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IV. Réponses vasculaires à la privation de sommeil chez le sujet sain

IV.1. Conséquences de la restriction de sommeil

IV. Réponses vasculaires à la privation de sommeil chez le sujet sain

Le sommeil est un important modulateur de la pression artérielle et de l’activité du système nerveux autonome (Kamperis et al. 2010). Une diminution de la pression artérielle liée à une diminution de la fréquence cardiaque et du débit cardiaque est observée pendant les périodes de sommeil à ondes lentes (Kamperis et al. 2010; Wolk et al. 2005). Ces modifications sont notamment la conséquence d’une diminution de l’activité du système nerveux sympathique et d’une augmentation de l’activité parasympathique (Furlan et al. 1990).

Nous n’aborderons pas dans ce travail les effets cardiovasculaires liés aux pathologies du sommeil. Nous limiterons notre étude de la bibliographie aux effets, chez l’homme sain et l’animal, de restrictions ou de privations de sommeil rencontrées lors de situations expérimentales ou réelles. Ces situations sont très variées. Cependant, la restriction de sommeil peut être définie comme une diminution, de 25 à 50 %, de la quantité de sommeil pendant une période allant de quelques jours (restriction aiguë) à supérieure à plusieurs semaines ou années (restriction chronique) (Faraut et al. 2011). Enfin, la privation totale de sommeil est définie comme une période d’éveil continu, sans aucun sommeil, pendant une période allant de 1 à 4 jours (Meier-Ewert et al. 2004; Pagani et al. 2009).

IV.1. Conséquences de la restriction de sommeil

Dans les pays occidentaux, le temps consacré au sommeil diminue progressivement (Sabanayagam et Shankar 2010). Actuellement, plus de 20 % des adultes aux USA déclarent dormir moins de 6 heures par nuit et 8 % moins de 5 heures (Sabanayagam et Shankar 2010). Plusieurs études épidémiologiques rapportent une mortalité plus importante, quelle que soit la cause, chez les sujets dormant moins de 5 heures par nuit par rapport à ceux qui dorment plus de 7 heures (Ha et Park 2005; Kripke et al. 2002; Kripke et al. 1979; Wolk et al. 2005). Le système cardiovasculaire est particulièrement affecté après quelques années de restriction chronique de sommeil, même modérée (Mallon et al. 2002; Wingard et Berkman 1983). L’incidence des pathologies augmente avec la diminution du temps de sommeil quotidien (Gangwisch et al. 2006; Hall et al. 2008). Plus spécifiquement, dans une étude prospective sur 5 ans avec 4810 sujets en bonne santé et de moins de 60 ans, Gangwish et al. (2006) ont mis en évidence chez les personnes dormant moins de 5 heures par nuit une augmentation du risque de développer une hypertension. Un risque accru d’angors, d’infarctus du myocarde et de mort subite à également été observé chez des patients dormant moins de 6 heures par nuit (King et al. 2008; Sabanayagam et Shankar 2010). Ce résultat a été obtenu indépendamment du sexe, de l’âge, de la consommation de tabac ou d’alcool, d’antécédents d’hypertension artérielle et de la quantité d’activité physique.

Rappels bibliographiques

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chronique (Gangwisch et al. 2006; Meier-Ewert et al. 2004). De plus, la quantité de sommeil est inversement corrélée à l’augmentation de la concentration plasmatique d’Il-6, d’ICAM-1, d’ET-1 (Mills et al. 2007; Weil et al. 2010) traduisant une activation endothéliale.

Afin de comprendre les mécanismes liant la restriction de sommeil à l’apparition de pathologies, de nombreux travaux expérimentaux ont évalué les effets de la restriction aiguë de sommeil chez le sujet sain. Cependant, les protocoles sont très différents (intensité de la restriction, durée de l’étude…..) ce qui entraîne des résultats parfois discordants.

Une seule nuit de restriction de sommeil (moins de 5 heures de sommeil versus 8 heures) semble être un stress suffisant pour entraîner une augmentation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et de l’activité du système nerveux sympathique (Lusardi et al. 1996; Tochikubo et al. 1996). Un résultat identique est observé au cours d’expérimentations plus longues (4 heures de sommeil par nuit pendant 6 nuits) (Spiegel et al. 1999). En revanche, après 4 nuits consécutives de 4 heures de sommeil, Muenter et al (2000) n’ont pas observé de différence au repos, mais une augmentation plus importante de la pression artérielle après un stress orthostatique.

Cependant, tous les déterminants de la pression artérielle ne sont pas affectés par la restriction de sommeil. En effet, chez l’animal, la restriction de sommeil induit une augmentation de la pression artérielle mais pas de modification de la concentration d’angiotensine II (Perry et al. 2011a; van der Wouden et al. 2006). Certains auteurs ont même observé une diminution de l’activité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE) (Visniauskas et al. 2011) et une diminution des concentrations plasmatiques d’angiotensine II (Perry et al. 2011b; Visniauskas et al. 2011). Chez l’homme, une augmentation de l’activité de la rénine plasmatique a été observée après 14 jours de restriction de

sommeil (6 heures par nuit) chez des sujets maintenus couchés (bed rest) (Grenon et al. 2004).

