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III. 2 Ou comme symbole d’une Hyper France

III.2.2 Les consommateurs du Made in France : tous des bobos ?

Dans son ouvrage, Jean-Laurent Cassely parle de « bobos du canal Saint-Martin ». Le terme « bobo » est la contraction de bourgeois-bohème. En 2010, la sociologue Camille Peugny définit ainsi le bobo : « une personne qui a des revenus sans qu’ils soient faramineux, plutôt diplômée, qui profite des opportunités culturelles et vote à gauche »116 Il se différencie du bourgeois en étant concerné par des courants, culturels ou politique, et en y prenant part.

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!NORMAN. L-F. (2007, février) « Historiciser le sublime, ou le classicisme entre modernité et antiquité »,

Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 107, p.347-357

HHL

!Citation parue dans le magazine français mensuel Technikart en septembre 2001 et mise en exergue par Jean-Laurent CASSELY. CASSELY. J-L. (2019). No fake. Contre-histoire de notre quête d’authenticité. France : Éditions ARKHÊ, p.4

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!Les Inrocks (2010, 9 avril) « Qui sont les bobos ? » URL :

!! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! JI! Le bobo serait ainsi le public parfait du Made in France et de tous les éléments qui en découlent. Cette théorie semble être partagé par quelques consommateurs. En effet, lors de notre entretien avec Marie, le terme « bobo » est revenu à cinq reprises. Pour elle, le Made in France est « une mode un peu bobo mais qui a du sens quand même » ; Le Slip Français « c’est haut de gamme, un peu bobo » ; les consommateurs du Made in France ont « un mode de vie qu’[elle] appelle bobo ». Ce fut également le cas lors de notre entretien avec Cindy Sonnet, employée au sein d’Ulule, une entreprise de crowdfunding qui organisent régulièrement des pitchs pour les projets Made in France. Lorsque nous lui avons demandé qui consomme Made in France, son premier réflexe a été de parler de « l’étiquette du bobo », qu’elle a tout de suite justifié. Enfin, Agathe, consommatrice du Made in France, se définit elle-même comme « bobo-gaucho » . Le bobo semble être le consommateur typique de produits de fabrication française et de lieux symboles de l’Hyper France.

Toutefois, il serait intéressant de nuancer ce propos. Lors de notre enquête de terrain, nous avons pu comparer deux lieux similaires, ayant chacun les codes de l’Hyper France, mais n’étant pas situé dans la même ville. Il s’agit du bistrot Aux Bons Crus, situé dans le 11e arrondissement à Paris, et Le Petit Chalet à Dampierre, une commune des Yvelines. Tous deux possèdent des tables carrés aux nappes Vichy rouge et blanc, des chaises en bois, des tableaux vintage aux murs, des barquettes en plastique dans lesquelles des morceaux de baguette sont entassés, la carte est également sensiblement la même. Pourtant, les clients et les attitudes ne sont pas les mêmes. Aux Bons Crus, la clientèle est jeune et huppée, ils s’empressent de prendre en photo leur plat et la décoration du bistrot, pour, la plupart du temps, la partager à leur communauté Instagram. Les hashtags récurrents sont : #frenchfood, #France, #FrenchBistro, et les drapeaux français fusent. Quant au Petit Chalet, la clientèle, plus âgée et plus calme, se contente de boire son verre de vin, saucer le plat et discuter avec la serveuse. La décoration n’est pas sujet de discussion, ni objet d’émerveillement. Pourtant, Le Petit Chalet représente tout autant la France d’antan. La différence réside dans le fait que l’un, ouvert en 2017, joue à être typiquement français : il restitue et reconstitue l’histoire. Les clients sont comme des spectateurs. Le second, créé une dizaine d’année auparavant, est quant à lui typiquement français. Les clients en sont les acteurs. Cette catégorie de clientèle, pourtant tout autant attachée à la francité et au folklore français, semble loin des bobos décrits quelques lignes auparavant. Le Petit Chalet est authentique, tandis que Aux Bons Crus joue à être authentique. Il y a donc, de la part du second bistrot, simulation : « La simulation n’est plus celle d’un

!! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! JL! territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d’un réel sans origine ni réalité : l’hyperréel117 ».

De plus, lors de notre visite au Salon du Made in France, il était intéressant d’observer un public divers et varié. De jeunes couples avec des poussettes flânaient dans les allées, ainsi que des moins jeunes, des séniors, des adolescents, etc. Mina, une femme que nous avons interrogée à ce moment-là, est grand-mère, habite à Vincennes et est d’origine maghrébine : elle est donc loin du cliché du bobo. De ce fait, tous les profils étaient différents et loin de représenter en majorité les « bobos ». Fabienne Delahaye, fondatrice du Salon du Made in France, nous l’a confirmée : le salon compte 70 millions de visiteurs, contre 15 millions à sa première édition en 2011. En 2018, 70% des visiteurs ont effectué un achat lors du salon118. Est-il possible que les 70 millions de visiteurs du Salon soient 70 millions « bobos » ?

Certes, le Made in France a l’étiquette du bobo, de par les prix souvent élevés et de par la mise en scène de cette Hyper France qui fait que les consommateurs peuvent jouer à la France d’antan, charentaises aux pieds et marinière, tout en dégustant un avocado toast. Mais il s’agit là d’une part minime des consommateurs du Made in France, sur-représentée, car urbaine.

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