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2) Vers la constitutionnalisation du droit à l’eau

338. Les États de l’Amérique latine et d’Afrique sont des précurseurs quant à la reconnaissance d’un droit constitutionnel à l’eau. En effet, la prise en compte de la rareté de cette ressource a conduit le pouvoir constituant à inscrire le droit à l’eau dans le marbre de la Constitution. La constitutionnalisation du droit à l’eau pose un changement de perspective de la protection de l’eau, car elle impose de soustraire l’eau aux lois du marché. Sa constitutionnalisation peut être réalisée soit de manière indirecte par un rattachement à d’autres droits-libertés (A), soit de manière directe par la reconnaissance d’un droit constitutionnellement garanti (B).

A. Le rattachement indirect du droit à l’eau à d’autres droits-libertés

339. En absence de toute consécration constitutionnelle, le droit à l’eau, « vecteur de partages obligés »944, peut être rattaché à d’autres droits garantis par la Constitution et notamment au droit à un environnement sain, au droit à la protection de la santé, au droit au logement décent, au droit à la dignité de la personne humaine et au droit à la vie.

943H.SMETS, « L’Espagne contribue à la promotion internationale du droit à l’eau », in H.SMETS (dir.), Le droit à l’eau potable et à l’assainissement en Europe. Implementing the right to drinking water and sanitation in 17 European countries, Johanet, Paris, 2012, p. 49.

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340. La protection du droit à l’eau potable en Espagne peut être effectuée par le juge de manière indirecte en faisant référence à certains articles de la Constitution espagnole et notamment l’article 10 sur la dignité humaine et l’article 15 sur le droit à la vie. Ces articles consacrent de véritables droits fondamentaux directement applicables. Le rattachement du droit à l’eau à l’article 43 relatif au droit à la santé, ou à l’article 45 relatif à l’utilisation rationnelle de toutes les ressources naturelles, ou à l’article 47 relatif au droit de disposer d’un logement digne et approprié945 semble revêtir une portée limitée. En effet, ces trois derniers articles de la Constitution sont consacrés dans le Chapitre III relatif aux principes directeurs de la politique sociale et économique946. L’article 53, alinéa 3 de la Constitution précise la portée de ces principes directeurs en affirmant que « la reconnaissance, le respect et la protection des principes énoncés au chapitre trois inspireront la législation positive, la pratique judiciaire et l’action des pouvoirs publics. Ils ne pourront être allégués que devant la juridiction ordinaire947, conformément aux dispositions des lois qui les développeront ». Il en résulte que ces principes ne sont pas des droits fondamentaux directement applicables et par conséquent, ils ne peuvent servir comme appuie en cas d’un recours d’amparo. Ils sont de simples standards948 que le législateur, le juge et les pouvoirs publics doivent suivre.

341. En outre, le Tribunal constitutionnel a déclaré à plusieurs reprises que la protection de l’environnement ne constitue pas un droit fondamental invocable lors d’un recours d’amparo949. Néanmoins, si à l’heure actuelle le Tribunal constitutionnel ne s’est pas

945

M.J.AGUDO ZAMORA, « Consideraciones acerca del derecho constitucional a disfrutar una vivienda digna y adecuada », in J. L. CASCAJO CASTRO, M. J. TEROL BERCERRA, A. DOMINGUEZ VILA, V. J. NAVARRO

MARCHANTE (coord.), Derechos sociales y principios rectores, op. cit., pp. 763-778 ; A.DOMINGUEZ VILLA, « El derecho constitucional a la vivienda. Teoría y práctica », in J. L. CASCAJO CASTRO, M. J. TEROL

BERCERRA, A. DOMINGUEZ VILA, V. J. NAVARRO MARCHANTE (coord.), Derechos sociales y principios rectores, op. cit., pp. 589-630.

