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1.2 L’équation d’Euler cinétique

1.2.3 Condition de Penrose

Dans toute cette sous-section, on se place dans le cas où D = Td= Rd/2πZd pour pouvoir utiliser des descriptions des solutions en série de Fourier par rapport à la variable de position x.

L’équation de Vlasov-Poisson (1.54) admet des solutions stationnaires instables. Le type de solutions stationnaires que l’on va considérer sont homogènes en espace. Si f ne dépend que de la variable de vitesse v (on pourra dire que f est un profil en vitesse ou simplement un profil ) :

f (t, x, v) = µ(v),

alors f est une solution stationnaire de l’équation de Vlasov-Poisson (1.54) (et également de (1.55) et (1.47) dès que µ est d’intégrale 1 d’ailleurs). En effet, dans ce cas, les deux premiers termes de l’équation de Vlasov s’annulent, et le potentiel ne dépend pas de l’espace, donc son gradient s’annule, et donc le troisième terme de l’équation de Vlasov s’annule également. Si on linéarise (1.54) au voisinage d’une telle solution, c’est à dire si l’on cherche une solution de la forme

f (t, x, v) = µ(v) + εh(t, x, v),

et qu’on ne garde que les termes d’ordre ε, on trouve :

         ∂th + v · ∇xh − ∇xU · ∇vµ = 0, −∆U = Z h dv, h|t=0 = h0. (1.56)

Une technique standard en théorie des systèmes dynamiques et en particulier des EDPs d’évolution pour étudier la dynamique de l’équation au voisinage de la solution stationnaire µ consiste en premier lieu à rechercher les solutions propres de cette équation linéaire, c’est à dire les solutions de la forme

h(t, x, v) = g(x, v) exp(λt)

où g et λ sont éventuellement complexes, et où λ s’appelle le taux de croissance de la solution propre. Lorsque <(λ) > 0, on dit que la solution est instable : elle grandit exponentiellement vite avec le temps, si <(λ) < 0, on dit qu’elle est stable : elle se rapproche exponentiellement vite de 0. Enfin, si

<(λ) = 0, la solution est dite neutre. Ces solutions correspondent exactement aux directions propres de l’opérateur linéaire : g = g(x, v) 7→    v · ∇xg − ∇xU · ∇vg, −∆xU = Z g dv. (1.57)

Si on imagine (ce qui n’est pas le cas ici) que cet opérateur est diagonalisable, alors toutes les solutions de l’équation linéaires seront des combinaisons linéaires de modes exponentiels. On pourra alors tenter de prouver qu’au voisinage de la solution stationnaire µ, toute solution au problème non-linéaire est proche de la solution au problème non-linéaire ayant la même donnée initiale. On aura alors essentiellement décrit le comportement de notre équation au voisinage de µ par son comportement linéaire, et donc par les solutions propres.

Dans l’équation linéaire (1.56), les inconnues sont h et U , et µ est fixé. Les coefficients de l’équation ne dépendent donc pas de la variable de position x, et l’opérateur linéaire (1.57) préserve les fréquences spatiales. Cela signifie qu’en décomposant les solutions propres en modes de Fourier selon la variable x, on peut se ramener à chercher des solutions propres de la forme :

h(t, x, v) = g(v) exp(in · x) exp(λt), (1.58)

où n ∈ Zd, est la fréquence du mode en question. On appelle une telle solution propre un mode propre exponentiel. Ici, on cherche un critère d’instabilité, donc dans la suite de ce calcul, on supposera <(λ) > 0, et on cherchera une condition sur µ, n et λ pour qu’un tel mode propre exponentiel (non nul) existe. Remarquons que le cas n = 0 ne permet pas d’obtenir une solution non nulle, on suppose donc n 6= 0.

Si on injecte cet ansatz dans l’équation linéaire (1.56), on obtient par l’équation de Poisson

|n|2U (t, x) = Z

g(w) dw 

exp(in · x) exp(λt),

et donc par l’équation de Vlasov en simplifiant par exp(in · x) exp(λt) :

(λ + in · v)g(v) = in · ∇vµ(v) |n|2

Z

g(w) dw. (1.59)

En divisant par λ + in · v de part et d’autre de cette égalité (comme on a supposé <(λ) > 0, cette opération est licite), et en intégrant par rapport à v, on obtient :

Z g(w) dw  ×  1 − in |n|2 · Z ∇vµ(v) λ + in · vdv  = 0.

