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La confidentialité de l’arbitrage, un frein dans le CIRDI

Section 3 – La confidentialité à la lumière de l’arbitrage du CIRDI

2. La confidentialité de l’arbitrage, un frein dans le CIRDI

La recherche de transparence en matière d’arbitrage d’investissements est antérieure à la signature de l’AECG. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, le droit de l’OMC c’est-à-dire l’ensemble de règles et de principes régissant le commerce entre les pays, va mettre l’accent sur l’adoucissement de la confidentialité afin de permettre à la transparence de devenir le principe au sein de ce système. L’objectif à terme est d’obtenir des politiques et pratiques commerciales ouvertes et prévisibles169. Puisque les intérêts privés des entreprises transnationales sont

entrelacés aux intérêts publics d’un État lors d’un conflit sur un TBI, la confidentialité est dérangeante.

Notre propos ne signifie pas qu’une obligation de confidentialité n’existe pas dans des législations ou règlements institutionnels. Dans certains cas, elle est présente au sein de la London Court of International Arbitration170 au sein de l’article 30 (1) de son règlement, le Centre d’arbitrage

international de Singapour171 à la règle 34 ou encore International Bar Association (IBA) pour les Règles relatives à l’administration de la preuve dans l’arbitrage commercial international172.

Toutefois, la doctrine s’accorde à dire que la confidentialité est dysfonctionnelle dans le bilatéralisme des investissements. Pourquoi est-ce que cette confidentialité est un frein au sein du CIRDI ? La confidentialité est moins marquée173 à cause de l’intérêt public à savoir la mise en

place de normes qui sont à l’avantage de l’ensemble des citoyens.

169 OMC, Glossaire, en ligne : <https://www.wto.org/french/thewto_f/glossary_f/transparency_f.htm> (consulté le

17 avril 2019).

170 LONDON COURT OF INTERNATIONAL ARBITRATION, Règlement d’arbitrage LCIA, 1er janvier 1998, art.30 (1), en ligne :

<http://www.lcia.org/Dispute_Resolution_Services/LCIA_Arbitration_Rules.aspx> (consulté le 12 avril 2019).

171 CENTRE DARBITRAGE INTERNATIONAL DE SINGAPOUR, Règlement SIAC, règle 34(1), 1 juillet 2007, en ligne :

<http://www.intracen.org/REGLEMENT-FACULTATIF-DE-LA-COUR-PERMANENTE-DARBITRAGE-POUR-LARBITRAGE- DES-DIFFERENDS-ENTRE-DEUX-ETATS/> (consulté le 10 avril 2019).

172 INTERNATIONAL BAR ASSOCIATION (IBA), 1 juin 1999, Règles de l’IBA, art.3.12, en ligne :

<http://www.ibanet.org/Publications/publications_IBA_guides_and_free_materials.aspx> (consulté le 13 avril 2019).

Ainsi, l’arbitrage des investissements doit se conformer à un certain contrôle des citoyens174, car

la présence d’un caractère opaque alimenterait encore plus la méfiance du public. En ce sens, l’arbitrage du XXIe siècle est balancé entre sa vocation de réconcilier les attentes des commerçants et sa volonté de s’adapter aux considérations de la société. Évidemment, le caractère confidentiel dépendra toujours de l’accord des parties. Elles peuvent convenir d’une plus grande transparence en autorisant par exemple l’accès des audiences au public selon l’article 39 (2) du Mécanisme supplémentaire175. Le principe du volontarisme reste le fondement

du processus arbitral. Selon les statistiques du CIRDI176, 79 % des décisions sont publiques.

La transparence est présente dans plusieurs articles de l’AECG, par exemple la transparence des procédures177. Il faut bien garder à l’esprit que les garanties qu’apportent la confidentialité et la

volonté des parties ne sont pas les orientations premières d’un recours à l’arbitrage dans les TBI. En effet, il faut que l’arbitrage dans les TBI assure la prévisibilité et la sécurité juridique, éléments fondamentaux dans tout système de droit positif. L’atténuation de la confidentialité dans les relations d’affaires doit permettre la cohérence178. On pourrait dire que le principe de

transparence est une exception à la confidentialité. Cette entorse à la confidentialité est reconnue dans plusieurs législations notamment en Angleterre sous la défense d’un droit179. Quant au

mécanisme du CIRDI, il ne renferme pas de présomption générale180 de confidentialité ni de

transparence n’est présente.

