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En quoi consiste l’inamovibilité des juges du siège ?

B- L’inamovibilité du juge du siège, une règle mise à mal au cours de ces dernières

2) En quoi consiste l’inamovibilité des juges du siège ?

« À l’aube du troisième millénaire, l’inamovibilité des magistrats du siège apparaît clairement érigée au rang de garantie de référence, en vue d’assurer l’indépendance des

75 Acte de réquisition écrit et lu en audience, par lequel le ministère public expose ses arguments aux magistrats de la juridiction répressive afin d’ouvrir une information, de renvoyer le prévenu devant une juridiction répressive ou de conclure à un non-lieu.

76 Devant les juridictions administratives et financières, les conclusions sont des exposés formulés et lus en public par le Commissaire Général de la Loi ou le Commissaire Général du Trésor Public. À travers ses exposés, et en toute indépendance, le magistrat présente les questions de droit posées par l’affaire, livre ses opinions et propose une ou plusieurs les solutions possibles aux juges du Siège.

77 Article 109 : « Les magistrats du siège sont inamovibles ; ils occupent les postes dont ils sont titulaires en raison de leur grade ; ils ne peuvent recevoir sans leur consentement, aucune affectation nouvelle, sauf nécessité de service dûment constatée par le Conseil Supérieur de la Magistrature ».

78 Article 9 : « Les magistrats du siège sont inamovibles. Ils occupent les postes dont ils sont titulaires en raison de leur grade ; ils ne peuvent recevoir sans leur consentement, aucune affectation nouvelle sauf nécessité de service dûment constatée par le Conseil Supérieur de la Magistrature ».

juges ». Telle est la vision d’Olivier PLUEN dans sa thèse de doctorat79. De nombreuses fois, l’inamovibilité des juges est citée sans que l’on ne sache réellement ni sa signification, ni sa portée, ni ses limites.

a) L’inamovibilité dans le langage courant

Dans le langage courant, le dictionnaire Le Robert propose deux (2) définitions de l’adjectif « amovible »80. Tout d’abord, est amovible celui qui peut être déplacé, changé d’emploi, révoqué. Dans cette première acception, il fait référence à un fonctionnaire ou à un magistrat. Synonyme de « révocable », le mot « amovible » évoque donc une fonction qui peut être retirée d’un fonctionnaire pour être attribuée à d’autres. La deuxième définition du mot est relative à celui qui peut être enlevé ou remis à sa place à volonté. À la lumière de ces deux définitions, et en suivant un raisonnement a contrario, nous pouvons donc dire qu’est inamovible ou bénéficie d’une inamovibilité la personne, principalement un fonctionnaire ou un magistrat, qui ne peut être mutée ou révoquée sans motif précis ou être affectée de manière arbitraire à une quelconque localité.

b) L’inamovibilité vue par la doctrine

Dans le langage juridique, plusieurs définitions sont proposées, dont celle du professeur CORNU81. Selon lui, et c’est la définition classique, est amovible le fonctionnaire qui peut changer d’emploi, être déplacé, dans l’intérêt du service et en dehors de toute sanction disciplinaire, par décision discrétionnaire d’un supérieur hiérarchique82.

79 Olivier PLUEN, L’inamovibilité des magistrats : un modèle ? , thèse de doctorat soutenue le 22 novembre 2011, Université Panthéon-Assas (Paris 2) École doctorale de droit public, science administrative et science politique, p.16.

80 Étymologiquement, « amovible » vient du latin médiéval amovibilis et du latin amovere dont le sens est

« écarter ».

81 Gérard CORNU a été professeur de droit à la faculté de droit de Poitiers (qu’il a rejoint grâce au Professeur Jean Carbonnier), doyen de cette faculté, puis professeur à l’Université de Paris II Panthéon-Assas. Il fut membre du Conseil supérieur de la magistrature français, nommé en 1967 par le général de Gaulle, alors Président de la République française.

82 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, Quadrige, Paris, 7e éd., 2005, p. 54.

Mais au fil des siècles, notamment depuis le XXe siècle, la doctrine a essayé de cerner et de préciser le sens de l’inamovibilité des juges. Dans un premier temps, les définitions proposées faisaient référence à une garantie contre l’arbitraire du Gouvernement. À titre d’exemple, nous pouvons citer Monique PAUTI qui est convaincue que l’inamovibilité du juge du siège est indéniablement une protection contre la « volonté arbitraire du Gouvernement » 83. À l’unanimité, les membres de la doctrine s’accordent sur un point : seule la loi fixe les limites de cette inamovibilité. « Les magistrats sont inamovibles, ce qui revient à dire qu’ils ne peuvent être destitués (…) déplacés que dans les conditions prévues par la loi » disait le Professeur CUCHE.

En consacrant qu’une inamovibilité constitue un rempart contre l’arbitraire de l’Exécutif, mais aussi du pouvoir Législatif, les auteurs n’écartent point la possibilité pour un juge du siège de faire l’objet d’une révocation, d’une suspension, d’un déplacement ou même d’une mise à la retraite d’office à la suite d’une procédure disciplinaire encadrée par la loi en cas de faute professionnelle grave. « Le fonctionnaire inamovible — et notamment, le magistrat du siège — ne peut être puni disciplinairement que par la décision, ou sur l’avis conforme (ce qui revient pratiquement au même) d’un organe juridictionnel, ou offrant les garanties juridictionnelles, et selon une procédure présentant les garanties que chaque justiciable est en droit d’attendre d’une procédure juridictionnelle » expliquait WALINE84.

En ce XXIe siècle, la relève décline l’inamovibilité en quatre (4) propositions :

« – Pendant la durée préétablie de ses fonctions, le magistrat peut uniquement être désinvesti dans les cas et dans les conditions prévus par son statut ;

- Le magistrat est titulaire de sa fonction du siège ;

- Le magistrat ne peut être sanctionné par l’autorité de nomination, et la compétence disciplinaire est transférée à un organe juridictionnel ;

- Le magistrat ne peut faire l’objet d’une affectation nouvelle sans son consentement, même en avancement » 85.

83 Monique PAUTI, Les magistrats de l’ordre judiciaire, ENAJ, Paris, 1979, p. 165.

84 Marcel WALINE, Pouvoir exécutif et justice, La justice VII, PUF, Bibliothèque des centres d’études supérieures spécialisés, Université d’Aix-Marseille, 1961, pp. 100-101.

85 Olivier PLUEN, L’inamovibilité des magistrats : un modèle ? précité, p.26.

3) Le scandale de l’atteinte à l’inamovibilité en 2015 à Madagascar