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Conclusions sur ces études post-sismiques

L'étude de bruit de fond réalisée à Caracas a contribué à montrer que cette technique permet de caractériser facilement les fréquences de résonance des sols. En effet, dans le bassin de Palos Grandes, les fréquences mises en évidence correspondent à celles issues des modélisations numériques de propagation d'ondes. Ces fréquences ont ensuite été mises en relation avec la hauteur et le premier mode de résonance des immeubles les plus endommagés soit 0.6 Hz au centre du bassin. La valeur maximale du rapport H/V entre 0.5 et 15Hz a été ensuite étudiée. Les rapports H/V sont relativement faibles sur le rocher entourant le bassin sédimentaire. Par contre, les zones montrant les pics les plus élevés (supérieur à 5 dans l'étude) correspondent à des zones de grande épaisseur du bassin où se sont effondrés 4 bâtiments élevés. Plusieurs points montrent des pics encore plus élevés sur une zone qui n'était pas bâtie à l'époque du séisme (autour de l'aéroport de Caracas). Sur la base de cette étude, il est tentant de suggérer un lien entre niveau relatif de dégâts (à vulnérabilité équivalente) et niveau relatif des rapports « H/V », ce lien étant d’autant plus solide que la fréquence naturelle du sol est proche de la fréquence fondamentale des bâtiments, toutes deux accessibles par mesure de bruit de fond. Mais, d’une part cette suggestion

n’est basée que sur une seule étude de cas, d’autre part il semble très difficile de trouver une explication physique à une correspondance éventuelle entre ce maximum des courbes et un niveau "relatif" d'amplification spectral du signal sismique qui reste encore à vérifier ailleurs. Pour statuer sur l'interprétation de ces niveaux relatifs des pics "H/V", il faudra sans doute avancer dans deux directions: D'une part réaliser d'autres campagnes post-sismiques en ayant mesuré au préalable les fréquences de résonance des bâtiments. D'autre part, il faudra progresser dans la compréhension physique de la propagation du bruit de fond sismique.

L'étude réalisée suite au séisme du 25 février 2001 à Nice s'est nourri de ces premières interrogations. Là aussi, les fréquences de résonance issus du bruit de fond ont été confrontées aux "effets" du séisme. Toutefois le niveau de vibration était d'un ordre de grandeur très largement inférieur, les dommages à peine perceptibles et la collecte de l'information entachée de subjectivité, ce qui a conduit à travailler uniquement sur la notion de "perception des effets". Ce travail réalisé pour le

compte du MEDD [EE28] a en effet permis de construire une échelle de perception des effets de la secousse par chaque observateur et de concevoir des outils méthodologiques pouvant être repris lors d’études post-sismiques. La mise en relation entre les limites du microzonage, la profondeur du remplissage sédimentaire, l'étage d'observation, l'époque de construction du bâtiment et les valeurs moyennes de perception indiquent des corrélations faibles mais notables: Bien que les données de départ imposent des limites sévères à l’interprétation (faible niveau de la secousse et répartition irrégulière des réponses) l’analyse confirme toutefois une perception des effets plus importante dans les zones alluviales que sur le substratum rocheux. Sur le plan méthodologique, l’échelle de

perception individuelle et l’analyse par « zone carrée » semblent particulièrement adaptées à l’approche des effets de site en site urbain. Cette étude a été l'occasion d'une réflexion avec les organismes concernés par les futures enquêtes macro-sismiques qui devraient bénéficier d'aménagements, afin de pouvoir tirer de ces actions l'information la plus riche possible en matière de prévention.

Enfin la mission post-sismique réalisée en Guadeloupe après le séisme du 21 novembre 2004 a été l'occasion pour le CETE de favoriser des synergies entre les techniciens de l'aléa et ceux de la vulnérabilité en appliquant diverses méthodes d'analyse, y compris des enregistrements sismiques. L'approche pluridisciplinaire mise en œuvre montre que certains les principaux dommages avaient sans doute été accentués lors du séisme par des effets de site dus à des remplissages de cendres volcaniques et par l'adéquation entre la réponse des sols et celles des bâtiments. L'observation de la gestion de crise a également mis en évidence la nécessité de préparer à l'avance l'inspection post-sismique des bâtiments dans l'urgence.

Ces trois exemples d'analyse post-sismique forment une contribution aux travaux qui se multiplient dans le monde suite à chaque séisme et qui démontrent l'importance des effets de site. Le chapitre précédent illustrait la capacité de la méthode "H/V" a déterminer les fréquences de résonance des sols. Ce type d'études post-sismique illustre le lien possible entre "fréquences de résonance des sols" et "fréquence de résonance" des bâtiments, source probable d’aggravation du sinistre mais qui semble pour être détecté par simples mesures de bruit de fond avant toute catastrophe. Selon les travaux conduits par F. Dunand (thèse F. Dunan, UJF, 2004) il serait même possible de détecter des modifications structurales importantes sur la base des même mesures de bruit de fond en analysant les variations de modes propres sur certains structures (en béton armé) avant et après le séisme. Ces avancées scientifiques pourraient bien trouver rapidement une traduction concrète en terme de prévention d'une part (cartographie des fréquences des sols et des structures) et de gestion de crise d'autre part (analyse de l’état de dégradation structural d’un bâtiment dans l’immédiat après séisme pour statuer sur l’évacuation des locaux).

