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C.2.2.2 - Considérer les milieux humides en espace agricole comme des zones clés pour la prévention des inondations

Comme évoqué dans le paragraphe B.2.2.1, les milieux humides des espaces agricoles doivent être considérés comme des zones-clés pour mener des actions de prévention des inondations.

En effet, des techniques culturales adaptées peuvent être mises en œuvre sur ces espaces pour améliorer la qualité des sols, leur redonner leurs fonctions naturelles de ralentissement des écoulements, d’infiltration et de rétention des eaux de pluie.

De plus, des aménagements anti-ruissellement en génie écologique peuvent également être mis en place sur les parcelles agricoles. L’enherbement des réseaux de fossés et l’interdiction de désherbage chimique de ces zones d’écoulements peuvent se révéler des actions pertinentes pour freiner les vitesses d’écoulements dans les réseaux hydrauliques et diminuer les vitesses d’arrivées des eaux au cours d’eau. Bien que ces mesures visent dans un premier temps essentiellement à limiter la contamination des milieux aquatiques, elles contribuent également au ralentissement des flux d’eaux en favorisant l’infiltration.

La réussite de telles actions requiert une phase de concertation entre les différents acteurs locaux (agriculteurs, communes, syndicats mixtes...) pour comprendre les intérêts et les contraintes de chacun et permettre à tous de devenir des partenaires dans la mise en œuvre des actions prévues (MAAF/MEEM, 2016).

C.2.2.2.1 - Mettre en œuvre des techniques culturales adaptées

Comme évoqué dans le paragraphe B.2.2.1.2, pour préserver les fonctions hydrauliques des milieux humides agricoles la qualité du sol des parcelles agricoles est prépondérante pour réduire l’aléa inondation en limitant le ruissellement de l’eau de pluie. Il convient donc de mettre en œuvre des techniques culturales adaptées. Ces pratiques culturales permettent de :

• diminuer l’impact des gouttes d’eau sur les sols,

• augmenter la capacité d’infiltration et de stockage du sol,

• empêcher la concentration des écoulements des eaux,

• reconvertir si possible les terres agricoles à nu dont la gestion aggrave les phénomènes de ruissellements.

Des pratiques culturales favorables à la prévention des inondations sont détaillées dans les paragraphes suivants. Elles sont tirées du guide technique de la lutte contre l’érosion des sols en Caps et Marais d’Opale (PNR Caps et Marais d’Opale, 2013). Ce guide propose également des fiches techniques pour réaliser des aménagements anti-ruissellement tels que les bandes enherbées, les haies bocagères, ...

C.2.2.2.1.1. Diminuer l’impact des gouttes d’eau sur le sol

Dans les périodes d’inter-culture, il est préférable de maintenir un couvert végétal sur les parcelles. Le couvert végétal donne alors une certaine rugosité au sol et facilite également l’infiltration de l’eau et donc le stockage temporaire de celle-ci. Ces deux éléments combinés diminuent les écoulements superficiels et ralentissent également les vitesses des ruissellements.

De même, les techniques de cultures sans labour permettent au sol de conserver sa matière organique et donc sa capacité de rétention et d’infiltration de l’eau.

C.2.2.2.1.2. Augmenter la capacité d’infiltration et de stockage du sol

Le travail en profondeur des terres agricoles ponctuellement à l’automne permet de décompacter et de redonner de la porosité au sol. Ceci augmentera de manière significative sa capacité d’infiltration.

De plus, l’utilisation d’engins agricoles adaptés, c’est-à-dire conçus pour des sols à faible portance, pour intervenir sur les parcelles, permet de limiter le tassement des sols engendrés par le passage fréquent des engins.

Par ailleurs, la mise en œuvre de bonnes pratiques culturales telle que le chaulage en limons battants notamment, permettent d’améliorer la percolation de l’eau dans le sol et réduire les phénomènes de formation de croûte de battance.

C.2.2.2.1.3. Empêcher la concentration des écoulements des eaux

L’orientation et la taille de la parcelle sont prépondérantes pour limiter la concentration des ruissellements dans le bassin versant.

En effet, il est préférable de semer une parcelle dans le sens perpendiculaire à la pente pour ne pas créer de chemins préférentiels aux écoulements de l’eau en créant des sillons. De plus, la reconstitution d’un maillage bocager par des haies et des talus permet de créer autant d’obstacles naturels ralentissant les écoulements et favorisant l’infiltration des eaux à la parcelle.

C.2.2.2.1.4. Reconvertir si possible les cultures en prairies

Les prairies humides jouent un rôle tampon pour les crues. En plus de ralentir les écoulements grâce à leur rugosité, elles participent au piégeage des sédiments. Dans ce contexte, le maintien des terres en prairie ou la réimplantation de prairies permettra également de réduire les écoulements superficiels.