946 Il est nécessaire de préciser que la Constitution espagnole fait une distinction entre « les droits fondamentaux et libertés publiques », « les droits et devoirs des citoyens » et « les principes directeurs de la politique sociale et économique ». Comme le souligne, le professeur C.GREWE, « Il s’agit d’une énonciation en dégradé où les droits les plus prééminents, les seuls à arborer l’adjectif fondamental, figurent en tête », « Les droits sociaux constitutionnels : propos comparatifs à l’aube de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », R.U.D.H., 2000, p. 91.

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C’est nous qui soulignons.

948

C.-H.HERRERA, « Sur le statut des droits sociaux – La constitutionnalisation du social », R.U.D.H., 2004, p. 32.

949 STC 199/1996 du 3 décembre 1996, FJ 2 et 3. Sur la conception constitutionnelle de l’environnement voir B. LOZANO CUTANDA, Derecho ambiental administrativo, Madrid, La Ley, 2010, pp. 99-130 ; S. ANGLADA

GOTOR, « Texto constitucional para la salvaguardia del medio ambiente », Revista de Derecho Urbanistico, n° 58, 1978, pp. 97-107 ; J.AROZAMENA SIERRA, « El medio ambiente en la Constitución española », Revista

Interdisciplinar de Gestión Ambiental, n° 51, 2003, pp. 1-6 ; R. CANOSA USERA, Constitución y medio

ambiente, Madrid, Dykinson, 2000, 274 p. ; R.CANOSA USERA, « Tutela constitucional del derecho a disfrutar

del medio ambiente », in A. YABAR STERLING (coord.), Fiscalidad ambiental, Actes du Premier Congrès International sur la protection fiscale de l’environnement tenu à Madrid les 22 et 24 janvier 1996, Barcelone, Cedecs, 1998, pp. 257-272 ; F. DELGADO PIQUERAS, « Régimen jurídico del derecho constitucional al medio ambiente », Revista Española de Derecho Constitucional, n° 38, 1993, pp. 49-79 ; G. ESCOBAR ROCA, La

ordenación constitucional del medio ambiente, Madrid, Dykinson, 1995, 213 p. ; T. R. FERNÁNDEZ

RODRIGUEZ, « El medio ambiente en la Constitución española », Documentación Administrativa, n° 190, 1981, pp. 337-349 ; A.B.GÓMEZ PUERTO, « El medio ambiente en la Constitución de 1978. El papel de la Administración Local en la efectividad del derecho constitucional al medio ambiente: la experiencia de la

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prononcé directement sur la valeur du droit à l’eau, sa protection pourrait être assurée par le juge constitutionnel du moment où les atteintes au droit à l’eau ont des incidences sur les droits fondamentaux directement applicable. À ce titre, il convient de mentionner l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 24 mai 2001950. En l’espèce, le juge constitutionnel admet la possibilité d’invoquer dans le cadre d’un recours d’amparo un préjudice qui résulte d’une incidence du bruit sur les droits fondamentaux. Selon le juge, « il ne peut y avoir violation de l’article 15 de la Constitution que si le niveau de saturation acoustique subi par une personne, comme conséquence d’une action ou d’une omission des pouvoirs publics, nuit gravement et immédiatement à sa santé »951. Toutefois, il est nécessaire d’apporter la preuve d’un lien de causalité entre le bruit et le dommage allégué, ce qui, en l’espèce, le Tribunal constitutionnel a considéré comme insuffisamment prouvé. Le juge a justifié le rejet du recours d’amparo en affirmant qu’« en conséquence, il y a lieu de rejeter l’amparo pour ce qui est de la violation alléguée des droits invoqués, faute pour l’intéressée d’avoir prouvé l’existence d’une atteinte Ciudad de Córdoba », La Ley, n° 4, 2005, pp. 1794-1811 ; F.LÓPEZ MENUDO, « El dercho a la protección del medio ambiente », Revista del Centro de Estudios Constitucionales, n° 10, 1991, pp. 161-201 ; F. LOPEZ

RAMON, « L’environnement dans la Constitution espagnole », R.J.E., n° spécial, 2005, pp. 53-62 ; A.PÉREZ

LUÑO, « Artículo 45. Medio ambiente », in O.ALZAGA VILLAAMIL (dir.), Comentarios a las leyes políticas.