5 Scénarios de risque sismique

5.1 Introduction

Après avoir décrit dans les chapitres précédents les méthodes de caractérisation des effets de site, puis leur incidence éventuelle sur le niveau de dommages relatif, le présent chapitre a pour ambition d'illustrer mes contributions dans le domaine des scénarios sismiques qui découlent de la combinaison entre aléa et vulnérabilité.

Jusqu'à récemment si quelques organismes mettaient en œuvre des simulations sur des installations spécifiques, aucune méthode n’était disponible en France pour décrire les effets d’un séisme sur un territoire dans sa globalité. Comme pour d'autres risques naturels, prévoir les conséquences d’un événement sismique majeur fait aujourd'hui partie des outils de prévention et d’aménagement du territoire. De nombreux documents d'urbanisme et de gestion de crise sont susceptibles d'être enrichis par ces procédés: Plans de Prévention des Risques Sismiques, des Plans Communaux de Sauvegarde, plan ORSEC…

Il est important de noter que le terme scénario peut recouvrir des notions et des produits très divers selon l’objectif à atteindre et le cadre de la commande. En France on distingue aujourd'hui les scénarios de "risque" qui débouchent sur une vision plus ou moins précise des dégâts aux structures, des scénarios de "crise" qui incluent d'autres dimensions de la crise tout aussi importantes (sociale, psychologique, économique) et qui peuvent être établis à différents moments de la crise pour simuler son évolution.

Les scénarios de "risque" évoqués dans ce chapitre ne concernent "que" les conséquences « physiques» sur le territoire (les dommages et éventuellement les pertes humaines ou le coût). Pour autant ces conséquences, évaluées par des outils liés aux sciences de la terre (pour l'aléa) et de l'ingénieur (pour la vulnérabilité), sont le résultat d’un enchaînement de facteurs dont l'identification et la qualification dépendent largement des moyens mis en œuvre et donc de l'échelle d'étude. Dans le cas des approches sommaires présentées ici, il est bien évident que les produits finaux ne reflètent qu'une tendance générale des effets prévisibles, ce qui constitue le premier défi à relever. En effet, une petite portion du territoire peut s'avérer source de graves problèmes: effondrement d'un bâtiment ou blocage d'un itinéraire routier par exemple. L'autre grand défi à relever pour mettre au point ces concepts de scénarios consiste à lier l'évaluation de l'aléa à celle de la réponse dynamique des structures. Ainsi, comme on le verra dans les 3 exemples qui illustrent ce chapitre, la conception de scénarios implique de mettre au point des relations entre l'évaluation de l'aléa et celle de la réponse des structures (leur vulnérabilité).

Le premier exemple de mes travaux dans le domaine des scénarios (chapitre 5-2) est à placer dans le cadre des efforts européens pour mieux prévoir les dommages subis par le bâti urbain. Des bases de données européennes (% de dommage en fonction de l'intensité par type de bâtiment) sont en cours de montage sur la base des expériences grecques et italiennes. Le projet européen RiskUE (2001-2004) a largement contribué à étendre cette thématique dans plusieurs laboratoires européens (dont le BRGM et Geoter en France). Dans la lignée de ces travaux, le projet GEM-GEP (1998-2005) développé à Nice par le LCPC et le CETE Méditerranée, visait à développer des méthodes de scénarios de risque sismique dans l'objectif d'identifier les zones les plus fragiles des systèmes urbains. Le chapitre 5-2 extrait du rapport final GEM-GEP [EE1], illustre l'une des tentatives méthodologiques auxquelles j'ai participé pour lier au mieux aléa et vulnérabilité à grande échelle. La proposition évoquée ici vise à mettre en correspondance la fréquence des sols et celle des bâtiments pour évaluer les dégâts par quartier.

J'ai ensuite participé à la conception de l'outil SISROUTE dont les principes sont présentés dans le chapitre 5-3. Ce concept global de scénario le long d'itinéraires routiers a été commandé par le SETRA (et la DGR) dès 2005 dans un soucis de prévention, pour cibler les zones les plus sensibles d'un itinéraire. Le résultat des scénarios établis constitue l'un des critères de sélection des tronçons de route méritant des diagnostics sismiques approfondis avant confortement éventuels. La conception de SISROUTE est très largement conditionnée par le fait que les utilisateurs finaux (tout les services des routes non spécialisés) doivent pouvoir l'adapter sur leurs itinéraires. Ceci implique simplicité et économie de moyens dans la reconnaissance propre à chaque itinéraire avec des protocoles clairs et adaptés à toutes les configurations. Les solutions présentées ici tentent de répondre à ces critères en essayant de prendre en compte le niveau de vibration, mais aussi les aléas induits par la secousse (la

liquéfaction, glissements, chutes de blocs). Tous les éléments constitutifs d’une route ont été pris en compte avec leur vulnérabilité lié à chacun des aléas : tronçon « libre » mais aussi ouvrages d’art, mur de soutènement.

Enfin le chapitre 5-4 présente l'étape suivante de la conception de scénario de risque à l'échelle d'un territoire. Ces travaux réalisé au cours du projet européen FORESIGHT s'inspirent largement de ceux réalisés durant GEM-GEP pour le bâti et SISROUTE pour les routes en combinant les protocoles d'appréciation, des aléas et des vulnérabilités propres à chaque élément. La principale proposition innovante faite ici est lié à l'introduction de facteurs de sécurité sur les risques d’évènements induits qui voisinent avec des taux de dommages par secteur de bâti.