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Chapitre 3 : La méthodologie

3.3 La collecte des points de vue des adolescentes

3.3.3 Les considérations éthiques de la recherche dans les médias sociaux

notre société. Je dois aussi me questionner sur l’utilisation de Facebook pour les fins d’une recherche. Même s’il y a une absence de consensus sur les façons de faire dans ces deux cas, voici un résumé des enjeux éthiques à considérer. Je décris aussi de quelles façons j’ai adapté mon projet en fonction des critères éthiques.

Dans les discours dominants sur la jeunesse, on positionne les jeunes dans le rôle contradictoire de la victime et de la menace. Nous l’avons vu, les adolescentes sont perçues comme des personnes vulnérables qu’il faut protéger et, en même temps, comme une source de danger pour elles-mêmes et pour la société. Cette génération se trouve souvent au cœur des problématiques et des paniques sociales, dont l’importance est exemplifiée par des témoignages d’« experts jeunesse » (Soulière et Caron, 2017 : 2).

Dans l’exposé du cadre conceptuel de ma recherche, j’ai expliqué que le courant des études sur les filles a permis de mettre les adolescentes au centre des youth studies, une perspective qui offre un regard différent sur les jeunes. Apparue vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, cette perspective de recherche9 vise à mettre en lumière les expériences des jeunes tout en les présentant comme des personnes actives plutôt que passives, c’est-à-dire prenant part à la construction de leurs expériences et de celle de la société. Dans ce courant, on considère aussi les enfants comme possédant les connaissances au sujet de leurs réalités, plutôt que de supposer que seuls les adultes ont ce savoir. De plus, les prémisses épistémologiques sur lesquelles repose la recherche impliquent une volonté de modifier la représentation des jeunes, dans les discours dominants, comme des êtres à risque tant sous l’angle de la vulnérabilité que celui de la menace (Soulière et Caron, 2017; Caron et Soulière, 2013).

Ces discours sur les « jeunes à risque » sont notamment présents lorsqu’il est question de l’utilisation des médias numériques et de l’accès à Internet (Soulière et Caron, 2017; Richman, 2007). D’après Heins (2002), l’idée selon laquelle les enfants doivent être protégés par des adultes affecte directement les restrictions qui leur sont imposées

relativement à Internet et à l’instauration de politiques publiques (citée dans Richman, 2007 : 184). J’ai d’ailleurs noté que la représentation des « jeunes à risque » est grandement diffusée dans la littérature conventionnelle sur l’éthique de la recherche effectuée sur Internet, et plus particulièrement sur Facebook. En effet, plusieurs textes traitent du fait qu’il faut protéger les informations personnelles des jeunes, car ces internautes partageraient beaucoup de contenus sans avoir conscience des risques que cela comporte (Braun et Clarke, 2013; Vitak, 2017). Or, ce point de vue sur les dangers qu’encourent les jeunes dans les médias en ligne va à l’encontre de la posture adoptée dans les études critiques sur les jeunes (critical youth studies). Au contraire, comme le souligne Richman, les membres de la communauté de recherche de ce courant préfèrent mettre l’accent sur l’agentivité des jeunes. En effet, on considère que les jeunes possèdent des connaissances approfondies sur l’utilisation des ordinateurs et la façon d’agir en ligne (2007 : 185).

Outre les préoccupations au sujet des jeunes en ligne, un enjeu majeur à propos de Facebook concerne la perte des frontières entre ce qui est public et privé. Une question éthique qui est régulièrement soulevée à ce sujet consiste à se demander si l’internaute s’attend à ce que l’information divulguée soit visible au public ou non. En ce qui a trait à l’utilisation de Facebook plus particulièrement, Solberg soutient que la majorité des internautes publie du contenu afin d’être vus et entendus (Solberg, 2010 : 325). Dans le même ordre d’idées, pour Kosinski et ses collègues, les informations sont publiques et le consentement n’est pas nécessaire s’il est possible d’y accéder avec un compte Facebook, sans faire partie de la liste d’amies et d’amis de la page observée (Kosinski et coll., 2015 : 553). Cela est encore plus vrai pour les pages Facebook commerciales, comme les pages de série de fiction mises à la disposition de tout le monde. Il est raisonnable d’assumer que les personnes qui y ont publié s’attendent à ce que leur contribution soit d’ordre public.

En outre, parce que l’examen des contenus affichés sur une page Facebook commerciale n’implique aucune interaction avec les internautes, il ne s’agit pas de recherche portant sur des sujets humains, mais bien sur des textes (Solberg, 2015 : 316). Il faut néanmoins pouvoir garantir la confidentialité et le respect à la vie privée des internautes lorsque l’on collecte de l’information en ligne (Vitak, 2017; Kosinski et coll., 2015; Braun et Clarke, 2013). Afin de préserver l’anonymat des adolescentes dont j’ai analysé les commentaires

pour ma recherche, j’ai pris soin de leur attribuer des noms fictifs. De plus, je n’ai pas collecté d’informations provenant de leur profil personnel, outre le fait que j’ai dû vérifier leur âge ou si elles fréquentaient une école secondaire pour m’assurer qu’il s’agissait bel et bien d’adolescentes. Les commentaires que je cite en exemple dans mon analyse ont été recopiés intégralement, sans correction linguistique et sans recours au mot sic, afin de conserver la parole des filles dans leur intégrité. Je me suis préalablement assurée qu’il était impossible de retrouver ces commentaires en utilisant la fonction « recherche » de Facebook ou de tout autre moteur de recherche.

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