Constitución española de 1978, t. IV, Madrid, Edersa, 1984, pp. 239-279 ; I. PONT CASTEJÓN, « Medio

ambiente y Constitución española de 1978 », dans l’ouvrage collectif La empresa en la Constitución española, Pamplone, Aranzadi, 1989, pp. 315-352 ; L. RODRÍGUEZ RAMOS, « El medio ambiente en la Constitución española », in L. RODRÍGUEZ RAMOS (coord.), Derecho y medio ambiente, Madrid, CEOTMA, 1981, pp. 31-43 ; G.J. RUIZ-RICO RUIZ, « El medio ambiente, derecho constitucional y principio programático », in J.L.CASCAJO CASTRO,M. J. TEROL BERCERRA,A.DOMINGUEZ VILA,V. J.NAVARRO MARCHANTE (coord.), Derechos sociales y principios rectores, Actes du IXe Congrès de l’Association des constitutionnalistes d’Espagne, Valence, Tirant lo Blanch, 2012, pp. 535-562 ; G.J. RUIZ-RICO RUIZ, El derecho constitucional al

medio ambiente. Dimensión jurisdiccional, Valence, Tirant Lo Blanch, 2000, 301 p. ; A.RUIZ ROBLEDO, « Un

componente de la Constitución económica : la protección del medio ambiente », Revista Andaluza de

Administración Pública, n° 14, 1993, pp. 27-53 ; F. VELASCO CABALLERO, « El medio ambiente en la

Constitución : un derecho público subjectivo y/o principio rector ? », Revista Andaluza de Administración Pública, n° 19, 1994, pp. 77-121.

950 STC 119/2001 du 24 mai 2001. En l’espèce, la requérante résidait dans une zone acoustique saturée, déclarée ainsi par la mairie de Valence. Cette situation l’empêchait de dormir et de se reposer, lui causant, selon la requérante, des insomnies ainsi que de sérieux problèmes de santé. À ce titre, elle présenta une réclamation préalable auprès de la mairie de Valence, en se fondant sur les articles 15 (droit à la vie et à l’intégrité physique) et 18 § 2 (droit à l’intimité et à l’inviolabilité du domicile) de la Constitution espagnole. En outre, elle demanda 3 907 euros (650 000 pesetas) pour les dommages subis et le coût de l’installation d’un double vitrage. L’administration gardant le silence sur sa demande, la requérante présenta un recours administratif auprès du Tribunal Supérieur de Justice de Valence, invoquant la violation des mêmes articles de la Constitution. le Tribunal Supérieur de Justice de Valence rejetta la demande de la requérante, en considérant que « les éléments relevés – non pas au domicile de celle-ci mais dans le hall d’entrée de l’immeuble – ne pouvaient emporter violation des articles 15 et 18 § 2 de la Constitution, et que l’expertise médicale mentionnait seulement que l’intéressée avait suivi un traitement contre l’insomnie pendant plusieurs années, sans préciser la durée ni la raison de ce traitement ». La requérante forma contre cette décision un recours d’amparo devant le Tribunal constitutionnel. Elle invoquait d’une part les articles 14 (égalité) et 24 (droit à un procès équitable) de la Constitution, en alléguant le manque de motivation de l’arrêt et l’appréciation des preuves faite dans celui-ci. Se fondant d’autre part sur les articles 15 et 18 § 2 de la Constitution, elle se plaignait de la violation du droit à la vie, à l’intégrité physique et morale, à l’intimité personnelle et à l’inviolabilité du domicile.

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FJ 6, « En efecto, si bien es cierto que no todo supuesto de riesgo o daño para la salud implica una vulneración del art. 15 CE, sin embargo cuando los niveles de saturación acústica que deba soportar una persona, a consecuencia de una acción u omisión de los poderes públicos, rebasen el umbral a partir del cual se ponga en peligro grave e inmediato la salud, podrá quedar afectado el derecho garantizado en el art. 15 CE ».