D’autre part, plusieurs équipes ont récemment décrit, chez des sujets sains, une altération de la vasodilatation dépendante de l’endothélium après des durées très courtes de restriction de sommeil. Ainsi, Sekine et al. (2010) ont montré après une seule nuit de restriction de sommeil (moins de 4 heures de

sommeil versus plus de 7 heures) une diminution de la réserve de débit coronaire (coronary flow velocity

reserve, CFVR) qui traduit une atteinte de la fonction endothéliale coronaire. Une diminution de la FMD a également été mesurée, après 3 nuits de travail chez des infirmières (Kim et al. 2011). La diminution de la FMD était corrélée au nombre d’années passées en travail posté (Kim et al. 2011). Elle était également

associée à une diminution de la production de nitrites et de nitrates (NO2 et NO3) qui traduit une

diminution de la production de NO. Ces résultats confirment les travaux de Takase et al. (2004) qui ont montré une diminution de la FMD chez des étudiants après 4 semaines de révisions associant restriction de sommeil et stress. D’autres travaux réalisés chez le rongeur ont rapporté une augmentation de la concentration plasmatique d’endothéline-1 après 96 heures de privation de sommeil paradoxal (Palma et al. 2002).

Rappels bibliographiques

 La restriction de sommeil, même aiguë, pourrait être également une voie d’activation de processus

inflammatoires qui modifient la vasomotricité et favorisent l’activation endothéliale. Plusieurs études, de

durée et d’intensité différentes, ont montré une augmentation de la concentration plasmatique de CRP ultrasensible au cours de restrictions aiguës de sommeil (Haack et al. 2007; Meier-Ewert et al. 2004; van

Leeuwen et al. 2009; Vgontzas et al. 2004). Ces modifications persistent parfois après plusieurs nuits de

récupération (van Leeuwen et al. 2009).

La restriction de sommeil, modeste (Vgontzas et al. 2004) ou prolongée (Haack et al. 2007), est également associée à une augmentation de la concentration plasmatique de cytokines pro-inflammatoires

(IL-6, TNF-α et IL-1β) qui persiste après 2 nuits de récupération (van Leeuwen et al. 2009). Cependant,

plusieurs études n’ont pas mis en évidence d’effet de la restriction de sommeil sur la concentration

plasmatique du TNF-α ou de son récepteur (Haack et al. 2007; Ruiz et al. 2010; Shearer et al. 2001) pour

des durées équivalentes de restriction. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces résultats discordants comme le sexe (les variations semblent plus importantes chez les hommes), l’horaire du prélèvement ou la technique de prélèvement (Haack et al. 2002; Irwin et al. 2010; Vgontzas et al. 2004).

Les modifications immuno-inflammatoires observées pourraient être liées à une augmentation de la

production par les monocytes d’IL-6 et de TNF-α. Cette modification a été observée après seulement une

nuit de restriction de sommeil (Irwin et al. 2010; Irwin et al. 2006). Elles sont peut-être également la conséquence de l’augmentation de la PA et de l’activité du système nerveux autonome (Gangwisch et al. 2006; Meier-Ewert et al. 2004). Certains auteurs ont suggéré que la diminution de la mélatonine, observée au cours de restrictions de sommeil (Rogers et Dinges 2008) induit une augmentation des cytokines pro-inflammatoires. En effet, la mélatonine est un régulateur important du rythme circadien. Elle intervient dans la régulation de la production diurne de cytokines et de médiateurs de l’immunité. Elle a également une action antioxydante et elle intervient dans la régulation circadienne de l’activité du système nerveux sympathique (Rogers et Dinges 2008).

Il semble donc que la restriction de sommeil, même modeste, soit une contrainte suffisante pour entraîner chez le sujet sain une augmentation de la pression artérielle, de l’activité du système nerveux sympathique et des modifications immuno-inflammatoires responsables d’une inflammation vasculaire chronique (Mullington et al. 2009). Ces modifications favorisent l’apparition de pathologies cardiovasculaires. Cependant, la cinétique et les mécanismes qui lient la restriction chronique de sommeil aux modifications immunitaires, inflammatoires et vasculaires ne sont pas encore bien précisés (Mullington et al. 2009). Dans une revue de la littérature récente, Farrault et al. (2011) ont proposé le

Rappels bibliographiques

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Restriction chronique de sommeil

↑Activité du système nerveux sympathique, activation de l’axe corticotrope

↑Pression artérielle, catécholamines, cortisol

Pathologies cardiovasculaires

↑statut pro-inflammatoire vasculaire

↑Leucocytes, cytokines pro-inflammatoires, CRP, stress oxydatif

Nk-κB ?

shear stress

Figure 12. Voies potentielles par lesquelles la restriction chronique de sommeil favorise l’apparition de pathologies cardiovasculaires. La restriction augmente l’activité du système nerveux sympathique et de l’axe corticotrope du stress. Le shear stress exacerbé par l’augmentation de la pression artérielle, induit une inflammation de la paroi vasculaire qui favorise la production endothéliale de médiateurs de l’inflammation. Les médiateurs hormonaux du stress (catécholamines, cortisol) peuvent mobiliser les leucocytes dans la circulation sanguine. La dégranulation des leucocytes entraîne la production de stress oxydatif. Les catécholamines augmentent l’expression du facteur nucléaire Kappa B (NF-κB), un activateur de l’expression des gènes des cytokines pro-inflammatoires. L’activation de toutes ces voies métaboliques entraîne le maintien d’un statut pro-inflammatoire chronique qui favorise le développement de pathologies cardiovasculaires. Modifié d’après Faraut et al. 2011.

Rappels bibliographiques

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