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V. TRANSPOSITION AU MARCHE BELGE

V.2 Modalités de mise en œuvre

V.2.1 Constitution d’une réserve stratégique R4

De ce point de vue, parmi tous les modèles présentés aux chapitres précédents, le mécanisme de la réserve stratégique R4 est :

- relativement simple et rapide à mettre en place;

- le mécanisme qui perturbe le moins le fonctionnement du marché de l’énergie, à la condition toutefois que la capacité soit bien dimensionnée et que son utilisation soit exceptionnelle.

17 Le système électrique belge à la croisée des chemins : une nouvelle politique énergétique pour réussir la transition, 27 juin 2012.

Il n’apporte toutefois qu’une solution partielle au problème et n’est pas dénué de risques :

Il pourrait ne pas inciter au développement de nouvelles unités flexibles

- si le mécanisme est appliqué à un horizon d’un an, il permet de remédier au problème d’un déficit de capacité identifié pour l’année suivante. Il constitue un incitant pour les unités existantes les moins performantes à rester une année de plus dans le parc. Il va donc favoriser l’extension de la durée de vie des unités les moins performantes au détriment de l’investissement dans de nouvelles unités de meilleur rendement ;

- pour éviter les menaces de fermetures abusives, le plan Wathelet propose dans un premier temps de mettre l’unité aux enchères. Du point de vue technique, la reprise d’une unité inconnue et en fin de vie présente de grands risques qui se traduiront par des coûts d’exploitation plus élevés pour le repreneur. Il est donc peu probable qu’une telle démarche aboutisse si elle n’est pas couplée à une perspective d’investissement. En effet, la véritable valeur d’une unité en fin de vie réside dans son site d’exploitation. Les deux mesures proposées pourraient donc se combiner : la mise en réserve ne doit être que temporaire et assortie d’un projet d’investissement (subsidié ou non), faute de quoi la prolongation de la durée de vie d’unités existantes immobilisera des sites de production et constituera un frein supplémentaire à l’investissement.

Mal conçu, il pourrait perturber le fonctionnement du marché de la commodity

- contrairement aux réserves primaire, secondaire et tertiaire, si la réserve stratégique R4 est introduite sur le marché day ahead, elle peut entrer en compétition avec les autres capacités de production/d’effacement. La formulation sur le marché day ahead d’offre (à un prix administré) revient à placer un price cap sur le marché de la commodity. Si celui-ci est trop faible, il réduit le prix de l’électricité en période de pointe et donc l’incitation à investir dans des unités de pointe. En effet, plus le prix d’exercice sera bas, plus la rente de rareté des autres unités de production sera faible.

Ceci entrainera la volonté de fermeture d’unités supplémentaires qu’il faudra à leur tour intégrer dans la réserve pour maintenir le niveau de capacité voulu (slippery slope). Un nombre croissant d’unités ne seront

alors plus gérées par le mécanisme de marché, mais rémunérées et administrées par le gestionnaire de la réserve. Il en résultera un simple déplacement de la capacité du marché vers la réserve ;

- de même, si recevoir un paiement de la capacité devient plus attractif que rester sur le marché de la commodity, cela aboutira à un manque d’investissement en dehors du mécanisme, signifiant que la taille de la réserve devra progressivement s’accroître.

Son coût pourrait être accru par l’exercice d’un pouvoir de marché

- la réserve peut être constituée par appel d’offre. Dans ce cas, si les capacités requises sont présentes en nombre limité, leurs détenteurs disposeront d’un pouvoir de marché qu’ils pourront exercer.

Le choix du gouvernement porte sur une démarche négociée à l’issue de laquelle la CREG devrait se prononcer sur le niveau de rémunération accordé à l’unité placée en réserve. Elle serait constituée des coûts fixes strictement liés à son maintient en activité, diminués de la différence entre le prix d’activation prédéterminé et le prix marginal d’activation réel (revenus issus des marchés de la commodity et du balancing), auxquels serait ajoutée une marge équitable. Ce processus présente également des risques de rémunération excédentaire. En effet, l’asymétrie d’information sera importante entre le producteur et le régulateur. Si les coûts variables de production (combustible, CO2) peuvent être estimés à partir des prix de marché, ils peuvent toutefois s’éloigner sensiblement des coûts réellement supportés par les producteurs (par exemple, actuellement une partie des contrats d’approvisionnement à long terme de gaz sont indexés sur le charbon). Les coûts fixes résultent principalement de coûts de transfert internes et de règles d’imputation intra groupe. Seul l’accès à la comptabilité analytique des producteurs (les unités de production y constituent des centres de coûts) et aux règles d’imputation des coûts permettrait d’appréhender la réalité des coûts. La CREG n’a, à ce jour, jamais pu disposer de ces informations malgré des demandes répétées.

