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Partie II – La pollution de l'air pourrait endommager le cerveau de l'enfant avant

2. Etudes sur modèles animaux

2.1. Conséquences d’une exposition répétée contrôlée aux particules de fumées de diesel

2.1.1. Après la naissance

Les études menées sur des modèles animaux d’exposition postnatale chronique et contrôlée à des particules liées au trafic routier récapitulent les effets indésirables sur le SNC observés dans les études épidémiologiques. Les études sur les effets de l’exposition gestationnelles et postnatale au DE et aux PFD sur le développement du système nerveux central suite à une exposition directe ou gestationnelle sont résumées dans l’Annexe 1, Tableaux 2a et 2b, respectivement.

Les premiers travaux menés sur des chiens résidant dans des zones fortement polluées du Mexique ont alerté sur la nécessité de développer des modèles animaux contrôlés : ces animaux présentent des dysfonctionnements cérébraux importants impliquant une rupture de la BHE, une inflammation du tissu cérébral, ainsi qu’une accumulation de plaques bêta-amyloïdes et une dégénérescence neurofibrillaire dans plusieurs régions du cerveau (Calderón-Garcidueñas et al., 2003, 2008a, 2016). Ces résultats ont mis en évidence les altérations neurophysiologiques potentiellement causées par la pollution atmosphérique automobile de type particulaire.

Les études animales se sont ainsi intéressées à la mise en place d’expositions contrôlées au DE, et ont montré que l'exposition de souris adultes au DE altérait l'activité locomotrice, l'apprentissage et la mémoire spatiale des animaux (Hougaard et al., 2009 ;

Win-Shwe et al., 2008, 2012), ainsi que l’émergence de comportements impulsifs (Allen

et al., 2013).

Les travaux de Yokota et collaborateurs (2011) sur l'instillation nasale de DE riche en nanoparticules chez des rats juvéniles ont mis en évidence des modifications du comportement émotionnel et de la capacité d'apprentissage, ainsi que des dérégulations du système dopaminergique dans diverses régions cérébrales chez les animaux exposés par rapport aux animaux contrôles.

D’autre part, chez les souris exposées aux particules ultrafines (UFPM), une neuroinflammation a été observée dans le cerveau, comme en témoigne l'augmentation

des taux de diverses cytokines et de NF-κB (Campbell et al., 2005 ; Gerlofs-Nijland et al.,2010).

Les travaux de Veronesi et collaborateurs (2005) sur des souris adultes déficientes en

apolipoprotéine E ApoE-/- ont montré qu'une exposition, pendant 4 mois, à des particules ambiantes concentrées provoque une dégénérescence des neurones dopaminergiques dans la substance noire des animaux ApoE-/- exposés par rapport aux souris ApoE

-/-non-exposés. Des études biochimiques et moléculaires ont montré que l'exposition au DE semble induire un stress oxydant et l’apparition de processus neuroinflammatoires (pour revue Kraft & Harry, 2011 ; MohanKumar et al., 2008 ; Win-Shwe et Fujimakin 2011).

En outre, les travaux de Bos et collaborateurs (2012) sur des souris exposées pendant 5 jours à un environnement pollué d’un tunnel d’autoroute, ont montré une augmentation de l’expression de gènes impliqués dans la réponse inflammatoire (COX2, iNOS, eNOS et NFE2L2) dans l'hippocampe des souris exposées. Au niveau du bulbe olfactif, une diminution de l’expression de gènes liés à l’inflammation (IL1α, COX2, NFE2L2, IL6 et BDNF) a été constatée.

Dans l’ensemble, ces travaux expérimentaux montrent que l’exposition à la pollution atmosphérique liée au trafic automobile pourrait entraîner des neuropathologies liées au stress oxydatif et aux processus inflammatoires chez les animaux adultes directement exposés, tels que ceux évoqués chez l’adulte et les personnes âgées dans les études épidémiologiques (Annexe 1, Tableau 2a). En revanche, il semble que la durée de l’exposition soit un facteur important, comme le montrent les travaux de Fonken et collaborateurs (2011) selon lesquels une exposition postnatale de PM2.5 sur 10 mois est nécessaire pour causer des altérations de mémoire et d'apprentissage spatial, ainsi que l’émergence de comportements dépressifs chez la souris.