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réelle et effective aux droits fondamentaux qui serait imputable à l’autorité municipale de Valence »952. Cette position du juge constitutionnel a été contredite par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt du 16 novembre 2004953. En effet, le juge de Strasbourg a affirmé que « les faits montrent que la requérante a subi une atteinte grave à son droit au respect du domicile, en raison de la passivité de l’administration face au tapage nocturne »954. Il en résulte que la violation du droit au respect de son domicile et de sa vie privée, affirmé à l’article 8 de la CEDH, était suffisamment prouvée, face à la passivité municipale devant le bruit nocturne. Dans une vision prospective, la protection du droit à l’eau peut être assurée par le juge constitutionnel, à la lumière de la jurisprudence de la CEDH, tout du moins de manière indirecte en étant rattaché aux droits subjectifs.

342. Il est opportun de souligner la position audacieuse du juge pénal français selon lequel la fourniture d’un logement sans eau ni toilettes est une atteinte à la dignité humaine, qui est un principe constitutionnel955. Cependant, la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est reconnue par le Conseil constitutionnel comme un objectif de valeur constitutionnelle956. Par conséquent, la portée juridique de cette norme reste limitée par son absence d’application directe, par la consécration d’une obligation de moyens et non de résultat et par sa protection de la part du juge constitutionnel limitée par rapport aux droits et libertés957.

343. En droit français, depuis 2009 la Charte de l’environnement fait partie du bloc de constitutionnalité. Selon l’article 2 de la Charte de l’environnement, « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». En effet, comme le souligne les professeurs PRIEUR et MARGUENAUD, le droit à l’environnement est accompagné d’une obligation pour tous de protéger les ressources naturelles y compris l’eau958. Cette obligation semble reconnaître en creux le droit à l’eau. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la portée des articles 1er et 2 de la Charte de 2004 dans une décision QPC du 8 avril 2011959. Il admet une invocabilité directe de ces articles à l’appui d’une QPC. Le Conseil constitutionnel déduit une obligation générale de vigilance non seulement qui s’impose à l’administration, mais à tous. Ainsi, le juge constitutionnel

952 FJ 7, « Consecuentemente, debemos denegar el amparo por la pretendida vulneración de los indicados derechos sustantivos toda vez que no se ha acreditado que nos encontremos ante la existencia de una lesión real y efectiva de los derechos fundamentales aducidos imputable al Ayuntamiento de Valencia [...] ».

953 C.E.D.H., 16 novembre 2004, Moreno Gómez c/ Espagne, req. n° 4143/02, §§ 59-63.

954 § 61.

955 Cass., Ch. Crim., 30 mai 2006, n° de pourvoi 05-85368, non publié au bulletin, in B. DROBENKO, J. SIRONNEAU, Code de l’eau, 3ème éd., Paris, Johanet, 2013, p. I-117.

956 Décision CC n° 94-359 DC du 19 janvier 1995, Diversité de l’habitat, Rec. CC, p. 176.

957P.MONTALIVET (DE), Les objectifs de valeur constitutionnelle, Paris, Dalloz, 2006, p. 17.

958 J.P. MARGUENAUD, « Les devoirs de l’homme dans la Charte constitutionnelle de l’environnement », in Confluences, Mélanges en l’honneur de Jacqueline Morand-Deviller, Paris, Monchrestien, 2007, p. 879.

959

Décision CC n° 2011-116 QPC, 8 avril 2011, M. Michel Z. et autres (Troubles du voisinage et environnement), Rec. CC, p. 183.

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reconnaît l’effet horizontal de la Charte. Par conséquent, une action en responsabilité peut être fondée sur le fondement de ces articles de la Charte de l’environnement.