Prévoir une marge équitable ouvre également la porte à des négociations ardues.

Il ne protège pas les consommateurs contre des pics de prix et représente un coût additionnel pour les clients

Sur base des expériences étrangères, pour fonctionner correctement le mécanisme devrait disposer d’un cadre légal fixant :

- la durée de vie du mécanisme (déterminé en fonction du moment auquel les RES seront en mesure d’entrer sur le marché sans subside);

- le volume maximum de la réserve (une révision annuelle étant réalisée en fonction du développement des nouveaux investissements);

- les règles d’activation:

o pour éviter les effets pervers décrits ci-dessus, le retrait total de la capacité du marché (mise à disposition du GRT toute l’année) et son utilisation exclusive sur les marchés day ahead et du balancing en tant que solution de dernier recours semblent les plus opportunes ;

o le prix d’exercice de la réserve doit donc être supérieur au prix de la dernière offre commerciale (et inférieur à la VoLL).

- les pénalités. Le GRT doit s’assurer de la disponibilité effective de la capacité et des pénalités financières doivent être prévues en cas de défaut. Ces pénalités doivent constituer un frein au retrait de capacité du marché. Leur produit devrait être porté en déduction du coût de la mesure.

Il est important que les règles de fonctionnement du mécanisme soient transparentes et stables.

Par ailleurs, une rémunération excédant la couverture des coûts (marge équitable) ne semble pas justifiée dans la mesure où les unités susceptibles d’intégrer la réserve sont totalement amorties, ne représentent plus aucune valeur économique pour leurs exploitants et leur permet de postposer les coûts de démantèlement.

La répercussion du coût de la réserve devrait se faire en fonction de la présence à la pointe des consommateurs.

L’intégration de capacités d’effacement supplémentaires devrait être favorisée. Elle pourrait stimuler la réactivité de la demande et constituerait une alternative concurrentielle aux capacités de production, susceptible de réduire le coût de la réserve. Si les modalités d’activation de la réserve sont moins contraignantes que celles des services auxiliaires, de nouveaux offreurs pourraient proposer leurs services. Elle ne doit toutefois pas retirer du marché des services auxiliaires des capacités d’effacement compétitives.

La création de réserves conjointes entre pays limitrophes pourrait être examinée.

L’Allemagne a l’intention d’inclure des unités autrichiennes dans sa réserve stratégique R4.

Ceci est rendu possible parce que ces deux pays constituent une seule zone de réglage. Le projet IGCC de mise en commun de l’activation des réserves secondaires en cours de réalisation pourrait également être une source d’inspiration.

Le mécanisme est donc particulièrement adapté au maintient dans le parc d’unités existantes dans le but d’une utilisation exceptionnelle (solution de dernier recours). Il n’est en revanche pas idéal pour rémunérer le service de back up des RES dans la mesure où les unités doivent être souvent utilisées.

Or l’activation régulière de la réserve , c’est-à-dire lorsque les prix n’atteignent pas des pics importants, nécessiterait le retrait du marché de capacités plus importantes dont certaines seraient susceptibles de se classer utilement dans le merit order, influençant à la hausse le prix de l’électricité sur le marché day ahead.

L’utilisation de la réserve doit donc être exceptionnelle et considérée comme une mesure transitoire, dans l’attente de la prise de relais par de nouveaux investissements disposant de la flexibilité requise et dans l’attente de l’intégration des RES dans le marché.

Le plan Wathelet propose dès lors une seconde mesure destinée à inciter l’investissement dans de nouvelles unités de production flexibles. Le comité ministériel restreint du 4 juillet 2012 a remplacé le mécanisme d’appel d’offre visant à favoriser la création de TGV proposé initialement par un « mécanisme incitant à l’investissement dans des capacités nouvelles permettant de garantir, après la fermeture des deux centrales nucléaires (de Doel), à la fois la sécurité d’approvisionnement et le développement des énergies renouvelables, grâce à la plus grande flexibilité de ces nouvelles capacités ».

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