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Autres considérations pour l’estimation et l’évaluation des émissions de GES

5. QUANTIFICATION ET RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GES

5.2 Autres considérations pour l’estimation et l’évaluation des émissions de GES

Les inventaires d’émissions de GES et la sélection des projets de réduction des émissions de GES doivent prendre en compte les contextes géographiques, organisationnels et opérationnels des infrastructures à analyser, en définissant soigneusement les limites d’application ou les périmètres organisationnels à évaluer (ISO, 2005).

5.2.1 Analyse de cycle de vie

L’analyse de cycle de vie (ACV) est un outil systématique qui permet l’évaluation des impacts environnementaux associés à un produit, à un service, à une entreprise ou à un procédé. Cette évaluation permet d’estimer les impacts que le produit ou le service exerce sur l’environnement ou sur l’empreinte de main-d’œuvre tout au long de la chaîne opérationnelle, c’est-à-dire dès l’extraction des ressources, la transformation des matières et l’utilisation du produit, jusqu’à l’élimination ou la disposition finale du produit (Ciambrone, 1997).

L’ACV intègre des inventaires de consommation de ressources et des simulations énergétiques dans chaque procédé de fabrication d’un produit, dans le but d’obtenir un coût global de production. Ainsi, les gains environnementaux et financiers peuvent être établis (AQME, 2017). Outre la découverte des actions favorisant l’efficacité énergétique des procédés, l’ACV permet d’estimer non seulement les émissions de GES associés, mais aussi d’autres émissions (NOx, SOx, etc.) ou polluants rejetés dans l’environnement et de suggérer des actions pour leur réduction (SYLVIS, 2009).

Dans le cas de l’exploitation des ouvrages d’assainissement des eaux, l’application d’une approche d’ACV pour l’estimation des émissions de GES favorise la prise de décision ayant comme objectif la sélection de nouvelles technologies ou l’acceptation de projets d’optimisation de procédés. En effet, si une ACV est appliquée lors de la conception de nouveaux projets d’optimisation ou de conception des stations d’épuration, les émissions de GES générées, autres que celles reliées à l’exploitation courante, sont considérées. C’est le cas des émissions issues de l’aménagement des terrains, de la construction des ouvrages, de l’électrification des infrastructures et de la mise en service des ouvrages, entre autres. L’ACV permet aussi l’évaluation des scénarios pour la sélection des sources énergétiques à utiliser ou pour déterminer l’effet de l’utilisation des combustibles fossiles ou d’énergies renouvelables sur la chaîne d’épuration. Finalement, des considérations sur la vie utile et le démantèlement de l’infrastructure après sa durée de vie sont aussi examinées dans cette analyse (Sahely et al., 2006).

L’élaboration d’une ACV et d’un bilan d’émissions de GES pour un procédé d’épuration nécessite la validation des facteurs d’émission, ce qui implique des activités de mesurage et de contrôle efficaces et fiables (Bollon, Filali, Fayolle et Guillot, 2013).

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5.2.2 Activités hors du site du traitement des eaux usées

Outre les activités opérationnelles courantes des unités de traitement d’eaux usées, plusieurs autres ouvrages ou activités reliés aux traitements des eaux usées requièrent une attention particulière, car elles peuvent influencer la quantification des émissions de GES. La plupart des méthodes d’estimation et d’évaluation des émissions de GES utilisées pour l’assainissement des eaux municipales font référence aux sous-produits et aux activités en aval des ouvrages d’épuration, sans inclure les activités en amont ou à la périphérie du traitement. Tout d’abord, les systèmes d’égout qui raccordent les municipalités comportent des émissions de GES, ou bien par leur utilisation ou bien par leur construction (ASTEE, 2013). Les systèmes d’égout ne possèdent pas de méthodologies pour la quantification des émissions de GES. Ces dernières sont alors omises lors de l’évaluation des émissions de GES, car leurs résultats sont négligeables en comparaison avec les émissions à l’intérieur des ouvrages d’assainissement. Des études complémentaires sur l’empreinte carbone de ces structures peuvent être entreprises, bien que les émissions de CH4 et de N2O soient faibles lors du transport des eaux usées brutes vers l’ouvrage d’épuration (Frijns, 2011).

L’élaboration des méthodes de calcul des émissions de GES à partir de l’analyse de cas spécifiques révèle que des variables, outre la qualité et la quantité d’eau à traiter ou à distribuer, influent sur la consommation énergétique et l’empreinte carbone des activités de traitement. À cet égard, la géographie des municipalités, le tracé de la conduite de collecte et la disposition des eaux usées mettent en évidence la nécessité d’utiliser des systèmes énergivores hors site pour amener les eaux brutes aux stations d’épuration (Bakhshi et deMonsabert, 2009). C’est le cas des stations de pompage et des ouvrages de surverse.

L’estimation des émissions de GES issues des stations de pompage hors des sites de traitement peut être réalisée comme si ces structures font part du champ d’application 1 (scope 1). En revanche, les ouvrages de surverse demandent une analyse plus approfondie, en raison des conditions climatiques et des caractéristiques physiques du réseau d’égout et de l’ouvrage de traitement. En effet, les ouvrages de surverse sont associés aux déversements directs aux milieux récepteurs (MAMOT, 2014a) et ces derniers impliquent des émissions considérables de N2O (ASTEE, 2013). Au Québec, les exploitants des stations d’épuration et d’ouvrages de surverse ont l’obligation de rapporter tous les débordements qui ont lieu dans leur réseau. D’ailleurs, le MDDELCC fixe les objectifs de débordement (OD) pour chaque ouvrage, à partir des données historiques des affluents et de la capacité de la structure, mais c’est le MAMOT qui établit et surveille les exigences de rejet (MAMOT, 2014a).

Le dernier bilan de performance des ouvrages d’assainissement du Québec, publié par le MAMOT en 2013, révèle une augmentation de 17 % du nombre de déversements directs aux milieux récepteurs par les ouvrages

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de surverse en temps de pluie et de 10 % en période de fonte des neiges. Ceci contraste avec la diminution des déversements en saison sèche, grâce à la restriction par règlement (MAMOT, 2014a). De toute évidence, le respect des normes de rejet sur les déversements n’assure ni l’exploitation optimale des infrastructures de surverse ni le contrôle sur l’émission de polluants aux milieux récepteurs.

Dans un autre ordre d’idées, les activités de support et d’entretien des ouvrages d’assainissement engendrent des émissions à évaluer. Des premières démarches, comme celle de The economic regulator of the water sector in England and Wales (Ofwat), entamée en 2009, permettent de déceler que 65 % des émissions de GES sont dues entièrement à l’opération des systèmes d’épuration, tandis que le 35 % restant est associé aux activités d’entretien d’infrastructures, d’amélioration des services prêtés, d’inspection des équipements du réseau d’égout et d’optimisation des systèmes. Il y a encore de l’incertitude quant à cette proportion, en raison de la difficulté à estimer les activités non courantes et de délimiter des scénarios d’analyse (Smyth, Davison et Brow, 2017).