• Aucun résultat trouvé

Conséquence sur les activités dans la rhizosphère

2.4. Effets des ETM sur les microorganismes du sol

2.4.3. Conséquence sur les activités dans la rhizosphère

La diminution de l’abondance et de la diversité des microorganismes en présence de polluants métalliques a pour conséquence notable d’altérer l’ensemble des activités enzymatiques dans lesquels ils interviennent (Duxbury 1985). Par exemple, la pollution des sols par du Cu et/ou du Zn affecte les microorganismes prenant part dans la nitrification et

33

la minéralisation de la matière organique (Doelman et Haanstra 1986; Kabata-Pendias 2011). De la même manière, les processus de dégradation de la matière organique, plus particulièrement de la cellulose, sont très affectés par les pollutions au Pb (Kabata-Pendias 2011). Les cycles biogéochimiques de certains éléments essentiels peuvent également être affectés, avec notamment la minéralisation du P et du S qui est réduite dans les sols pollués par les ETM (Vig et al. 2003; Wang et al. 2007).

2.5. Conclusion

Les ETM ont des effets néfastes sur les Êtres vivants (e.g. plantes, microorganismes, humains) et plus généralement sur le fonctionnement général des écosystèmes. Ces problèmes nécessitent la mise en place de méthodes de dépollution adaptées aux différents environnements (zone humide, sols acides), à leur surface et à leur utilisation (e.g. terrain de loisir, immobilier). Ces méthodes doivent également s’adapter à la complexité et à l’hétérogénéité de chaque pollution.

3. Les techniques biologiques de remédiation des sols pollués par les ETM

L’obligation faite par le gouvernement français aux industriels de réhabiliter les terrains pollués (loi du 30 juillet 2003- article 27 L512-37 et 34-1 décrets 77-1133) lors de la cessation d’activité a créé un marché important favorisant le développement de diverses technologies de dépollution. Parmi les techniques de remédiation utilisées, celles adaptées aux ETM sont les suivantes : les procédés physico-chimiques, tels que l’excavation (47,8 $/m3 d’après Wan et al. 2016), le confinement, et le lavage des sols (71,4 $/m3), la bioremédiation (59,9 $/m3) adaptée uniquement à certains ETM, et la phytoremédiation (37,7 $/m3). Ainsi, face aux contraintes de coût en énergie et en argent, aux conséquences sur les propriétés physico-chimiques du sol (e.g. maintien de la fertilité et de la structure), et encouragée par la loi Grenelle I (2009), la phytoremédiation s’impose peu à peu comme une technique pertinente et naturelle.

Cette technique fait intervenir les plantes pour immobiliser ou diminuer la teneur en polluants dans les sols. Cette technique peut être utilisée in situ, sans diminution de la biodiversité et de la fertilité des sols. Suivant les ETM et les plantes utilisées on distingue différents types de processus de phytoremédiation.

Figure I-9 : Les différentes techniques de phytoremédiation des sols pollués par les ETM.

En rouge sont représentés les ETM libres, en rose les ETM sous forme gazeuse, et en bleu les ETM sous forme complexée. Les flèches orange traduisent le transfert des ETM du sol vers les parties aériennes.

3.1.1. La phytoextraction

La phytoextraction est une technique de remédiation reposant sur la capacité des plantes à prélever des contaminants depuis le sol (ou l’eau) par les racines et les transférer et accumuler dans les parties aériennes (Figure I-9) Cette technique est particulièrement adaptée aux sols présentant une pollution diffuse, où les polluants sont présents en proportion modérée et en surface. Elle peut être couplée à l’ajout de chélateurs pour augmenter la mobilité et l’absorption des éléments dans la plante (Huang et al. 1997).

La phytoextraction est influencée par les caractéristiques physiologiques et génétiques des plantes. De récentes observations soulignent l’importance du choix des plantes qui doivent notamment respecter certains critères (Phieler et al. 2013): (i) avoir une croissance rapide et une forte production de biomasse, (ii) être tolérantes aux métaux et (iii) pouvoir accumuler une grande quantité de métaux dans leurs parties aériennes, (iv) posséder un système racinaire profond et étendu, (v) s’adapter aux caractéristiques du sol à traiter (plantes natives ou adaptées), (vi) et nécessiter peu d’entretien.

Peu ou pas de plantes répondent à l’ensemble de ces critères. On peut noter l’utilisation de plantes hyperaccumulatrices (e.g. Noccaea caerulescens, Berkeya codii et

Alyssum murale) présentant des capacités d’accumulation et un facteur de bioconcentration

important, et l’utilisation de plantes à fort rendement de biomasse mais à plus faible accumulation (e.g. saule ou peuplier).