C.2.2.2.2 - Mettre en œuvre des aménagements anti-ruissellement autour des milieux humides des parcelles agricoles

L’augmentation du volume d’eau ruisselé et l’accélération des vitesses d’écoulement de l’eau sont les deux facteurs qui déterminent l’aléa inondation en amont des bassins versants. Les haies et les talus, délimitant historiquement les parcelles agricoles, jouent le rôle d’obstacles naturels aux écoulements d’eau de ruissellement (Liagre F., 2006). Ces aménagements des parcelles agricoles régulent le volume d’eau ruisselée à l’occasion des fortes pluies. Ils favorisent ainsi l’infiltration de l’eau dans les sols. La suppression de ces obstacles naturels qui s’est opérée ces dernières années, dans le cadre de remembrement des parcelles agricoles, a participé à augmenter la proportion d’eau de pluie ruisselée. De même, l’implantation des cultures dans le sens de la pente des parcelles a contribué à accroître les vitesses d’écoulement de l’eau ruisselée.

Dans les parcelles agricoles situées en bord de cours d’eau au niveau d’une zone d’expansion de crue, le degré d’amortissement

de la crue dépendra aussi de la rugosité du champ, c’est-à-dire de la densité et de la nature de la végétation, de la même manière que la végétation des berges ou la ripisylve ralentissent les écoulements des rivières en crue (Agence de l’Eau Seine-Normandie, 2015). Soulignons également le rôle bénéfique de ces crues au niveau des parcelles agricoles, en particulier vis-à-vis de la régulation des éléments nutritifs, tel le nitrate.

Que ce soit en tête de bassin versant ou le long des cours d’eau, il est donc important de penser l’aménagement des parcelles agricoles de sorte à optimiser la rugosité du sol et les barrières anti-érosion, la position des haies et l’implantation des cultures, plus généralement tout ce qui limite le ruissellement de l’eau de pluie ou ralentit l’écoulement de l’eau de débordement de crue (Chambre Agriculture du Morbihan, 2010).

Dans le cadre de la Directive Cadre sur l’Eau 2000/60/CE du 23 octobre 2000 (DCE), il existe une obligation de maintien de bandes enherbées au droit des rivières pour limiter les ruissellements. En plus d’améliorer les capacités d’infiltration de l’eau des sols, les bandes enherbées ont des propriétés anti-érosives du sol.

De plus, il convient de reconstituer un maillage bocager en aménageant des haies, des talus, des fossés ou bien des diguettes végétales (fascines). Ces obstacles naturels aux écoulements limitent les vitesses des flux et maintiennent temporairement les eaux sur les parcelles. Cela a pour effet de favoriser l’humidité du sol et donc de faciliter l’infiltration de l’eau dans le sol et ainsi écrêter le débit de crue.

Ces types d’aménagements, pour avoir une efficacité optimale, doivent être judicieusement implantés en fonction de la topographie du terrain. Cette mise en œuvre pourra nécessiter des modifications parcellaires notamment par remembrement des terrains agricoles.

C.2.2.2.3 - Mettre en place des outils contractuels pour favoriser les pratiques agricoles adaptées à la prévention des inondations

Des outils réglementaires existent et peuvent prévoir des dispositions pour réduire les ruissellements sur les terres agricoles. En effet, les outils de planifications tels que les PLU, SCOT, PPRI, SAGE, peuvent déjà comporter des prescriptions pour contraindre les exploitants agricoles à effectuer des aménagements particuliers comme la reconstitution d’un maillage bocager.

En plus des outils réglementaires existants, des outils contractuels peuvent être mis en place auprès des agriculteurs pour les inciter à mettre en œuvre des pratiques agricoles ou des aménagements qui luttent contre les ruissellements.

Des exemples d’outils contractuels sont cités ci-après (PNR Caps et Marais d’Opale, 2013) :

• les mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) : ces mesures constituent un contrat entre un exploitant agricole et la région selon lequel, en contrepartie d’une rémunération financière gérée par la région (fonds de la région, FEADER, crédits MAAF ou subvention d’Agences de l’Eau), l’exploitant s’engage à respecter un cahier des charges qui préconise la mise en œuvre de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement. Il peut s’agir de MAEC qui concernent l’ensemble de l’exploitation ou de mesures plus locales déterminées à l’échelle de la parcelle sur le principe des anciennes MAET (mesures agro-environnementales territorialisées). Les MAEC peuvent être contractualisées sous réserve du respect des conditions éligibilités. Il existe plusieurs types de MAEC qui peuvent être mise en œuvre notamment sur des milieux humides (MAAF/MEEM, 2016) :

▪ la « MAEC couvert » pour implanter, maintenir ou entretenir un couvert herbacé sur les terres par exemple ;

▪ la « MAEC herbe » pour mettre en place une gestion agro-écologique des praires et des pâturages ;

▪ la « MAEC linéa »pour maintenir ou entretenir les éléments topographiques de la parcelle tels que les haies, les bosquets, les ripisylves, les mares, … ;

▪ la « MAEC milieu » pour par exemple entretenir les roselières ou remettre en état les prairies après inondation.