Mais si l’intégrale de g est nulle, alors par (1.59), g est nul et on tombe sur la solution nulle. Pour obtenir une solution non triviale, il faut donc que :

in |n|2 ·

Z ∇vµ(v)

λ + in · vdv = 1. (1.60)

Réciproquement, si µ, n et λ sont choisis de telle façon que cette condition est satisfaite, on peut par exemple choisir

g(v) = in · ∇vµ(v) λ + in · v

et alors le mode propre (1.58) est une solution de l’équation linéaire (1.56). Étant donné µ une solution stationnaire, l’existence de λ ∈ C avec <(λ) > 0 et n ∈ Zdsatisfaisant l’équation (1.60) est donc une condition nécessaire et suffisante pour l’existence de modes propres exponentiels instables de l’équation linéaire (1.56). Cette condition porte désormais le nom de condition de Penrose en référence à O. Penrose qui la découvrit et l’étudia pour la première fois dans [81].

On peut alors définir la notion de profil instable comme suit.

Définition 1.2.1. Soit µ un profil en vitesse. On dit que µ est instable s’il existe λ ∈ C avec <(λ) > 0 et n ∈ Zd pour lesquels la condition de Penrose (1.60) est satisfaite.

Remarque 1.2.2. En général, lorsque l’on étudie un système dynamique ou une EDP d’évolution au voisinage d’une solution stationnaire, la situation favorable est celle où toutes les solutions propres sont stables (au sens strict, c’est à dire de partie réelle strictement négative), on tente alors de démontrer une convergence vers la cette solution stationnaire dans le problème non-linéaire pour toute donnée au voisinage de celle-ci, ce qui correspond à un comportement dissipatif, en temps long. La situation défavorable est celle où il existe une solution propre instable. Dans ce cas, on tente de démontrer le caractère Lyapounov instable de la solution stationnaire : il existe une suite de données initiales (f0n)n∈Ntendant vers la solution stationnaire et un voisinage V de cette solution stationnaire tels que pour tout n, la solution partant de f0n sort de V à un certain instant tn. Le cas où il existe des modes neutres et où il n’existe pas de mode instable est en général plus difficile à traiter.

Dans notre situation, comme µ est à valeurs réelles, remplacer λ par −λ dans la formule (1.60) ne change pas la valeur de l’intégrale. En d’autres termes, à chaque mode propre stable de taux de croissance λ avec <(λ) < 0 correspond un mode propre instable de taux de croissance −λ (on a bien <(−λ) > 0). En conséquence, aucune solution stationnaire homogène n’est stable au sens strict. Elle est soit instable, soit neutre. Il en ira de même dans le cas des équations (1.55) et (1.47). Par un léger abus de langage, dans le cas neutre, on parle en général tout de même de profil stable par opposition au cas instable. Dans la suite, on ne traitera que des phénomènes liés à l’instabilité.

Dans [81], Penrose décrit la forme des profils stables et instables. En dimension 1, que ce soit pour l’équation de Vlasov-Poisson ou pour l’équation d’Euler cinétique, un profil d’abord croissant puis décroissant est toujours stable, tandis qu’un profil contenant au moins deux maxima locaux suffisamment marqués et suffisamment éloignés est toujours instable. Pour cette raison, cette insta-bilité est souvent appelée instainsta-bilité des deux bandes33 en physique des plasmas. On a représenté à la figure 1.2 la forme typique de profils unidimensionnels stables et instables. L’instabilité dans le cas multidimensionnel n’est pas plus compliquée : un profil multidimensionnel est instable si et seulement si il existe une direction telle que la projection de ce profil sur cette direction est un profil unidimensionnel instable.

Le premier résultat concernant l’instabilité non-linéaire pour ce type d’équation est une preuve de l’instabilité au sens de Lyapounov pour l’équation de Vlasov-Poisson (1.54), démontrée par Guo et Strauss dans [55]. Ce résultat a ensuite été revisité de façon quantitative par Han-Kwan et Hauray [58] en dimension 1 et par Han-Kwan et Nguyen [62] en dimension supérieure.

v µ(v) 0 v µ(v) 0

Figure 1.2 : À gauche, un profil unidimensionnel stable au sens de Penrose. À droite, un profil unidimensionnel instable.