´etendre cette analyse au probl`eme de l’´elasticit´e avec des conditions de contact et de frottement.

1.5.3 Formulation de Nitsche

La m´ethode de Nitsche a ´et´e d´evelopp´ee initialement pour imposer faiblement les conditions aux limites de Dirichlet [173]. Depuis, cette m´ethode a ´et´e ´etendue aux traitements des conditions de contact et de frottement. L’id´ee est de reformuler les conditions de contact (1.41) et de frottement (1.42) en ´equations non-lin´eaires. Cela a ´et´e propos´e pour la premi`ere fois dans [79] par Curnier & Alart (voir aussi [61] pour une preuve d´etaill´ee).

Proposition 1.8 Soitγ une fonction `a valeurs strictement positives surΓC. Les conditions

de contact avec frottement de Tresca (1.41)–(1.42) peuvent ˆetre reformul´ees comme suit : σN(u) = [σN(u)− γ uN]

R−

(1.44a)

σT(u) = [σT(u)− γ uT]s. (1.44b)

o`u [x]

R− := min(x, 0) est la projection de x sur le sous-ensemble ferm´e convexe R

= (−∞, 0]

et pour tout α∈ R+, [x]

α est la projection orthogonale de x surB(0, α) ⊂ Rd−1, o`uB(0, α)

est la boule ferm´ee centr´ee sur l’origine 0 et de rayon α. Cette projection est d´efinie de mani`ere analytique, pour tout x∈ Rd−1, par

[x]α= ( x si |x| ≤ α, α x |x| sinon. (1.45)

Soit{Th}h≥0une famille d maillages simplicaux r´eguliers au sens habituel de Ciarlet [69] de

Ω0, et soit

Vh:={vh ∈ C0(Ω0; Rd) : vh|T ∈ Pk(T ; Rd); ∀T ∈ Th}

l’espace d’´el´ements finis de degr´e k ≥ 1 sur Th. Nous consid´erons le sous-espace Vh,0 :=

{vh ∈ Vh : v = 0 sur ΓD}. La discr´etisation conforme Nitsche-FEM de la formulation faible

(1.43) est la suivante (voir [63]) :

( Trouver uh ∈ Vh,0 tel que

aγθ,h(uh, vh) = `γθ,h(vh) ∀vh∈ Vh,0,

(1.46) o`u les formes semi-lin´eaire et lin´eaire introduites ci-dessus sont

aγθ,h(vh, wh) :=a(vh, wh)− Z ΓC θ γσN(vh)·σN(wh) dΓ + Z ΓC 1 γφ N γ,1(vh)  R− φNγ,θ(wh) dΓ + Z ΓC 1 γ h φTγ,1(vh)i s·φ T γ,θ(wh) dΓ, (1.47a) `γθ,h(wh) :=L(wh), (1.47b) avec φN

γ,θ(v) := θσN(v)− γvN et φγ,θT (v) := θσT(v)− γvT. Notons que aγθ,h est non-lin´eaire

par rapport `a son premier argument. Ici, les param`etres utilisateur sont le param`etre de sym´etrie θ ∈ {−1, 0, 1} et le param`etre de p´enalisation γ, tel que γ = γ0h−1 avec γ0 choisi

suffisamment grand pour assurer la coercivit´e pour θ6= −1 (la valeur minimum d´epend d’une in´egalit´e de trace discr`ete, voir, par exemple, les travaux de Nitsche [173], Hansbo [130]), et Stenberg [199]). Voir Chouly & al. [63] pour une discussion plus compl`ete sur le choix de θ et γ0, et ses implications.

Documents relatifs