Figure.21 :.Etage de végétation suivant l’altitude dans le massif des alpes. Les
altitudes délimitant les limites des étages de végétations diminuent des Alpes
du sud vers les Alpes du nord et suivant le versant considérés. Les
précipitations augmentent avec l’altitude et la température diminue (Modifiée
à partir de la Station Alpine Joseph Fourier, www.jardinalpindulautaret.fr)
51
En raison du relief, l’exposition des versants régule la radiation solaire et est ainsi un
facteur clé pour la dynamique des écosystèmes (Gobiet et al., 2014). Le climat montagnard
s’exprime par de fortes amplitudes thermiques journalières (cycles gel/dégel du sol fréquents).
Le rythme saisonnier est très contrasté avec des saisons aux conditions climatiques
caractéristiques. L’automne et le printemps sont généralement très courts au contraire de
l’hiver et l’été. La dynamique du manteau neigeux régule de nombreux processus
écosystémiques (rôle d’isolant de l’humidité et la température du sol, date du début de la
saison de végétation, lessivage) (Stöhr, 2007). Les sols de montagne ont beaucoup en
commun avec ceux des hautes latitudes (courte période de végétation, températures froides,
formation des sols et sensibilité aux changements climatiques). Toutefois, l’hydromorphie est
moins présente en montagne où les sols bien drainés dominent, la radiation solaire diffère
également fortement en raison de la différence de latitude, et les températures des sols alpins
sont moins froides en hiver en raison d’une couche de neige plus épaisse et de températures
moins froides (Edwards et al., 2007 ; Zhang et al., 2005). Les résultats plus nombreux sur les
écosystèmes des hautes latitudes peuvent ainsi être extrapolés dans une certaine mesure aux
écosystèmes alpins. Cependant la couche de neige plus épaisse dans les milieux alpins leur
confère une caractéristique particulière. Zinger (2009) montre d’ailleurs dans sa thèse le rôle
primordial du manteau neigeux dans la dynamique des populations microbiennes du sol. En
étudiant les zones sous important couvert neigeux annuel (combes) et les zones sous faible
couvert neigeux (crêtes), Zinger a montré que l’hiver constitue période déterminante pour la
composition et l’activité de la microflore du sol. L’hétérogénéité du climat montagnard
ajoutée à celle de la roche mère (variabilité géologique et topographique) crée une mosaïque
de types de sols et d’habitats écologiques contrastés à l’échelle du paysage. De nombreux
écosystèmes aux espèces et aux fonctions différentes trouvent leur place. Sur roche mère
calcaire, les Rendzic Leptosols et les Chromic Leptosol dominent alors que sur roche siliceuse
les lithiques Leptosol, les Dystric Cambisol et les Spodosols sont communs (Sjögersten et al.,
2011 ; WRB 2014). La variabilité saisonnière extrême du climat dicte le fonctionnement du
sol de ces milieux. A travers la productivité des végétaux et les suppressions biotiques, la
dynamique saisonnière climatique marquée peut exercer une forte influence sur le cycle du C
(Torn et al., 2009).
52
2.2. Les stocks de C organique des sols de montagne et leur stabilité
Les sols de montagne couvrent 4x10
6 km² à travers le monde (Körner, 2003). En zone
tempérée, ce sont les sols montagnards qui montrent les plus forts stocks de C organique
(Martin et al., 2011). Les faibles taux de décomposition liés aux basses températures
expliquent majoritairement l’accumulation nette de C organique dans ces sols, malgré la
relativement faible productivité primaire des écosystèmes montagnards. Sjögersten et ses
collaborateurs (2011) ont réalisé une synthèse des quantités de C organique stockées dans les
sols de montagne et leurs principaux mécanismes de stabilisation. Globalement, les stocks de
C organique des sols de montagne sont compris entre 54 et 278 t C.ha
-1 et sont de ce fait
comparables aux stocks de C organique des sols de hautes latitudes (boréaux et toundra)
(Jobbágy et Jackson 2000). Les principaux facteurs influençant les stocks de C organique des
sols de montagne sont le climat, la roche mère et la végétation. Les stocks de C organique
augmentent d’ailleurs avec l’altitude (3.1 t C.ha
-1/100m en prairie et 4.5 t C ha
-1/100m pour
les forêts).
Les mécanismes de protection de la MOS montrent une évolution avec l’altitude. Il a été
montré que la quantité de C trouvée dans la fraction de MO particulaire (MOP), non associée
avec les minéraux augmente avec l’altitude. Dans les prairies alpines situées entre 2200m et
2700m, 40 à 60 % de la MOS se retrouve sous la forme de POM (Leifeld et al., 2009a ; Budge
et al., 2010). Ces teneurs décroissent avec la diminution de l’altitude : pour les prairies situées
entre 400 m et 1600 m, 10 à 30 % de la MOS est sous forme de POM. Les raisons de cette
accumulation de POM avec l’altitude résultent principalement de l’absence d’activité de
décomposition due aux contraintes climatiques qui augmentent avec l’altitude. L’hypothèse
d’une production primaire de MO récalcitrante et difficile à décomposer est également émise
mais interviendrait de manière secondaire (Leifeld et al., 2009; Baptist et al., 2010). Etant
essentiellement stabilisés par des facteurs climatiques, les stocks de C organique des sols de
montagnes pourraient être hautement vulnérables aux changements climatiques en cours et à
venir (Sjögersten et al., 2011 ; Saenger et al., 2013, 2015). Ils pourraient ainsi devenir une
importante source de carbone atmosphérique. Comme indiqué plus haut, les régions
montagnardes sont susceptibles d’être plus fortement impactées que les régions tempérées de
plaine (Meehl et al., 2007). Par exemple, la chaleur et la sécheresse extrême observées en
2003 a converti une prairie alpine qui agissait comme puits de C en source nette de C (Baronti
et al., 2005).
53
Les prairies sont un des type de végétation les plus répandus à travers le monde avec 9
millions de km
2 pour les prairies tempérées (Genxu et al., 2002). Dans les prairies suisses,
plus de 58% du C est stocké dans les prairies d’altitude supérieures à 1000m (Leifeld et
Kögel-Knabner, 2005). Les prairies ouvertes subissent de manière plus forte les variations du
climat, comparativement aux pâturages boisés. En effet le rôle tampon que joue la canopée
n’y est pas exercé. Gavazov (2013) a montré la plus forte sensibilité des prairies ouvertes
suisses aux changements climatiques. Nous ne disposons pas aujourd’hui de suffisamment
d’informations sur les facteurs qui influencent la décomposition de la MOS des sols
montagnards. Ces informations sont nécessaires pour pouvoir prédire le futur caractère de
puits ou de source de C des sols montagnards face aux changements climatiques qui affectent
les zones de montagne (Budge et al., 2011).
IV. Comment simuler un changement climatique du sol ?
1. Quelles sont les méthodes pour reproduire l’hétérogénéité du climat ?
Nous avons vu dans la section précédente que parmi les différents facteurs de formation