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Conducteurs de type Câble-en-conduit à double canal

Supraconductivité

C’est la propriété remarquable qu’ont certains métaux ou alliages de voir s’annuler leur résistance électrique à très basse température. Les matériaux utilisés à échelle industrielle (le niobium-titane et le niobium-étain) doivent être refroidis par de l’hélium liquide à 4,2 K pour devenir supraconducteurs. Ces matériaux ont les paramètres critiques suivants :

• Densité de courant critique Jc

La densité de courant qui circule dans un matériau supraconducteur s’établit à la densité de courant critique Jc. C’est une fonction du champ, de la température, et des sollicitations mécaniques pour certains matériaux.

• Champ critique Bc

Si le champ magnétique dépasse Bc, le matériau perd son état supraconducteur. • Température critique Tc

Au delà de la température critique Tc, le materiau perd sa supraconductivité. Cette température est très basse, au plus 23 K pour les supraconducteurs conventionnels.

• Contraintes mécaniques

Certains matériaux ont leurs paramètres critiques (Bc, Tc, Jc) sensibles aux déformations mécaniques (traction/compression). Les contraintes ne sont pas une limite à proprement parler, mais peuvent occasionner une dégradation des performances du supraconducteur. Si au moins l’un des trois paramètres (B, T, J) dépasse sa valeur critique, le caractère supraconducteur du matériau est perdu. Maintenir basse la température du supraconducteur est incontournable. Les brins supraconducteurs sont constitués majoritairement de cuivre, pour leur stabilité thermique et pour porter le courant en cas de perte de la supraconductivité. Ils contiennent des filaments de niobium-titane ou de niobium-étain. Ces derniers sont fragiles, moins ductiles que le NbTi et nécessitent un traitement thermique à environ 650 °C pendant trois semaines, mais supportent des champs magnétiques plus élevés et sont donc requis pour ITER.

Conducteurs de type câble-en-conduit

Les conducteurs de la fusion, caractérisés par des fortes valeurs de champ magnétique (5- 13 T), de courant (40-70 kA) et de tension (5 kV/masse) ont évolué vers la géométrie de câble en conduit caractérisée par une gaine d’acier, une isolation électrique et une circulation forcée de réfrigérant.

Les câbles du projet ITER sont circulaires et constitués de 1000 à 1500 brins supraconducteurs de diamètre 0,81 mm, torsadés en niveaux successifs (Figure R-2).

Figure R-2 : Torsadage d’un pétale de cable supraconducteur (source CEA/DRFC) Le câble ainsi formé est inséré dans sa gaine d’acier inoxydable, dans laquelle circule l’hélium pour la réfrigération. Ces conducteurs ont les avantages suivants:

• courants forts jusqu’à 70 kA

• symétrie circulaire favorable à une distribution de courant homogène • refroidissement local des brins efficace par une circulation d’hélium • faibles pertes magnétiques en champ variable

• isolation électrique externe efficace (comme pour un conducteur ordinaire) • fabrication maîtrisée du conducteur en tirant le câble dans sa gaine.

La conception des conducteurs ITER a conduit à la construction de nombreux prototypes de câble, joint et même de deux bobines modèles représentatives du système de champ toroïdal et du solénoïde central.

Charges thermiques P

hl

sur les bobines à 4,5 K

Des sources de chaleur variées occasionnent des charges thermiques sur les bobines supraconductrices du système TF du tokamak ITER :

• pertes de courant variable dans les structures des bobines et dans le conducteur supraconducteur (en moyenne 7,3 kW)

• pertes dues aux amenées de courant (~1 kW)

Pour limiter les pertes dans le conducteur, un enrubannage d’acier d’épaisseur 0,55 mm isole entre eux les six pétales au sein du conducteur pour réduire les boucles de courant. Des échantillons PF avec et sans enrubannage, ont été testés afin d’étudier l’efficacité des enrubannages.

• chauffage nucléaire résiduel derrière les écrans neutroniques

Le rayonnement neutronique échauffe les volumes métalliques, plus intensément les parties les plus proches du plasma. La puissance neutronique de fusion du plasma d'ITER (~400 MW) est écrantée par des modules activement refroidis à l’eau pressurisée et par la chambre à vide elle-même. Ainsi seule une puissance résiduelle peut atteindre les bobines du système TF, avec une puissance instantanée de 10 kW et moyenne de 3 kW pour un scénario de décharge de 500 s toutes les 1800 s.

