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CHAPITRE 6 : DISCUSSION GÉNÉRALE

6.1 Conditions de compressions dynamiques

Le type de chargement, la magnitude et la durée d’application influencent la croissance et l’histomorphométrie de la plaque de croissance (Ohashi, et al. 2002; Robling, et al. 2001; Stokes, et al. 2005a). L’étude de Valteau et coll. a montré qu’avec une même contrainte moyenne le chargement dynamique était tout aussi efficace en termes de modulation de croissance que le chargement statique, tout en préservant l’intégrité de la plaque de croissance (Valteau, et al. 2011). Le mode de compression dynamique semble donc posséder un potentiel intéressant pour de futures applications. C’est pourquoi le choix s’est porté sur l’investigation des effets de différents profils de compression dynamique avec des contraintes moyennes identiques, sur la croissance et l’histomorphométrie de la plaque de croissance (Article scientifique 1). Le premier objectif spécifique de cette thèse était d’investiguer différentes combinaisons de chargement dynamique à savoir la fréquence et l’amplitude. Les résultats obtenus ont permis d’identifier les conclusions suivantes :

 La modulation de croissance est contrôlée en partie par la contrainte moyenne;

 L’augmentation de fréquence ou d’amplitude a des effets semblables sur l’histomorphométrie de la plaque de croissance;

 Il existe des plages de valeurs (amplitude, fréquence) à ne pas dépasser pour éviter d’endommager les tissus.

Des points additionnels sont discutés ci-dessous.

6.1.1 Choix des conditions de chargement dynamique

Dans le premier article, le chargement dynamique de référence était une compression de valeur moyenne de 0.2 MPa avec une amplitude de 30% (plages de variation de 0.14 MPa à 0.26 MPa) et une fréquence de 0.1 Hz. Ce niveau de contrainte de 0.2 MPa correspond à une position assise chez l’humain (MacLean, et al. 2005). Lorsqu’appliqué en continu, cette contrainte permet de

ralentir la croissance tout en restant loin des valeurs de 0.5-0.6 MPa causant un arrêt complet de croissance (Villemure and Stokes 2009a). Ce cas de chargement a été implémenté par l’étude de Valteau et coll. (Valteau, et al. 2011) et comparé au chargement statique à 0.2 MPa, pendant la même durée (15 jours) avec des rats du même âge et avec un dispositif de chargement semblable à celui utilisé dans cette étude. Ce groupe de référence n’a pas été reproduit dans l’étude mais les augmentations d’amplitude (100% versus 30%) et de fréquence (1.0 Hz versus 0.1 Hz) se réfèrent à ce groupe. Par ailleurs, les mesures ont été soigneusement réalisées avec les mêmes décisions scientifiques en termes du choix des mesures, du nombre de mesures, de l’espacement des lames, et de la méthodologie de mesure afin de limiter les erreurs causées par le changement d’utilisateur et pouvoir ainsi comparer le plus objectivement possible les résultats obtenus. L’augmentation d’amplitude à 100% permettait d’approcher une valeur de contrainte (0.4 MPa) proche de l’arrêt de croissance, et en réalisant une condition éloignée du 30% afin de dissocier les deux groupes et leurs effets respectifs. De plus, l’augmentation de fréquence à 1.0 Hz correspond à une fréquence de course ou de marche olympique (plus de 13km/h). La plage de variation pour de la marche se situe entre les deux fréquences testées.

6.1.2 Seuils d’adaptation

Nos résultats ont montré que la plaque de croissance peut tolérer et s’adapter à un certain niveau de compression, en minimisant les altérations structurelles et fonctionnelles, ce qui rejoint l’idée d’Iatridis et coll. résumant les résultats d’études sur le disque intervertébral (Iatridis, et al. 2006). Il mentionne des plages de compression stimulantes avec des valeurs de compression de 0.2 MPa ou au contraire dommageables pour le disque intervertébral pour des compressions supérieures à 1.0 MPa, ainsi que des fréquences soit inférieures à 0.01 Hz soit supérieures à 1.0 Hz (Iatridis, et al. 2006). Ainsi, la combinaison de conditions de compression trop éloignées de chargements physiologiques dans une durée trop faible ou limitée conduit à des dommages irréversibles sur la plaque de croissance, et ne permet pas au tissu d’y répondre en s’adaptant en conséquence. Il s’agit du résultat observé dans le troisième groupe chargé dynamiquement (à 0.2 MPa) avec une amplitude de 100% variant entre 0 et 0.4 MPa, à une fréquence de 1.0 Hz. Les infections à répétition observées dans les animaux de ce dernier groupe cumulant augmentation abrupte d’amplitude et de fréquence pourraient aussi résulter d’un échauffement thermique des tissus au- delà de leur résistance à la fatigue, entrainant par la suite leurs destructions. Aussi, pour que les

tissus répondent mieux aux charges élevées, il est nécessaire de leur fournir le temps de s’y adapter (en réduisant la fréquence initialement par exemple) et de les conditionner avec un programme progressif. La détermination de ces seuils et le potentiel du tissu à y répondre et s’y adapter requièrent davantage d’investigation expérimentale, en biomécanique cellulaire par exemple, qui pourrait être complétée par des modèles par éléments finis. Ces études complémentaires permettraient de mieux comprendre et prévoir le comportement mécanique de la plaque de croissance en variant les profils de chargement et les durées d’application de ces charges, afin de construire des programmes de conditionnement tissulaire aux stimuli mécaniques.

6.1.3 Niveau et durée ou historique de compression

Dans la présente étude, une seule contrainte moyenne a été sélectionnée et fixée à 0.2 MPa, ce qui correspond à une compression physiologique modérée, appliquée sur le rachis humain en position assise (MacLean, et al. 2005). À cause de la viscoélasticité de la plaque de croissance, la contrainte moyenne n’est pas le seul paramètre à prendre en compte dans l’analyse de la réponse de la plaque de croissance à la compression; il est aussi important de considérer la durée ou l’historique de compression. En effet, appliquer cette compression à temps plein pendant 15 jours ne constitue pas une configuration physiologique, tel que rappelé par Stokes et coll. (Stokes, et al. 2005b). Afin qu’un chargement soit considéré comme physiologique, il aurait pu être envisagé de l’appliquer seulement quelques heures par jour, à la suite ou par intermittence, pour simuler les périodes d’activités et de repos des patients. Stokes et coll. ont investigué des chargements statiques (de 0.1 MPa) sur des vertèbres et des tibias de rats à temps plein versus 12h/jour de jour ou de nuit (Stokes, et al. 2005b). Le taux de croissance de la vertèbre chargée était exprimé en pourcentage de la vertèbre contrôle intra-animal. Ils ont trouvé 100% de taux de croissance pour les shams (aucune réduction), 82% de taux de croissance pour la compression à temps plein (réduction de 18%), 93% pour ceux chargés en journée (réduction de 7%) et 90% pour ceux chargés la nuit (réduction de 10%) (Stokes, et al. 2005b). La réduction de taux de croissance dépend donc de la durée avec une réduction moins prononcée lorsque la durée de compression est diminuée. La réduction de croissance était associée à une diminution du nombre de chondrocytes en prolifération ainsi qu’une diminution de la hauteur des chondrocytes hypertrophiques (Stokes, et al. 2005b).