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Conditions de bonne prescription hors AMM de baclofène dans l’alcool

2. LE BACLOFÈNE DANS LE CHAMP DE L'ALCOOL

3.8. L E CAS DU BACLOFENE DANS L ’ ALCOOL

3.8.1. Conditions de bonne prescription hors AMM de baclofène dans l’alcool

L’utilisation du baclofène haut dosage pose le problème d’une utilisation hors AMM par l’indication et par le dosage, avec deux principales questions :

- l’efficacité dans cette indication ;

- la tolérance à des doses qui n’ont fait l’objet que de peu de publications.

En reprenant le plan du §3.6 (Validité d’une prescription hors AMM), quelles sont les particularités que l’on peut observer dans le cas de la prescription hors AMM de baclofène ?

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- Appuis scientifiques (voir §3.6.1) : le niveau de preuve d’efficacité du baclofène haut dosage dans l’alcool correspond à un grade C (études observationnelles). Il est difficile d’accorder une valeur précise à un grade C, certains considèrent qu’il est insuffisant pour donner lieu à des recommandations. En tout état de cause, il s’agit d’un niveau de preuve bas, mais c’est quand même un niveau de preuve. A noter que le baclofène à bas dosage (30mg/jour) jouit d’un meilleur niveau de preuve. Cependant on ne peut pas l’extrapoler au baclofène haut dosage : avec de plus hautes doses, le profil de tolérance du baclofène peut être différent, aussi on ne peut préjuger de la balance bénéfice / risque. Cependant une efficacité, faible mais réelle, à basse dose permet d’augurer de l’efficacité à plus fortes doses.

- Information du patient : pas de spécificité pour le baclofène.

- Information sur le caractère non remboursable et spécification sur l’ordonnance : sur ce point la prescription du baclofène est particulière, non d’un point de vue légal, mais d’un point de vue pratique. En effet la plupart des prescriptions hors AMM sont faites de façon inconsciente par les médecins. Dans la plupart des cas elles échappent aussi à la conscience du contrôle des caisses de Sécurité Sociale, et il n’y a pas de conséquence en dehors du remboursement indu d’un médicament (même si, comme nous l’avons vu au

§3.6.2.2, le défaut d’information sur le caractère hors AMM peut être retenu comme une faute par la justice). Dans le cas du baclofène, son caractère non remboursable dans les indications alcoologiques est bien connu, aussi bien du prescripteur que des caisses dont la vigilance sera attirée sur la nature des prescriptions.

Si le médecin omet la mention ‘NR’ ou ‘hors AMM’ afin que son patient se fasse rembourser, il n’engage que sa responsabilité administrative vis-à-vis de la Sécurité Sociale, si toutefois le patient est clairement informé de ce caractère hors AMM. L’information des Caisses (par une inscription sur l’ordonnance) est à distinguer de l’information du patient.

- Recours : que faire dans ce cas où les essais évaluant les traitements classiques ont un niveau de preuve plus élevé mais révèlent une faible efficacité, et où les essais concernant le nouveau traitement suggèrent une efficacité supérieure mais avec un niveau de preuve plus faible ? L'utilisation du baclofène en 1ère intention comme le font certains de nos interviewés repose donc sur des justifications complexes et il nous semble difficile d'augurer des conclusions qu'aurait un médecin expert dans le cas d'un éventuel contentieux.

- Collégialité : on ne peut ici que poser des questions. Faut-il réserver la prescription de baclofène à des médecins appartenant à un réseau (ambulatoire ou avec un centre) ?

Rappelons que la collégialité est un critère souhaité mais non obligatoire de validité de la prescription hors AMM.

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- Notification des effets indésirables à la pharmacovigilance. Sur ce point non plus il n’y a pas de spécificité du baclofène, l’obligation de notification pour les médecins concernant tous les traitements.

Remarquons cependant que la coopération des médecins prescripteurs de baclofène nous semble particulièrement souhaitable dans ce contexte, où c’est principalement le profil de tolérance qui est mal connu.

Les effets secondaires du baclofène sont pour la plupart connus depuis des années, avec son utilisation en neurologie, mais ceux entraînés par l’usage à des doses élevées, n’ayant pas fait l’objet d’études pré-AMM, sont moins cernés, notamment en ce qui concerne leur fréquence. Par ailleurs, la population des patients à problème d’alcool étant différente de la population ciblée par l’AMM, la tolérance du baclofène pourrait y être différente, par exemple du fait de prescriptions ou toxiques concomitants (psychotropes dont alcool…) ou d’atteintes d’organes (fonction hépatique…)

La notification des effets secondaires du baclofène est évaluée <0,35% des cas par le Comité Technique de PharmacoVigilance [137] sur l’année 201136 contre 5 à 10% pour les autres médicaments. Les auteurs font l’hypothèse d’une culpabilisation des prescripteurs amenés à prescrire hors AMM. Ce dispositif reposant sur la notification spontanée étant le seul à pouvoir mieux cerner les effets secondaires d’un médicament utilisé hors AMM et hors ATU (ou RTU), il nous semble que le fonctionnement de ce dispositif doit être une condition de bonne prescription du baclofène dans l’alcool. Comme nous l’avons souligné au §3.6.5, la confidentialité des notifications au CRPV est assurée, déclarer un effet indésirable d’un médicament qu’on aurait prescrit hors AMM ne peut aboutir à une quelconque mise en cause du notificateur.

En résumé, il nous semble que les deux points d’attention du prescripteur de baclofène devraient être :

- L’information du patient (sur les bénéfices, les risques et l’état des preuves, et caractère hors AMM) ;

- Le suivi du patient, notamment l’attention aux effets indésirables inattendus.

La complexité des conditions de prescription du baclofène dans l’alcool telles que nous venons de les évoquer, ajoutée à l’extrême variabilité de son schéma posologique et à la gestion des effets secondaires qui semblent particulièrement fréquents, font que cette prescription peut difficilement être considérée comme une prescription de routine. Ceci pose la question de savoir quels praticiens sont

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suffisamment formés à cette prescription et s’il faut d’une manière ou d’une autre labelliser cette formation.

C’est sur la base de ce constat que le CHRU de Lille a créé en 2010 une structure de prescription hospitalière de traitements d’exception en addictologie, où le premier médicament prescrit a été le baclofène dans des indications alcoologiques, ce traitement étant, pour les concepteurs du dispositif, l’exemple idéal d’une prescription hors AMM trop difficile à manier pour les médecins de ville.

3.8.2. Exemple de la Consultation d’Avis Multidisciplinaires de Traitements