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Les conséquences sociétales d’être NEET (par rapport aux non-NEETs) sur la socialisation sont difficiles à mesurer et aucune étude spécifique n’a été faite en France. Eurofound en a réalisé une au niveau européen en réunissant les pays par groupes, mais a intégré la France dans le groupe des pays continentaux (qui comportait entre autres l’Allemagne et l’Autriche), groupe dans lequel le profil des NEETs mais aussi les fonctionnements sociétaux étaient très différents. Malgré ces limites, il semblerait que les NEETs aient moins souvent confiance dans les institutions, soient moins politisés et participent moins souvent à des activités de loisir que les non-NEETs (Eurofound 2012).

5. Quelles sont les conséquences à long terme d’être NEET ?

Maintenant que nous avons identifié les facteurs associés au statut de NEET, nous nous attarderons sur les conséquences individuelles d’avoir passé une période de sa vie en tant que NEET. L’intérêt de les étudier est de comprendre l’importance de réinsérer les jeunes ou de les encourager à rester en emploi ou en formation. Etre en formation, ou en emploi présente d’autres avantages que la seule employabilité. Le chemin vers l’âge adulte est souvent conceptualisé comme une accumulation d’investissements divers formant un capital socio-culturel propre à l’individu. Un individu réussira (ou ne réussira pas) son insertion professionnelle grâce à ses ressources (« stock ») en termes d’éducation, de caractéristiques sociales et psychologiques. Pour Bourdieu, c’est la combinaison de trois formes de capital qui expliquent la hiérarchie sociale : le capital économique, le capital social et le capital culturel (Bourdieu 1980). Plusieurs mécanismes peuvent empêcher l’acquisition de ces capitaux, mais la conséquence principale d’être NEET est le frein à la constitution de ces capitaux économiques, sociaux

voies traditionnelles, par rapport à un autre jeune actif sur la même période. Ceci les expose à plusieurs risques au niveau professionnel :

Illustration 3 : Les conséquences d’être NEET sur l’emploi (infographie inspirée de Fondation AlphaOméga 2015)

Les difficultés d’insertion professionnelle ou l’inactivité des NEETs sur une période donnée peuvent avoir des effets durables sur leur avenir, et ainsi entraîner une plus forte probabilité de vivre à long terme une situation d’inactivité prolongée, d’emplois précaires et de faibles revenus. Ce phénomène qualifié d’«effet cicatrice» (ou « scarring effect » en anglais), représente un enjeu majeur pour les politiques publiques en matière de jeunesse et d’emploi (Gaini et al. 2013 ; INJEP 2012).

Une longue période d’inactivité ou de chômage chez les NEETs peut se répercuter durablement sur leurs conditions de vie avec notamment :

- Un risque de pauvreté plus élevé ; - Une situation de chômage persistant ; - Un accès au logement plus difficile ; - Une santé fragilisée ;

- Une marginalisation sociale.

Sur le plan émotionnel, les NEETs développent davantage de sentiments négatifs à leur propre égard et vis-à-vis de leur environnement : sentiments d’isolement social, d’impuissance, d’absence de confiance en soi, d’angoisse sur l’avenir, etc. Les NEETs sont plus exposés à un risque de marginalisation de la société, de délinquance, ou d’engagement dans des activités criminelles (vol, usage et vente de substances illicites, etc.). Il existe aussi un risque d’exclusion politique et sociale : l’intérêt des NEETs pour la vie politique, leur engagement politique et social et leur confiance dans les institutions sont considérablement plus faibles que chez les jeunes non-NEETs.

Sur le long terme, les NEETs peuvent être entraînés dans un engrenage de chômage/d’inactivité dont il devient de plus en plus difficile de sortir. Ces conséquences ont également un impact sur leur environnement, la famille et la société dans laquelle ils évoluent, que ce soit en termes de coût social (désaffection sociale, faible confiance dans les institutions, etc.) ou de coût économique (allocations diverses, pertes de revenus, diminution des contributions aux systèmes de protection sociale nationaux, etc.). Devenir NEET ne relève donc pas seulement d’un simple gâchis du potentiel d’un jeune, mais a des répercussions sur l’ensemble de la société.

Pour autant, faute d’études de cohorte prospective ou rétrospective, il reste souvent difficile de distinguer conséquences et facteurs associés au risque d’être NEET. Est-ce parce qu’un jeune est déprimé qu’il aura plus de difficultés à trouver un emploi ? Ou est-ce parce qu’il est dans cette situation professionnelle qu’il sera plus déprimé ? Est-ce parce qu’il a des difficultés à se loger que son accès à l’emploi sera limité ? Ou est-ce parce qu’il n’a pas d’emploi que son accès au logement est entravé ?

Après ce constat plutôt sombre sur les conséquences à court et long terme d’être NEET, quelles solutions peuvent être proposées à ces jeunes pour (ré-)intégrer le marché du travail et plus généralement pour se réinsérer dans la société ? Quels dispositifs ont été mis en place en France depuis quarante ans ? Comment accompagner ces jeunes dans leur insertion professionnelle et sociale ?

Illustration 4 : L’engrenage socio-économique d’être NEET (infographie inspirée de Fondation AlphaOmega 2015)

III. Les Missions locales et l’accompagnement des jeunes

A. Quarante ans de politique d’emploi en faveur des jeunes – Une succession de dispositifs

Quand la progression du chômage, entamée à la fin des années 1960, s’accélère au cours des années 1970, l’importance des jeunes parmi les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) conduit à les mettre au cœur des premières politiques d’emploi. Depuis les années 80, le taux de chômage des jeunes est supérieur à 15% et il a régulièrement franchi les 20%. Face à ce constat, des mesures politiques se sont succédées pour favoriser l’insertion des jeunes dans l’emploi, de deux manières différentes : réduire le coût du travail pour les employeurs pour compenser le déficit d’expérience professionnelle des jeunes (notamment grâce aux contrats subventionnés par l’Etat) et accroître la qualification des jeunes pour améliorer leurs chances d’accès à l’emploi (via la promotion de l’apprentissage, la formation professionnelle, les formations en alternance, les stages, etc.). Les dispositifs comportant un fort contenu en formation, ainsi que les formules qui s’appuient sur une alternance entre périodes de formation et d’emploi ont pris une importance croissante depuis le courant des années 1990. En 2010, 24% des emplois occupés par des jeunes de moins de 26 ans bénéficient d’une aide de l’État, soit 665 000 emplois (contre 4% pour l’ensemble des actifs occupés). Cette part s’élevait à 11% en 1980, 20% en 1990, 30% en 2000 (Aeberhardt et al. 2011).