2.1.2. En période gestationnelle

Peu d’études se sont intéressées aux conséquences à long terme d’une exposition survenant lors de la phase précoce du développement cérébral comme la période prénatale ainsi qu’à l’évolution des atteintes au cours de la vie de l’individu. Les données expérimentales disponibles ont montré des altérations structurales et moléculaires des tissus neuronaux, pouvant conduire à des troubles

neurocomportementaux chez l’adulte (Bolton et al, 2013 ; Hougaard et al, 2009 ; Klocke

et al, 2017 ; Sugamata et al, 2006a, 2006b ; et voir revues Ema et al, 2013 ; Hougaard et

al, 2015 ; Wong et al, 2015) (Annexe 1, Tableau 2b). La plupart de ces études ont été

conduites chez le rongeur, en exposant quotidiennement (6 à 12h/jour) les animaux au cours de périodes gestationnelles comprises entre GD1 (1er jour de gestation) et GD19 à des niveaux d’exposition en particules de l’ordre de 50-100 μg/m3. Chez la souris adulte,

Figure A10 : Conséquences d’une exposition gestationnelle aux PFD chez l’animal. Les études menées chez l’animal récapitulent les effets indésirables sur le SNC observés dans les études épidémiologiques. Inspiré des images publiées par le Dr. Michelle Block sur le site du laboratoire (https://microgliaresearch.org/research-projects/air-pollution-and-microglia/) et de BLock & Calderón-garcidueñas, 2010.

l'exposition aux PFD à une concentration proche des conditions naturelles (100 μg/m3) provoque des déficits de coordination motrice et des comportements impulsifs, liés à des perturbations de la neurotransmission monoaminergique (dopaminergique, noradrénergique et sérotoninergique) dans des régions spécifiques du cerveau tels que les noyaux du Pont, l’hypothalamus ou encore le striatum. L'exposition prénatale aux UFPM semble également altérer la différenciation in vitro des neurones corticaux prélevés à la naissance et provoquer un comportement dépressif chez la souris mâle

adulte (Davis et al., 2013). Récemment, une altération du développement des cellules

microgliales et une augmentation de leur interaction avec les neurones a été montrée chez les descendants après une exposition des femelles gestantes à 50 µg de PFD en suspension, par aspiration oropharyngée (Bolton et al., 2017) (Figure A10).

Néanmoins, il subsiste de nombreuses incertitudes concernant la nature du lien entre l’inhalation de particules et les neuropathologies associées, des données contradictoires étant publiées. En effet, une étude réalisée par Suzuki et collaborateurs

(2010) suite à une exposition de 171 µg/m3 de PFD (8 h/jour, 5 jours par semaine, de

GD2 à GD16) a révélé une augmentation du niveau de dopamine et de noradrénaline et de ses métabolites dans le cortex préfrontal (CPF) des animaux nés de mères exposées, alors que les données rapportées par Yokota et collaborateurs (2009) [dans des conditions expérimentales pourtant proches, mais de portée plus importante (8h/jour, 5 jours/semaine, de GD2 à GD17 à 1.0 mg/m3)] ne mettent pas en évidence de telles dérégulations neurochimiques. A noter que, de manière concordante dans ces deux études, le turnover de la dopamine était diminué dans plusieurs régions du SNC, dont le striatum et le noyau Accumbens, et s’accompagnait d’une diminution de la locomotion chez les animaux exposés (Annexe 1, Tableau 2b).

Au plan des effets cognitifs, une étude portant sur des souris exposées aux PFD

in utero (administration sous-cutanée, 200 mg/kg, tous les 3 jours depuis GD6 jusqu’à

GD18) a montré des déficits dans le test de la piscine de Morris, mais pas dans le test d’apprentissage par évitement passif (Yokota et al., 2015), alors que d’autres études

n’ont révélé aucun effet sur les tâches d’apprentissage et de mémoire (Hougaard et al.,

2008, 2015).

Il est à noter que seules les études récentes ont pris en compte la possibilité d’un effet différentiel selon le sexe des animaux, les études plus anciennes n’ayant été conduites que sur les individus mâles. De ces travaux, il ressort que les souris mâles semblent être plus sensibles aux effets de l'exposition prénatale aux particules. En effet, les fœtus mâles exposés in utero conjointement aux PFD et à un stress maternel en fin de gestation, présentent à l’âge adulte des altérations cognitives plus marquées que les femelles (Bolton et al., 2013). Cette sensibilité accrue des mâles par rapport aux femelles aux effets d’une exposition précoce aux particules a été également rapportée par d’autres auteurs (Davis et al., 2013, Allen et al., 2014a). De la même manière, une

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étude récente de Bolton et collaborateurs (2017) a montré que l'exposition prénatale aux PFD induit une augmentation de la production de cytokines et modifie la morphologie de la microglie des fœtus de souris mâles. Cette étude a également montré l’augmentation du volume cortical chez les fœtus mâles exposés, mais s’accompagne de sa diminution à l’âge adulte. Les raisons avancées de cette sensibilité différente entre mâles et femelles pourraient être liées à un neurodéveloppement différentiel des mâles et femelles en relation avec les hormones gonadiques. A titre d’exemple, Tsukue et collaborateurs (2009) ont montré que l'exposition périnatale au DE pendant la période périnatale (période critique de différenciation sexuelle du cerveau) peut avoir une incidence sur la fonction endocrinienne.

Ainsi, des perturbations neurodéveloppementales des descendants nés de mères exposées sont associées à des perturbations neurochimiques qui affectent différentes zones cérébrales.

2.2. Précautions à prendre dans l’examen des effets neurotoxiques issus