• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Caractère mal posé de l’équation d’Euler cinétique et de l’équation

1.4 Aperçu des principaux résultats de la partie I

1.4.2 Chapitre 3 : Caractère mal posé de l’équation d’Euler cinétique et de l’équation

Dans le Chapitre 3, on va revisiter le résultat principal de [61] (énoncé plus tôt au Théorème 1.2.4 de cette introduction) concernant le caractère mal-posé de l’équation d’Euler cinétique (1.47) et de l’équation de Vlasov-Benney (1.63), de façon à inclure le cas où le profil stationnaire µ est une simple mesure, sans hypothèse de régularité supplémentaire46.

Dans notre cas, on travaille sur des solutions distributionnelles qui sont régulières par rapport à la variable x de position et seulement des mesures par rapport à la variable v de vitesse. Une façon naturelle de contrôler la taille de telles solutions est de raisonner en termes d’observables macroscopiques : on prend une fonction test de la variable de vitesse, on intègre cette fonction test contre notre solution et on étudie les normes Sobolev de la fonction de l’espace ainsi obtenu. Si ϕ est une fonction test, et si f est une solution, on note hf, ϕi l’observalble macroscopique corrspondante.

45

En fait, pour des raisons techniques, ce ne sont pas exactement ces estimations que l’on utilise, mais des versions où l’on régularise r, comme expliqué à la Section 2.3 du Chapitre 2.

46

Dans le cas de l’équation d’Euler cinétique, on supposera quand même que µ a un moment d’ordre 2 fini de sorte que la pression soit bien définie via la formule (1.52).

Par commodité, les fonctions tests que l’on considère sont de classe Cet à support compact, mais on pourrait penser à des résultat analogues prenant en compte les moments de notre solution, et donc la densité spatiale d’énergie, ou d’autres grandeurs du même type. Le résultat principal est le suivant.

Théorème 1.4.3. Soit µ ∈ P(Rd) un profil stationnaire instable au sens de Penrose, N ∈ N, ϕ1, . . . , ϕN ∈ C

c (Rd), s ∈ N et α ∈ (0, 1]. Il existe une suite de conditions initiales (f0k)k∈N pour l’équation d’Euler cinétique (1.47) tendant vers µ et une suite de temps (Tk)k∈N tendant vers 0 tels que :

• pour tout k, il existe une solution distributionnelle fkde (1.47) de condition initiale f0k, définie jusqu’au temps Tk,

• si on note pk la pression correspondante, on a : kpkkL1([0,Tk]×Td) PN i=1khfk 0, ϕii − hµ, ϕiikα Ws,∞(Td) −→ k→+∞+∞. (1.89) De plus, Tkk→+∞  | log εk| |nk|  ,

où εk := kpk|t=0kL1, et où fk− µ est une perturbation d’un mode propre exponentiel de fréquence nk.

Dans le cas de l’équation de Vlasov-Benney (1.63), le résultat est le même en remplaçant la pression pk par ρk− 1, où ρk est la densité spatiale associée à la solution fk.

Ainsi, même si l’on contrôle à l’instant initial un grand nombre d’observables macroscopiques dans des espaces de Sobolev d’indices très élevés, il existe des solutions pour lesquelles une certaine observable (la pression dans le cas d’Euler cinétique et la densité dans le cas de Vlasov-Benney) croît suffisamment vite pour faire diverger la quantité (1.89). En particulier, il ne peut exister de théorie de Cauchy pour (1.47) ou pour (1.63) qui prend une donnée initiale pour laquelle on contrôle un grand nombre de dérivées d’un grand nombre d’observables et qui lui associe de façon hölderienne une solution, même pour un petit exposant de Hölder, même en temps court, et même si l’on ne demande à contrôler aucune dérivée de la solution.

Remarque 1.4.4. Dans le cas où µ est simplement une mesure, il n’est pas tout à fait clair a priori ce que signifie être instable au sens de Penrose puisque les formules (1.62) et (1.64) font intervenir le gradient de µ. En fait, en intégrant par partie ces formules, on obtient :

Z |n|2

(λ + in · v)2dµ(v) = (

0 pour Euler cinétique,

−1 pour Vlasov-Benney, (1.90)

qui ont un bien un sens dans notre situation. On verra d’ailleurs à l’Appendice 3.A du Chapitre 3 qu’en utilisant cette formule pour définir les profils instables, une mesure de Dirac est toujours stable, tandis que dans le cas d’Euler cinétique, la superposition d’un nombre fini supérieur ou égal à 2 de mesures de Dirac est toujours instable. Cette observation est cohérente avec la forme des profils stables et instables que l’on a rencontrés à la Figure 1.2.

Présentons les grandes lignes de la démonstration du Théorème 1.4.3 dans le cas de l’équation d’Euler cinétique. Le cas de l’équation de Vlasov-Benney se traite exactement de la même façon. On commence par adopter une formulation multiphasique, c’est à dire par faire l’observation suivante (déjà faite par exemple dans [53]). Soit (I, m) un espace de probabilité et soit (ρ, v) = (ρi, vi)i∈I une famille de solutions (disons classique) des équations47 :

               ∀i ∈ I, ∂tρi(t, x) + div(ρi(t, x)vi(t, x)) = 0, ∀i ∈ I, ∂tvi(t, x) + (vi(t, x) · ∇)vi(t, x) = −∇p(t, x), Z ρi(t, x) dm(i) ≡ 1, ∀i ∈ I, ρi|t=0= ρi0 et vi|t=0= v0i.