Les parties aériennes concentrées en métaux sont ensuite retraitées par combustion, pyrolyse ou gazéification (Chalot et al. 2012; Bert et al. 2017), ou faire l’objet d’une récupération des ETM par chélation et utilisés à des fins industrielles ou pharmaceutiques (Mahar et al. 2016).

35

3.1.2. La phytovolatilisation

La phytovolatilisation utilise les plantes pour transférer les ETM du sol vers l’atmosphère. En effet, certains éléments (e.g. As, Hg et Se) peuvent être présents sous forme gazeuse dans l’environnement (Figure I-9). Dans ce procédé, les ETM sont absorbés par les racines, transférés dans les parties aériennes où ils sont transformés sous leur forme volatile avant d’être émis dans l’atmosphère. Cette technique a tout d’abord été utilisée pour la remédiation des sols contaminés au mercure, les ions Hg2+ et le Hg organique peuvant être transformés en Hg0 (Kabata-Pendias 2011). De la même façon, le Se peut être transformé en (CH3)2Se qui est volatile (Kabata-Pendias 2011).

3.1.3. La phytostabilisation

La phytostabilisation vise à végétaliser un sol pollué dans le but d’immobiliser les ETM dans le sol (Figure I-9). Cette technique permet la diminution du transfert des polluants vers les nappes phréatiques et vers l’atmosphère. De plus, la présence du couvert végétal limite d’une part l’érosion hydrique et éolienne, et d’autre part le contact direct avec les animaux et les hommes (Mahar et al. 2016). Les ETM sont immobilisés dans la rhizosphère grâce à différents mécanismes dont l’adsorption au niveau des racines, la précipitation dans la rhizosphère, la complexation ou le changement de l’état de valence du métal (Figure I-9) (Bolan et al. 2011).

Le choix de la plante et l’apport d’un amendement (e.g. agents alcalins, phosphates, matière organique) sont deux critères importants dans la réussite de la remédiation. En particulier, le choix de la plante doit tenir compte des critères suivants (Phieler et al. 2013): (i) être tolérance aux ETM présents dans le sol, (ii) avoir une croissance rapide avec une grande capacité de couverture du sol et un système racinaire étendu et abondant, (iii) pouvoir retenir les polluants au niveau des racines ou de la rhizosphère, (iv) avoir une faible capacité à accumuler les polluants, (v) nécessiter un entretien réduit, et (vi) avoir une longévité importante.

Contrairement à la phytoextraction, les polluants ne sont pas extraits du sol, ce qui nécessite un monitoring permanent afin de veiller au maintien des conditions stabilisantes. 3.1.4. Un cas particulier : le phytomanagement

Le phytomanagement considère le sol contaminé comme une ressource économique et non comme un problème (Evangelou et al. 2015). Cette philosophie, dérivée de la phytoremédiation repose sur certains critères : (i) l’utilisation de sols délaissés ou pollués afin de ne pas accroitre la pression existante sur les sols agricoles, (ii) la production de biomasse non alimentaire mais valorisable économiquement (Figure I-10), et (iii) la diminution du transfert des ETM dans les différents compartiments (e.g. plantes, animaux, êtres humains).

Un large panel de plantes peut être employé dans le cadre du phytomanagement (Evangelou et al. 2015). Pour la production de bioénergie, le saule, le peuplier ou encore le miscanthus peuvent être utilisés. Le hêtre, l’eucalyptus ou le bouleau sont plus adaptés pour la filière bois de construction. Enfin, à titre d’exemple le tournesol et le maïs peuvent être utilisés pour la fabrication de biofuels et de bioéthanol, respectivement. De ce fait, à l’instar de la phytostabilisation, les plantes doivent croître rapidement et être tolérantes aux ETM. De plus afin de pouvoir commercialiser les sous-produits, ces derniers ne doivent pas contenir d’ETM ou, à l’état de traces.

Figure I-10 : Le principe du phytomanagement d'un sol pollué (modifié d’après Evangelou et Deram 2014).

Chacun des numéros représentant une partie de la plante valorisable économiquement.

Chacun des numéros représentent une partie de la plante qui sera valorisée en différents sous-produits (e.g. fibres, énergie). Outre un gain économique, le phytomanagement considère les nombreux services écosystémiques associés (e.g. stockage de carbone, habitat animal, rôle culturel et paysager) (Morel et al. 2014). Différents projets européens et français ont étudié quels pourraient être les essences utilisables en phytomanagement. Parmi ces projets :

Le projet PROLIPHYT6, supporté par l’ADEME a pour but de choisir parmi 30 essences de plantes ligneuses, les meilleurs candidats pour des projets de phytomanagement.

Le projet LORVER7, financé par la région Lorraine et le FEDER, a pour ambition la création d’une filière de production de biomasse végétale non-alimentaire par la valorisation de sites dégradés et de sous-produits industriels.

6 http://dendroremediation.univ-fcomte.fr/spip.php?rubrique64