La protection de l’environnement revêt en Italie également une valeur constitutionnelle960. Cette valeur ressort tant de l’article 117 de la Constitution italienne que de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. En effet, pour le juge constitutionnel la configuration de l’environnement est perçue comme une valeur961 constitutionnellement protégée et qui en tant que telle constitue une matière transversale, conformément à laquelle se manifestent des compétences différentes qui peuvent alors être régionales, vu qu’appartiennent à l’État les spécifications qui répondent à des exigences méritant une discipline uniforme sur l’ensemble du territoire national962.

344. Le droit à l’eau répond aux critères d’un droit fondamental seulement quand il concerne la consommation humaine, car dans ce cas, il est en connexion avec le droit à la vie dans des conditions dignes et avec le droit à la santé. Dans le cas où l’eau est nécessaire pour préserver la vie, la santé ou la salubrité des personnes, le droit à l’eau peut être protégé à travers une action en justice tant contre les autorités publiques que contre les particuliers.

345. Si la reconnaissance formelle du droit à l’eau potable est absente en Italie, certaines dispositions constitutionnelles peuvent servir de fondement quant à sa reconnaissance future par la Cour constitutionnelle. Il s’agit notamment de l’article 2 de la Constitution italienne sur les droits inviolables de l’homme963, l’article 3 sur la dignité sociale, l’article 9 sur la protection du paysage, l’article 33 sur la protection de la santé

960 Marie-PierreÉLIE rescense une bibliographie italienne assez riche portant sur la valeur constitutionnelle de l’environnement, L’environnement dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne, Saarbrucken, Presses académiques francophones, 2012, 435 p. ; S. SCAMUZZI (a cura di), Costituzioni, razionalità,

ambiente, Turin, Bollati Boringhieri, 1994, 474 p. ; C. MILLIONE FUGALI, « El Derecho al Medioambiente en

la Constitución Española de 1978 y en la Constitución Italiana de 1948 », in J.L.CASCAJO CASTRO,M.J. TEROL BERCERRA,A.DOMINGUEZ VILA,V. J.NAVARRO MARCHANTE (coord.), Derechos sociales y principios rectores, Actes du IX Congrès de l’Association des constitutionnalistes d’Espagne, Valence, Tirant lo Blanch, 2012, pp. 735-748 ; C. MILLIONE FUGALI, « El medio ambiente como valor jurídico en el marco de la constitución italiana », Nuevas Politicas Públicas: Anuario multidisciplinar para la modernización de las Administraciones Públicas, n° 4, 2008, pp. 233-249.

961 Comme le souligne Marie-Pierre ÉLIE, « les valeurs représentent des standards qui peuvent orienter la conduite à tenir dans différentes situations, elles servent comme instrument pour résoudre les conflits. Reconnaître à l’environnement valeur constitutionnelle revient à souligner la priorité des « valeurs suprêmes » et à affirmer une compétence de la Cour constitutionnelle pour le contrôle au fond des violations qui pourraient se produire », L’environnement dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne, op. cit., p. 259 et s.

962 Corte cost., n° 507 du 18 février 2000, Giur. cost. t. IV, pp. 3915-3965 ; n° 54 du 15 février 2000, Giur. cost., t. I, 2000, pp. 428-436 ; n° 382 du 7 octobre 1999, Giur. cost. t. II, pp. 2941-2951 ; n° 273 du 17 juillet 1998, Giur. cost. t. II, pp. 2125-2135.

963 Pour VeraPARISIO, le droit à l’eau peut être déduit de l’article 2 de la Constitution italienne. En effet, cet article est lu comme une norme « ouverte » (aperta) donnant naissance à de nouveaux droits constitutionnels. V.PARISIO, « Concurrence, régulation publique et service intégré de l’eau en Italie », in V.PARISIO (a cura di), Demanio idrico e gestione del servizio idrico in una prospettiva comparata : una riflessione a più voci, Milan, Giuffrè, 2011, p. 129, note 1 ; T.E.FROSINI, « Dare un diritto agli assetati », Analisi giuridica dell’economia, n° 1, 2010, pp. 29-38; A.BARTOLINI, « Le acque tra beni pubblici e pubblici servizi » in A.POLICE (a cura di), I benni pubblici: tutela, valorizzazione e gestione, Milan, Giuffrè, 2008, pp. 241-243.