Il s’agit d’un système constitué d’une infinité d’équations de type « Euler » partageant le même champ de pression, et incompressible en moyenne.

On peut alors définir pour tout temps t et toute position x la mesure f (t, x, •) par :

f (t, x, •) := Z

ρi(t, x)δv=vi(t,x)dm(i), (1.91)

ou de façon équivalente pour tout fonction test ϕ par :

Z

ϕ(v)f (t, x, dv) = hf, ϕi(t, x) := Z

ϕ(vi(t, x))ρi(t, x) dm(i). (1.92)

Dans ce cas, f est une solution distributionnelle de l’équation d’Euler cinétique (1.47).

Or les solutions stationnaires et homogènes de l’équation d’Euler cinétique f (t, x, v) = µ(v) sont toujours de cette forme avec I = Rd, m = µ, et pour tout w ∈ Rd, ρw ≡ 1 et vw ≡ w, puisque cela revient à écrire l’identité triviale :

µ = Z

δv=wdµ(w).

Par ailleurs, (ρ, v) = (1, w)w∈Rd est toujours lisse, même quand µ n’est qu’une mesure.

En d’autres termes, à une solution stationnaire et homogène potentiellement très irrégulière µ de l’équation d’Euler cinétique, on peut associer une solution stationnaire et parfaitement régulière (ρ, v) := (1, w)w∈Rd du système :                ∀w ∈ Rd, ∂tρw(t, x) + div(ρw(t, x)vw(t, x)) = 0, ∀w ∈ Rd, ∂tvw(t, x) + (vw(t, x) · ∇)vw(t, x) = −∇p(t, x), Z ρw(t, x) dµ(w) ≡ 1, ∀w ∈ Rd, ρw|t=0= ρ0w et vw|t=0= v0w. (1.93)

On peut alors se demander s’il existe des solutions instables à ce système d’équations au voisinage de cette solution stationnaire. Cela revient à chercher les solutions instables de l’équation d’Euler cinétique au voisinage de µ qui sont elles aussi décomposables sous la forme (1.91) avec I = Rdet

47

On peut montrer que ces équations constituent les conditions d’optimalité pour le problème de transport optimal incompressible multiphasique MIOT.

v x v x v x

Figure 1.3 : À gauche, une solution stationnaire associée au profil µ, qui est une superposition de trois masses de Dirac. Au milieu, une autre densité dans l’espace des phases décomposable sous la forme (1.91) avec I = Rd et m = µ. Les vitesses dépendent de la position, et la densité sur chaque graphe peut ne plus être uniforme. À droite, la densité ne peut plus être décomposée sous la forme (1.91) avec I = Rd et m = µ, car les vitesses des deux « phases » inférieures ne forment plus des graphes.

m= µ (on donne une illustration de telles solutions à la Figure 1.3). On remarque alors qu’il existe des modes propres exponentiels de fréquence n ∈ Zd et de taux de croissance λ ∈ C avec <(λ) > 0 si et seulement si la condition de Penrose (1.90) est vérifiée. Cela signifie que même si a priori, on s’est restreint à étudier une sous-classe de l’ensemble des solutions (celles qui se décomposent sous la forme (1.91) avec (I, m) = (Rd, µ)), cette restriction ne nous a pas fait perdre de direction instable : le spectre du linéarisé du système multiphasique (1.93) au voisinage de (1, w)w∈Rd est le même que le spectre du linéarisé de l’équation d’Euler cinétique (1.47) au voisinage de µ48.

On peut alors suivre les grandes lignes de la preuve du Théorème 1.2.4 pour le système mul-tiphasique (1.93) à la place de l’équation d’Euler cinétique (1.47). La première étape consiste à obtenir une estimation optimale pour le semi-groupe de l’équation linéarisée, en régularité analy-tique (Théorème 3.4.6 du Chapitre 3). La deuxième étape consiste à construire des solutions au système non-linéaire (1.93) comme des perturbations des solutions du problème linéaire correspon-dant, toujours en régularité analytique. Pour ce faire, on écrit une formule de Duhamel pour le reste, et on obtient des solutions en incorporant à une preuve due à Caflish [30] du théorème de Cauchy-Kovalevskaia l’estimation de la première étape (Théorème 3.5.14). Le Théorème 1.4.3 est alors la conséquence d’estimations sur les solutions que l’on obtient en perturbant des modes propres exponentiels de fréquence et de taux de croissance de plus en plus grands.

Dans notre cas, deux nouvelles difficultés apparaissent. D’une part, on doit traiter en même temps une infinité d’équations. Il faut donc faire attention à ce que toutes les estimations obtenues soient uniformes en w. D’autre part, en passant aux variables multiphasiques, la propriété sur le premier moment que doit satisfaire une condition initiale pour l’équation (1.47), à savoir (1.50), n’est pas linéaire en nos nouvelles variables (ρ, v). Cela a pour conséquence que les modes propres exponentiels associés au système multiphasique (1.93) ne satisfont pas cette propriété. Pour trouver des solutions, on ne peut donc pas partir des conditions initiales des modes propres exponentiels. Il faut partir de conditions initiales légèrement perturbées, que l’on construit explicitement (c’est l’objet de la Sous-section 3.6.3 du Chapitre 3).