• pertes résistives dans les joints des bobines, pertes statiques par rayonnement à partir des écrans et conductions dans les supports des bobines et les connexions (11,9 kW) Les charges statiques peuvent être en partie évacuées par une circulation de réfrigérant externe à la bobine. Un système complexe d’écrans thermiques refroidis à 80 K à l’azote

Circulation forcée d’hélium supercritique

Toutes ces charges thermiques sont irréductibles et constituent l’hypothèse de travail pour le refroidissement cryogénique. Un débit d’hélium minimal de 8×10-3 kg.s-1 est déterminé afin d’évacuer Phl et de maintenir les supraconducteurs sous la température limite nominale de 4,7 K. Une perte de pression de 0,06 à 0,1 MPa apparaît dans les circuits hydrauliques élémentaires du système TF (galettes) [ITER05]. Le travail de pompage de l’hélium Pcirc pour combattre cette perte de charge introduit un échauffement (11,4 kW) qui s’ajoute à Phl au niveau du réfrigérateur (Figure R-3).

Figure R-3 : Principe des circuits Cryogéniques et pertes de pression de circulation d’ITER La puissance électrique associée à cette puissance cryogénique additionnelle à 4,5 K est coûteuse : environ 2,9 MW. Un bypass permet de limiter la charge instantanée de l’échangeur du réfrigérateur, mais provoque alors une dérive de la température d’entrée des bobines. Le but de cette thèse est d’optimiser la circulation de l’hélium supercritique dans les conducteurs supraconducteurs de type câble-en-conduit à double canal d’ITER, pour minimiser le travail de la pompe et la puissance cryogénique, sans compromettre le refroidissement des brins supraconducteurs.

Equilibrage des doubles-galettes

Les bobines d’ITER sont divisées en doubles galettes dont les conducteurs mesurent environ 700 m. Pour réduire la longueur hydraulique dans laquelle circule le réfrigérant, des entrées d’hélium sont introduites au milieu du conducteur des galettes ; l’hélium coule en direction opposée, partant de cette entrée hydraulique vers les connexions électriques des extrémités de galettes. Le système TF d’ITER comprend 18 bobines, chacune constituée de 14 galettes. La position idéale pour l’entrée d’hélium de chaque galette est en réalité le milieu hydraulique – et non géométrique– du conducteur en cas d’asymétrie.

A titre d’exemple, les essais de réception des conducteurs du stellarator W7-X montrent des différences de débit massique jusqu’à +/- 20%, pour des conducteurs théoriquement similaires et des pressions d’entrée et sortie normalisées. La présence d’un canal central devrait réduire ces différences pour les galettes d’ITER. Pour chaque satellite de distribution d’hélium, la galette la plus défavorable, c’est à dire ayant la plus grande perte de charge, impose la pression de distribution d’hélium qui assure le débit massique minimal min

.

m recherché. Une

fois cette pression de fonctionnement fixée, les galettes peuvent éventuellement avoir des débits différents mais supérieurs à min

.

m . Comme le travail de la pompe est proportionnel au .

. . n

d’équilibrage.

Canal central

Pour réduire la perte de pression de l’hélium circulant dans le conducteur, et le travail de pompage qui lui est inhérent, les brins supraconducteurs sont torsadés autour d’une spirale perméable qui délimite un canal central à faible impédance (Figure R-4).

Figure R-4 : Vue éclatée des six petales et de la spirale centrale d’un cable-en-conduit (source CEA/DRFC)

Le conducteur supraconducteur de type câble-en-conduit à double canal ainsi conçu a été sélectionné pour les bobines d’ITER. Un tel conducteur offre l’avantage d’une résistance hydraulique faible et d’un refroidissement poussé avec une compacité maximale. L’hélium y circule en parallèle dans la spirale centrale et dans la zone annulaire où il baigne les brins supraconducteurs. Le débit de réfrigérant est donc assuré par une circulation rapide d’hélium dans la spirale, permettant l’évacuation des calories moyennant un bon transfert thermique de la zone des brins vers la spirale centrale. Le canal central joue un rôle prépondérant dans la répartition des débits d’hélium et dans la caractéristique hydraulique globale du conducteur, donc sur les circulateurs, l’enthalpie de pompage, l’échangeur cryogénique qui combat cette enthalpie, les réfrigérateurs, la consommation énergétique et les coûts d’investissement et de fonctionnement. La Table R-1 montre que le canal central a un impact important sur un projet comme ITER, avec des conséquences économiques significatives.

