• Aucun résultat trouvé

Concourir à la constitution d'une expertise nationale

6.3 M OBILISER LES SAVOIR - FAIRE CORRESPONDANT AUX ENJEUX ET CREER UNE EXPERTISE NATIONALE

6.3.3 Concourir à la constitution d'une expertise nationale

Les programmes d'appui à la décentralisation de la coopération belge tout comme ceux des autres bailleurs de fonds comprennent des volets portant sur le transfert de capacités. Ces composantes s'avèrent particulièrement utiles, la majorité des processus de décentralisation étant récents et ni les élus, ni les personnels des collectivités, ne disposent encore de tous les savoir-faire pour assurer de manière optimale leurs missions.

Le secteur privé des pays partenaires ne comble pas à ce jour l'étendue des besoins nés avec les programmes d'appui à la décentralisation. Le recours à ces prestataires privés ne répond donc pas aux besoins, ni en terme

d'apports techniques, encore moins en terme de transfert de capacités, les technicités liées à la décentralisation étant des thématiques nécessitant non seulement l'administration ponctuelle de modules de formation théorique mais aussi un accompagnement in situ qui dépasse la simple interprétation des textes législatifs et réglementaires ou encore la maîtrise de la nomenclature budgétaire place, expertise qu'il s'agit de construire le plus souvent à partir du néant.

Certains pays ont organisé avec l'appui des bailleurs de fonds, des programmes nationaux de formation au bénéfice des élus et de leurs personnels.

Programme PADDEN (MAE, France)

Au Niger, l’aide française finance une action triennale dénommée ƎProgramme d’Accompagnement du Démarrage de la Décentralisation au Niger" (PADDEN) portant sur le renforcement des capacités et la formation des acteurs impliqués, aussi bien à l’échelle des communes que des services déconcentrés et des administrations centrales.

Trois composantes principales caractérisent cette action visant à appuyer le renforcement des communes nigériennes pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle de partenaire au développement à l’échelon local. Ces composantes portent sur :

1) Le renforcement des capacités des communes par :

- Des actions de formation sur le fonctionnement des collectivités locales et la maîtrise d’ouvrage communale au bénéfice des élus et de leurs personnels;

- Des actions de sensibilisation sur le fonctionnement des communes pour les conseillers et les représentants de la société civile.

2) Le renforcement des administrations centrales et déconcentrées moyennant :

- La constitution d’équipes itinérantes d’appui-conseil aux communes;

- La réalisation d’actions de soutien et de renforcement des capacités des administrations déconcentrées;

- La réalisation d’actions de formation sur les pratiques de la décentralisation pour les cadres de la tutelle;

- La réalisation d’actions de sensibilisation pour les cadres des services centraux et déconcentrés des Ministères Techniques.

3) Des actions de soutien en terme de :

- Réalisation d’études permettant de mieux cerner l’évolution de la décentralisation;

- Réalisation d’actions de communication et de sensibilisation au bénéfice du grand public.

Transfert de capacités et appui technique, un effort à assurer dans le moyen terme

L’appui technique, tout comme la formation des acteurs impliqués, doit s’inscrire dans la durée, le mandat des élus étant limité et pouvant induire le renouvellement de nombreux conseils municipaux à l’issue de chaque échéance électorale.

A ce titre, la formation et l’appui technique doivent se poursuivre jusqu’à ce qu’une masse critique de savoirs soit disponible au sein des collectivités, auprès des partis politiques, des organisations issues de la société civile et bien sûr des personnels municipaux. Une période de dix à quinze ans semble répondre à ce souci, plusieurs équipes municipales successives pouvant bénéficier de l’appui, quitte à en adapter la durée et le contenu en fonction des résultats ressortant du suivi de l’application de la réforme.

Dans un premier temps, le transfert de savoir-faire doit comporter des modules portant sur les connaissances de base à acquérir à l’échelle des collectivités -ce que l’on peut dénommer les thèmes ƎfondamentauxƎ- pour ensuite s’étendre par la formalisation de modules sur des domaines nouveaux suscités par les leçons de l’expérience et la pratique acquise par les acteurs engagés.