174 Id., p.857

175Règlement d’arbitrage (Mécanisme supplémentaire) du CIRDI, avril 2006, art.39(2), en ligne :

<https://icsid.worldbank.org/fr/Pages/icsiddocs/ICSID-Arbitration-(Additional-Facility)-Rules.aspx> (consulté le 30 mars 2019).

176 CIRDI, Affaires du CIRDI. Statistiques, numéro 2017-1, 2017, en ligne :

<https://icsid.worldbank.org/en/Documents/resources/ICSID%20Web%20Stats%202017- 1%20(French)% 20Final.pdf> (consulté le 12 mars 2020).

177 AECG, préc., note 10, art. 8.36.

178 Andrea GIARDINA, « Legal Aspects of Recourse to Arbitration by an Investor Against the Autorities of the Host State

under Inter-State Treaties », ICSID Review, vol. 29, 2014.

179 Ali shipping Corporation v Shipyard ‘Trogir’, Court of Appeal, 1988 2 Ali E.R 136, en ligne :

<http://www.nadr.co.uk/articles/published/ZzzzarbitrationLawReports/Ali%20v%20Trogir%201997.pdf> (consulté le 12 avril 2019).

180 ICSID, Confidentialité dans l’arbitrage – Arbitrage selon le mécanisme supplémentaire, en ligne :

Il existe quand même des dispositions comme l’article 37 (2) du Règlement d’arbitrage181 du CIRDI

qui admet la faculté de soumettre des mémoires par une partie non contestante. Ceux-ci sont appelés amicus curiae c’est-à-dire les amis de la cour. Il s’agit d’une personne qui est admise à faire valoir dans un procès, même si elle n’a aucun intérêt direct et personnel dans le litige, soit un intérêt public ou celui d’un groupe social important, soit une question de droit ou de fait susceptible d’éclairer le tribunal.

Il ressort donc de ce qui précède que malgré des adaptations, le système de protection des IDE est très largement au service des intérêts des entreprises multinationales182. La mise en rapport

des diverses difficultés a permis d’établir un premier constat. Il ne faut pas renoncer aux TBI, aux IDE ou au recours à l’arbitrage. Il faut plutôt les adapter afin de les concilier avec les nouvelles exigences de la société. Autrement dit, il faut prendre en compte les considérations sociales, humaines et environnementales au sein de chaque processus et mécanisme.

Dorénavant, les clauses de RSE183 sont directement incorporées dans les traités

d’investissements. Elles sont de trois types. Premièrement, il peut s’agir de clauses encourageant de manière volontaire le respect de la RSE. Deuxièmement, il peut s’agir de clauses de RSE incombant à la compétence nationale. Finalement, on retrouve des clauses où les États invitent directement leurs investisseurs à respecter les considérations de RSE. Il s’agit d’une structure qui est complètement bouleversée dans les TBI. L’incorporation de ses nouvelles pratiques dans des accords de libre-échange dit de nouvelle génération doit encore faire son chemin. Dans ce prochain chapitre, il conviendra d’analyser cette évolution à la lumière du nouvel accord entre le Canada et l’UE (Chapitre 2).

181 Règlement de procédure relatif aux instances d’arbitrage (Règlement d’arbitrage), avril 2006, art.37(2), en ligne :

<https://icsid.worldbank.org/fr/Pages/icsiddocs/ICSID-Arbitration-(Additional-Facility)-Rules.aspx> (consulté le 30 mars 2019).

182 S. BOMMIER et V. CAÏLA, préc., note 107, p.23.

183 Concernant les clauses de RSE incorporées dans les traités d’investissement, voir : Nitish MONEBHURRUN, « Mapping

the duties of private companies in international investiment law », (2017) 14 Brazilian Journal of International law 50.

Chapitre 2 : La libéralisation de la RSE : ALE de nouvelle génération