• des fonds d’aides à la plantation et à la maîtrise des ruissellements : Ces aides au boisement peuvent être données par l’État et complétées par des subventions des régions et des départements. Destinées dans un premier temps à

augmenter le couvert forestier des parcelles, ce dispositif peut également aider à la reconstitution de zones tampons pour les ruissellements. Les subventions sont données à certaines conditions comme une surface minimale de boisement (4 ha le plus souvent) et une densité minimale de boisement. De plus, l’État a dressé une liste d’essences d’arbres éligibles au programme. (cf exemple de mise en œuvre de ces fonds par le PNR Cap Marais d’Opale pour le PAPI de l’Audomarois) ;

• les contrats de milieu : un contrat de milieu est un instrument d’intervention à l’échelle du bassin versant. Il fixe pour la rivière des objectifs de qualité des eaux, de valorisation du milieu aquatique et de gestion équilibrée des ressources en eau et prévoit de manière opérationnelle les modalités de réalisation des études et des travaux nécessaires pour atteindre ces objectifs. Les objectifs du contrat de rivière n’ont pas de portée juridique. Ces contrats sont signés entre les partenaires concernés : préfet(s) de département(s), agence de l’eau et collectivités locales comme les conseils départementaux, les conseils régionaux, les communes, les syndicats intercommunaux (SANDRE, 2015). Le contrat de rivière peut prévoir des mesures de lutte contre les ruissellements sur les terres agricoles ;

• les contrats portés par des structures locales : le PNR des Caps et Marais d’Opale, par exemple, a mis en place un programme de reconquête des paysages ruraux qui comprend une assistance technique auprès des acteurs locaux ainsi qu’un accompagnement financier pour réaliser ces mesures. En effet, un fonds d’aide à la plantation (haies, bandes boisées, ...) et un fonds d’aide à la maîtrise des ruissellements (diguettes végétales, ...) ont été mis en place en 2013.

Une réflexion pourrait être menée par les acteurs du PAPI pour encourager des pratiques agricoles qui ont un effet positif sur la prévention des inondations. Cette action pourrait se traduire par la mise en place de subventions, à prévoir dans le budget du PAPI, pour inciter les agriculteurs à mettre en œuvre des techniques agricoles participant à la réduction des risques d’inondations.

C’est le cas dans le PAPI de l’Audomarois (Nord-Pas-De-Calais), dont l’une des actions consiste à créer un fonds d’aide pour que les agriculteurs mettent en œuvre des pratiques agricoles adaptées qui aident à limiter les ruissellements. Cet exemple est détaillé dans l’encart (h).

De même, une étude pilote sur le ralentissement du ruissellement a été menée dans le cadre du PAPI Vilaine (cf encart (g)). Elle préconise notamment des mesures agricoles à la parcelle pour réduire le volume des ruissellements.

Pour faciliter l’acceptabilité de telles actions, une démarche de concertation doit être entreprise avec les acteurs du monde agricole local pour mettre en place des mesures pertinentes et adaptées au contexte du PAPI. Pour cela, il est conseillé d’intégrer des représentants de la profession agricole dans les partenaires et éventuellement au Cotech du PAPI comme évoqué dans l’encart (g).

(g) Prescriptions pour une gestion des ruissellements à la parcelle (PAPI Vilaine, 2011)

La Vilaine ainsi que ses deux affluents, l’Oust et l’Ille, sont des cours d’eau fortement artificialisés (moulins, mise en navigabilité, travaux hydrauliques).

Une étude pilote, relative au ralentissement du ruissellement, préconise notamment des mesures agricoles à la parcelle avec la mise en place de fossés avec embâcles, la plantation de haies, la création de systèmes combinés « haie-talus-fossé », la mise en place de petits bassins tampons et quelques prescriptions sur de nouvelles pratiques agricoles à privilégier. La mise en œuvre de ces actions doit être accompagnée d’une sensibilisation des acteurs sur l’objectif de ces aménagements et sur les résultats attendus de la mise en place de nouvelles pratiques agricoles.

Ces aménagements à la parcelle permettront, via des mesures agronomiques associés à une bonne gestion de l’occupation des sols et des mesures hydrauliques douces, de lutter contre le ruissellement de l’eau de pluie sur les parcelles du bassin versant identifiées à risque.

Par ailleurs, dans le département du Morbihan, une charte portant sur l’agriculture et l’urbanisme a été signée en 2008 par le Président de la chambre d’agriculture, le Président de l’Association des Maires et des EPCI, le Président du Conseil Général et le Préfet. Son objectif visait à concilier les activités agricoles avec le développement urbain et la préservation des espaces naturels. Certaines recommandations de cette charte ont un lien avec la gestion des crues, car elles préconisent la protection des espaces boisés et des haies bocagères.

(h) Mise en place d’un fonds d’aide pour que les agriculteurs mettent en œuvres des