Au fur et à mesure que les services offerts à la population s’étendent, que l’exercice des compétences imparties aux collectivités s’étoffent pour couvrir tout le champ énoncé dans les textes votés par les parlements, des thématiques plus pointues seront alors identifiées et nécessiteront de recourir à des experts possédant de nouveaux savoir-faire.

Au démarrage, différents outils de base semblent devoir être mis à disposition des collectivités, formations portant donc sur ces fondamentaux :

- Le contenu des textes législatifs, le rôle des acteurs engagés, les relations entre ces acteurs (rapport entre l’Etat et collectivités, collectivités et acteurs de la société civile, CTD et prestataires de services, les CTD entre-elles);

- Le calibrage des services des collectivités au regard des activités à mener, l’organisation de ces services, la mise en oeuvre des organigrammes et le descriptif des tâches correspondantes aux postes retenus;

- L’élaboration des manuels de procédures en fonction des dispositions légales portant sur la gestion des fonds publics, les procédures d’engagement et de liquidation des dépenses;

- La tenue du secrétariat, l’archivage et l’état-civil;

- Les modalités de passation de marchés publics, la gestion des marchés et leur contrôle;

- La gestion des services publics locaux, les contrats de gestion déléguée des équipements marchands/sociaux ou encore le suivi des prestataires;

- La gestion des ressources humaines communales mais aussi les modalités de mobilisation et de gestion des personnels déconcentrés;

- Eventuellement la formalisation et la vulgarisation d’outils de planification en vue d’identifier les actions de la municipalité au regard des potentialités et des contraintes se présentant au sein du territoire, en fonction de la localisation des populations dans l’espace, des besoins exprimés par celles-ci et des ressources mobilisables par chaque catégorie d’acteur;

- L’aide à la mise en oeuvre de processus de concertation associant les lieux de peuplement appartenant aux entités décentralisées en vue de fédérer les initiatives aussi bien locales que communales, donner un contenu au vouloir vivre ensemble qui sous-tend la décentralisation;

- L’aide à la décision quant aux ressources financières, la détermination des assiettes de recouvrement correspondantes ainsi que les modalités de ce recouvrement;

- La formalisation de dossiers de financement à l’attention des dispositifs financiers mis en oeuvre par l’Etat mais aussi pour les prescripteurs de l’aide, y compris les éventuelles coopérations décentralisées intéressées par des partenariats avec les collectivités.

Ceci afin de doter les collectivités d’élus : (i) maîtrisant la législation et les rôles leur étant impartis, (ii) susceptibles de mobiliser une administration de gestion disposant des savoir-faire minimaux et (iii) possédant les aptitudes pour impulser à l’échelle locale une dynamique de développement associant les populations.

Au risque de donner un faux départ à la décentralisation, les outils adéquats, les personnels chargés non seulement de les dispenser mais aussi d’en prolonger l’utilisation, et les moyens matériels correspondant devraient être mis à la disposition des collectivités de manière uniforme sur le territoire national et le plus tôt après l’installation des organes des collectivités.

Ceci afin d’éviter les ƎflottementsƎ qui pourraient suivre l’élection des exécutifs, d’uniformiser l’accompagnement des collectivités et surtout de répondre aux demandes des électeurs qui sont en attente, non plus de promesses, mais d’actes concrets répondant aux problématiques locales.

D'autres ont consenti des efforts pour former des formateurs issus du secteur privé dans le cadre de la préparation des réformes décentralisatrices. L'expérience a montré que cette expertise n'avait pas assuré les formations prévues, préférant déléguer à du personnel temporaire les prestations à effectuer. Rappelons que nombre de ces bureaux et ONG sont jeunes, ne disposent de personnels permanents si ce n'est leurs fondateurs, ceux-ci recrutant des agents pour des durées déterminées en fonction des prestations qui leurs sont confiées.

