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D. Mise en place d’un mécanisme national de prévention

II. CONSTATATIONS FAITES DURANT LA VISITE ET MESURES PRECONISEES . 13

3. Conditions de détention

26. Sur plusieurs points, les cellules de l’hôtel de police de Lille offraient des conditions satisfaisantes aux personnes gardées à vue. Les 20 cellules individuelles mesuraient 7 m², les quatre cellules pour mineurs 7,6 m², et les sept cellules collectives entre 9,5 et 27,5 m². Les cellules étaient équipées d’un ou plusieurs bat-flanc(s), de toilettes partiellement cloisonnées et d’une arrivée d’eau.

Le personnel pouvait actionner des rideaux situés à l’intérieur des façades vitrées des cellules afin de réduire, en période de repos, l’intensité de la lumière artificielle en provenance des couloirs. Les cellules étaient également équipées de systèmes d’appel et de vidéosurveillance.

Cependant, le système de chauffage était déficient, y compris dans les locaux du personnel (une température d’à peine plus de 10°C a été relevée dans certaines pièces et cellules au moment de la visite). De plus, les personnes placées en cellule de garde à vue n’avaient pas de couvertures, le personnel jugeant les quelques couvertures disponibles impropres à leur utilisation. En outre, les locaux étaient d’une saleté repoussante (flaques de sang coagulé au niveau du sol, vomissures séchées sur les bat-flancs, etc.). Par ailleurs, un certain nombre de cellules avaient été mises hors service (en raison de la dégradation des façades vitrées), sans que les réparations appropriées ne soient réalisées (faute de financement).

27. Certaines insuffisances évoquées plus haut ont également été observées dans les cellules de l’hôtel de police de Rouen, notamment le froid ambiant et l’impossibilité d’obtenir une couverture, voire un matelas, pour un certain nombre de gardés à vue. En outre, les cellules étaient mal aérées et sales. Les gardés à vue devaient en règle générale attendre une vingtaine de minutes avant d’avoir accès aux cabinets de toilettes, lesquels offraient également le seul point d’eau potable. Aucun produit d’hygiène personnelle, pas même du papier de toilette, n’avait été mis à la disposition des gardés à vue. Par ailleurs, les cellules n’étaient pas équipées de système d’appel.

28. Dans les cellules des autres locaux de police visités, qui étaient généralement plus anciens, il convient de signaler, outre le froid, voire le manque de couvertures, la taille réduite (4,5 m²), et même très réduite (2,5 m²), de certaines cellules de garde à vue,19 le manque d’aération et de propreté et l’impossibilité de prendre une douche et de disposer de produits d’hygiène personnelle, y compris lors de séjours prolongés20. Les cellules n’étaient en général pas équipées de système d’appel ; le contrôle visuel par le personnel de police variait de tous les quarts d’heure à toutes les heures (outre le contrôle des cellules par le biais de la vidéosurveillance).

19 De telles cellules ont été vues au Service accueil, recherche et investigation judiciaire du 18e arrondissement de Paris, à l’hôtel de police de Béthune et à l’hôtel de police de Vénissieux/Saint Fons.

20 A l’hôtel de police de Bobigny, certaines personnes étaient en garde à vue depuis quatre jours.

29. Les chambres de sûreté de la Brigade territoriale de proximité chef-lieu (BTPCL) de la gendarmerie nationale de Saint-Pol-sur-Ternoise offraient une illustration de l’un des problèmes principaux rencontrés dans le passé : aucun système d’appel n’avait été installé alors que le bâtiment n’était pas occupé en permanence par les gendarmes. En l’absence de personnel dans le bâtiment, la sécurité des gardés à vue dépendait des quelques rondes d’un gendarme en provenance des bâtiments voisins.21

30. Dans l’ensemble des établissements de police et de gendarmerie visités, il ressort des constatations de la délégation qu’aucun espace approprié n’avait été prévu pour permettre l’exercice quotidien en plein air des personnes maintenues en garde à vue pendant des périodes prolongées.22

31. A la lumière de ce qui précède, le CPT recommande aux autorités françaises de faire en sorte que :

- les cellules de moins de 5 m² du Service accueil, recherche et investigation judiciaire du 18e arrondissement de Paris, de l’hôtel de police de Béthune et de l’hôtel de police de Vénissieux/Saint Fons ne soient pas utilisées pour des périodes de détention excédant quelques heures ;

- les réparations des cellules de l’hôtel de police de Lille soient assurées dans un délai raisonnable en cas de dégradations ;

- les systèmes de chauffage des locaux de détention visités, en particulier au sein des hôtels de police de Lille et de Rouen, soient pleinement fonctionnels par temps froid ;

- l’aération des cellules des hôtels de police de Bobigny et de Rouen soit améliorée ; - les locaux de détention des hôtels de police de Bobigny, de Lille et de Rouen soient

maintenus dans un état de propreté acceptable ;

- les stocks de couvertures et de matelas propres soient toujours suffisants dans les établissements visités ;

- à l’hôtel de police de Rouen, les personnes gardées à vue aient rapidement accès aux toilettes lorsqu’elles le demandent ;

- les personnes gardées à vue disposent de produits d’hygiène personnelle, et puissent avoir accès à une douche lors de séjours allant au-delà de 24 heures ;

21 Les locaux n’étaient pas équipés de vidéosurveillance.

22 Il convient de rappeler que, dans le cadre du régime dérogatoire de la garde à vue, les personnes concernées peuvent séjourner dans une cellule de police ou une chambre de sûreté de la gendarmerie jusqu’à six jours d’affilée.

- des systèmes d’appel soient installés dans les cellules de police et les chambres de sûreté de la gendarmerie qui ne sont pas situées à proximité de bureaux ou postes de garde occupés en permanence (y compris la nuit) par du personnel ; en outre, même si des systèmes de vidéosurveillance ont été mis en place, du personnel doit toujours être présent dans les bâtiments où des personnes ont été placées en cellule ou en chambre de sûreté et procéder de manière fréquente au contrôle visuel des cellules ou chambres de sûreté afin d’assurer la sécurité de ces personnes ;

- les personnes placées en garde à vue pour des périodes dépassant 24 heures puissent avoir accès à l’air frais, au moins une heure par jour, dans un espace adapté.

32. Dans les bureaux du BTPCL de la gendarmerie de Saint-Pol-sur-Ternoise et de l’hôtel de police de Rouen, ainsi qu’au poste de garde de l’hôtel de police de Béthune, la délégation a observé qu’il pouvait être fait usage de menottes/chaînes fixées à un poids, un banc ou un anneau scellé au sol. Un dispositif similaire avait également été installé dans les cellules d’attente de l’hôtel de police de Lille. D’après le personnel, il s’agissait là de moyens utilisés à titre exceptionnel lorsqu’une personne détenue faisait preuve d’un comportement violent. De l’avis du CPT, de tels dispositifs n’ont pas lieu d’être dans un environnement déjà sécurisé. Le Comité recommande aux autorités françaises de prendre des mesures afin que ces dispositifs soient enlevés dans les établissements concernés, ainsi que dans tout autre établissement où des aménagements similaires auraient été réalisés. Dans le cas où une personne en garde à vue réagit de manière violente, le recours aux menottes peut être justifié. Cependant, la personne concernée ne devrait pas être menottées à des objets fixes mais plutôt être placée sous étroite surveillance dans un environnement sûr. Si nécessaire, en cas d’agitation liée à l’état de santé du gardé à vue, les membres des forces de l’ordre devraient demander une assistance médicale et agir conformément aux consignes du médecin.