La spirale garantit la dimension du canal central et prévient qu’il ne soit bouché ; elle assure un rôle mécanique lorsque le conducteur est soumis à des sollicitations magnétiques. Mais si le canal central permet de réduire les pertes de pression, il introduit une complexité géométrique et thermique.

Table R-1: Simulation comparée des propriétés du conducteur pour le système TF d’ITER et differents choix du canal central.

Projections du conducteur ITER TF à canal central variable 0.6 MPa, 5 K, 8 g/s, 1400 brins, taux de vide 33% Spirale 7/9 mm Perfor 50% référence ITER Spirale 7/9 mm Perfor 28% Tube lisse 7/9 mm Conducteur plus petit sans canal central

Coefficient de friction du canal central

0,12 0,057 0,017 ∞

Répartition de débit 5,1 g/s (anneau) 2,9 g/s (centre) 4,2 g/s (anneau) 3,8 g/s (centre) 3,5 g/s (anneau) 4,5 g/s (centre) 8 g/s (brins, homogènes) Perte de charge 0,99×105 Pa 0,77×105 Pa 0,58×105 Pa 1,9×105 Pa Puissance cryogénique

pour circuler l’He (TF)

2,6 kW 2,0 kW 1,53 kW 5,15 kW Puissance électrique du réfrigérateur (TF) 650 kW 500 kW 382 kW 1,29 MW Coût d’investissement frigorifique 1,56 M€ 1,2 M€ 0,92 M€ 3,1 M€

Coût total sur 20 ans d’opération

0,86 M€ 0,67 M€ 0,5 M€ 1,7 M€

Echanges thermiques entre les deux canaux

Si le but affiché d’une spirale centrale est de faciliter la circulation d’hélium pour refroidir le conducteur, elle n’est pas sans conséquence sur le comportement thermique du conducteur, en particulier sur la température des brins supraconducteurs. Comme l’hélium central a été détourné de sa fonction de refroidissement du conducteur, les débits et vitesses annulaires au contact des brins sont réduits. Sous sollicitation thermique, le canal annulaire du conducteur reçoit de l’énergie et sa température s’élève. Par rapport à un conducteur de température homogène, une différence de température entre les deux canaux représente donc une perte de marge thermique pour le supraconducteur. La spirale centrale ne peut se contenter de minimiser les pertes de pression, ce qui conduirait à choisir un simple tube lisse, mais il faut trouver le compromis qui assure un échange thermique suffisant entre l’hélium annulaire et l’hélium central. Un bon couplage thermique des canaux doit permettre à l’hélium circulant plus vite dans la spirale faisant office d’échangeur thermique interne, d’extraire et d’évacuer efficacement la puissance thermique loin des brins supraconducteurs. En plus de la différence de température qui peut être un phénomène statique, la différence de vitesse entre les circulations dans chaque canal introduit des phénomènes dynamiques de propagation d’une sollicitation thermique.

Les phénomènes physiques complexes et transitoires, tels que les échanges de masse à travers la spirale, ne peuvent être compris que sur des échantillons à taille réelle. De nombreux aspects de la thermohydraulique des conducteurs de type câble-en-conduit à double canal nécessitent une meilleure compréhension. Les concepts et les technologies ne demandent qu’à être optimisés. Bien que de nombreux travaux thermohydrauliques expliquent et modélisent les phénomènes liés à une rugosité macroscopique, ce type d’échangeur poreux à très haut Reynolds n’a encore jamais été traité dans la littérature scientifique.

Contenu de la thèse

conduit, de leur système cryogénique, et pour garantir le fonctionnement nominal de bobines supraconductrices à haut champ.

Le premier chapitre montre pourquoi les conducteurs développés pour le projet ITER sont à double canal, avec une spirale centrale à faible perte de charge et un canal annulaire contenant les brins supraconducteurs. Afin d’optimiser la géométrie de la spirale centrale, cette thèse étudie son comportement thermohydraulique.

Le chapitre 2 est consacré à l’étude expérimentale et la modélisation hydraulique des spirales [Ren06-3].

Le chapitre 3 est consacré à l’étude et la modélisation thermique, en régime permanent [Ren06-1] et transitoire [Ren06-2], de la spirale au sein d’un conducteur.

A l’aide des nouveaux modèles hydrauliques et thermiques développés, une optimisation des conducteurs d’ITER est proposée dans le chapitre 4.

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