Ce transfert de capacités n'est donc pas aisé à organiser et le recours prévu aux ONG et bureaux d'études nationaux ne donnent pas les résultats escomptés, ceux-ci ne possédant pas toujours les pré-requis leur permettant de transmettre un savoir dans les domaines des métiers municipaux ou encore la maîtrise des législations et réglementations portant sur les collectivités.

D'autre part, les efforts en matière de transfert de savoir-faire, sous forme de formation et d'appui-conseil, se doivent d'être reconduit périodiquement, les élus par essence ayant vocation à changer à l'issue de chaque processus électoral. Dans une moindre mesure, une situation similaire existe au niveau des personnels des collectivités, qu'ils soient mutés ou démis lors du renouvellement des conseils municipaux ou démissionnent pour obtenir une nouvelle situation.

Il s'agit alors de réfléchir sur les modalités d'obtention d'une réelle expertise en matière de décentralisation, expertise pouvant répondre aux besoins de plus en plus pointus qui émergeront au fur et à mesure que les processus décentralisateurs seront confortés, qu'un réel transfert de compétences, et subséquemment de moyens, viendront conforter ces réformes.

Des programmes d'appui aux collectivités, aussi pertinents soient-ils ne peuvent répondre que ponctuellement à ce souci. Il s'agit alors d'envisager les modalités pour pérenniser une capacité de réponse aux besoins des collectivités, expertise pouvant prolonger l'action au terme de sa période d'exécution.

Plusieurs axes de solutions sont envisageables :

x Au démarrage des réformes décentralisatrices, mobiliser également des professionnels des CTD afin de profiter de leur expérience lors de la formalisation des outils et la formation des formateurs.

x Egalement lors de la formalisation des programmes de développement, intégrer des résultats et des activités portant sur l'adaptation des cursus académiques des écoles et universités des pays partenaires (Ecoles d'Administration, Facultés des Sciences Politiques et de Droit,…) aux exigences suscitées par la création des collectivités.

x Appuyer les pays partenaires lors de la création de centres de formation de type "Centre de Formation de l'Administration Municipale" (CEFAM) au Cameroun, institution chargée de la formation, du perfectionnement et du recyclage des personnels administratifs et techniques issus des communes, des

syndicats de communes et

des établissements communaux, mais aussi des personnels chargés de la tutelle des communes et des agents chargés de l'état civil.

x Appuyer les Associations de Municipalités dans l'identification et la formalisation d'une capacité de réponse aux besoins de savoir-faire de leurs adhérents.

Ici encore l'expérience existante en Belgique pourrait être valorisée que ce soit par la mobilisation des Unions pour appuyer les Associations de Municipalités en terme de structuration mais aussi pour recenser les besoins en terme de transfert de savoir-faire et offrir par la suite les réponses adaptées.

De même, l'identification de professionnels issus des collectivités belges pourrait se faire pour participer à la conception voire à l'administration des modules de cours. Une dernière option existe également, l'instauration de collaborations avec les universités et les structures de formation existantes dans les provinces belges (cf partie II).

Le Centre de Formation de l'Administration Municipale (Cameroun) Créé depuis 1977, le CEFAM comprend deux cycles de formation à l'attention des agents municipaux : le premier porte sur le perfectionnement et le recyclage des personnels administratifs et techniques des collectivités décentralisées alors que le second est ouvert aux titulaires du BEPC âgés de 25 ans au plus et aux titulaires du CEPE âgés de 30 ans et réunissant cinq ans d'expérience professionnelle.

Les enseignements dispensés par le CEFAM abordent (i) les techniques de gestion administrative et financière : économie, finances communales, rédaction administrative, état civil, marchés publics, droit du travail, organisation communale, technique de management, secrétariat, (ii) les techniques d'aménagement de l'espace : aménagement urbain, régime domanial, environnement, développement communautaire et (iii) les connaissances d'appoint : droit public, communication sociale, langues, sociologie, histoire, géographie.