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comme droit fondamental de l’individu et d’intérêt de la collectivité, l’article 44 sur la loi qui a comme but de promouvoir et d’imposer la gestion du sol, l’article 117 sur la protection de l’environnement et de l’écosystème qui est une matière de la compétence exclusive de l’État. Le droit à l’eau une fois intégré dans la catégorie des droits fondamentaux inviolables de la personne sera considéré comme absolu, inaliénable, irréversible, indisponible et imprescriptible964. Par conséquent, ses caractères représentent des obstacles à ce que l’eau-bien public soit l’objet d’une privatisation. En outre, cette reconnaissance aurait le mérite d’éviter toute régression, car les droits inviolables ne peuvent pas être modifiés dans leur contenu minimum essentiel par une loi de révision.

346. D’ailleurs, il faut souligner, qu’en Italie les premières pierres nécessaires à la fondation d’un droit fondamental à l’eau potable sont déjà posées par la jurisprudence constitutionnelle. Dans ce sens, on notera la décision de la Cour constitutionnelle n° 259 de 1996. Dans cette décision, l’eau est définie comme un bien primaire à la vie humaine et une ressource protégée et utilisée selon les critères de solidarité. Le juge constitutionnel souligne que les utilisations des ressources hydriques doivent être intégrées dans le droit fondamental de l’homme et des générations futures à l’intégrité du patrimoine écologique965. Par ailleurs, la Consulta reconnaît que l’eau en tant que ressource commune, est un bien limité. En effet, il n’existe aucun obstacle juridique pour reconnaître une valeur constitutionnelle au droit à l’eau.

B. La justification théorique de la

constitutionnalisation du droit à l’eau

347. Reconnaître un droit fondamental à l’eau est tout d’abord un moyen d’introduire dans la conscience collective que l’eau est une ressource de nécessité vitale pour la survie de la planète et non pas un des instruments participant à la production industrielle. Reconnaître ce droit permettrait à l’État de renforcer sa position vis-à-vis des autorités privées qui ne cessent d’exercer de fortes pressions pour payer à un prix dérisoire l’eau consommée à des fins agricoles et industrielles et pour obtenir le droit de polluer la ressource en eau. En outre, la légitimité de la protection de l’eau sera accrue par la reconnaissance de sa validité constitutionnelle et son efficacité sera ainsi améliorée. Cette légitimité de la consécration constitutionnelle du droit à l’eau est à la fois le résultat de sa reconnaissance dans le droit interne au niveau législatif ainsi que le résultat de sa reconnaissance juridique dans le droit

964F.COCOZZA,G.CORSO, « Le situazioni soggettive », in G.AMATO, Manuale di diritto pubblico, Bologne, Il Mulino, 1991, p. 210.

965

La décision de la Cour constitutionnelle italienne n° 259 du 1996 indique que « che l'acqua è il bene primario della vita […] risorsa salvaguardata ed utilizzata secondo criteri di solidarietà […] riconnessa al diritto fondamentale dell'uomo (e delle generazioni future) all'integrità del patrimonio ambientale, nel quale devono essere inseriti gli usi delle risorse idriche », Giur. cost., II, 1996, p. 2323.

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international. Le droit à l’eau a été constitutionnalisé dans certains États tantôt en lui reconnaissant la qualité d’un droit autonome966 tantôt en étant reconnu comme un droit connexe des autres droits sociaux967.

348. La constitutionnalisation du droit à l’eau par la voie de la révision de la Constitution ou par la voie jurisprudentielle semble indispensable pour assurer une protection renforcée de l’eau. En effet, introduire le droit à l’eau dans le texte constitutionnel par la voie de la révision reste la solution la plus démocratique. Ainsi, la légitimité et l’efficacité de la