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Conclusion sur les scénarios

Jusqu’à très récemment, les sismologues et mécaniciens des sols travaillaient sur l’aléa sismique d’un côté, les ingénieurs sur la dynamique des structures de l’autre. La connexion entre ces deux univers, déjà réalisée dans de nombreux pays sismiques, est en train de s’établir en France où les approches et les codes de chaque métier sont peut être plus différenciés qu’ailleurs. Les travaux évoqués dans ce chapitre illustrent cette volonté de rapprochement tout en pointant les difficultés techniques à surmonter par les différentes communautés. En effet, la conception de scénario de risque

sismique implique un dialogue entre experts qui doivent s'accorder sur les objectifs et la contribution de chacun. Si le "fil rouge" généralement choisi est le niveau de vibration du sol, son impact au niveau du sol et des structures implique une vision transversale qui recoupe les différents domaines techniques.

Dans les scénarios sommaires présentés ici la combinaison entre le PGA et l'indice de vulnérabilité des bâtiments détermine le niveau de dommage d'une part. Le même paramètre (PGA) est comparé d'autre part à des valeurs seuils susceptibles de déclencher des phénomènes induits. Si ce paramètre a été choisi, c'est qu'il est le plus accessible aujourd'hui en sismologie et en calcul de structure. Mais il est sans doute possible de baser un scénario sismique sur d'autres paramètres que le PGA, pour réduire la variabilité des résultats (comme la phase d'Airy par exemple).

L'indice de vulnérabilité est également par nature porteur de grande approximation puisqu'il implique d'affecter à chaque bâtiment un type de comportement et une courbe de dommage. Or ces courbes de dommages délivrent un niveau de dommage selon l'intensité macrosismique (ce qui implique de traduire l'accélération en intensité …). De plus ces courbes ont été construites de manière empirique sur la base d'observation post-sismique en Italie, en Grèce et en Macédoine principalement. Si un recensement du bâti et un classement par type de comportement sismique a bien été réalisé dans ces pays, la France n'en est qu'au début du processus d'analyse de son parc immobilier et manque (heureusement) de retour d'expérience. Des efforts devront être réalisés pour disposer à terme de courbes de dommages en accélération d'une part et par régions françaises d'autre part.

La première source d'erreur ou de variabilité des résultats est donc lié aux choix des paramètres d'entrée (PGA et Indice de vulnérabilité). Une approche plus précise a déjà été testée notamment dans le projet européen RiskUE. Elle consiste à croiser la demande sismique (représentée par un spectre de réponse inélastique) avec le point de performance de la structure (calculée par la méthode push-over). Cette approche devrait permettre de calculer des courbes de dommages pour différents types de bâtiments et notamment pour ceux construits en maçonnerie à la fois répandus et au comportement sismique peu modélisé.

La seconde source d'imprécision découle de l'échelle d'étude et des moyens utilisés pour évaluer le PGA et l'indice de vulnérabilité:

o Les lois de propagation du PGA ont été établies dans des contextes sismo-tectoniques différents. De plus elles ne prennent en compte que certains paramètres du séisme. Les enregistrements réels montrent souvent des écarts de 50 % avec ces lois.

o Dans SISROUTE et FORESIGHT, ce PGA est "modulé" sur la base de données extrêmement sommaires par affectation d'un coefficient d'amplification selon l'âge géologique des terrains. De même, la caractérisation des potentiels de liquéfaction et de chute de blocs est simplifiée à l'extrême et doit être affinée.

o Enfin, l'affectation d'un indice de vulnérabilité est réalisée sur la base d'éléments très sommaires ce qui entraîne une incertitude élevée.

Les expériences auxquelles j'ai pu contribuer ces dernières années montrent bien la difficulté d'utiliser des données très sommaires pour évaluer un risque de dommage. La route semble évidemment encore longue pour affiner ces approches sommaires: Comment, avec des moyens de reconnaissance "frustres", prévoir des phénomènes qui sont encore souvent l'objet de recherches extrêmement pointues et discutées par des équipes spécialisées disposant d'importants moyens d'études ?

Les solutions envisagées ici sont économiques et exigent de simplifier souvent à l'extrême ces phénomènes dont la complexité reste largement inexplorée. Puisque les sources d’incertitudes sont nombreuses, variées et se combinent jusqu'au résultat final, la prochaine étape consistera sans doute à quantifier au mieux ces incertitudes, ce qui dissipera le malaise ressenti par les scientifiques quand à l'interprétation des produits de leur recherche.

Pour rendre plus crédibles ces scénarios, des spécialistes des différents aléas mais aussi des ingénieurs de structures devront se mobiliser. Dans ce cadre les observations post-sismiques sont primordiales de même que les simulations combinées des phénomènes avec des études paramétriques numériques.

Les projets évoqués ici illustrent donc le balbutiement de concepts transversaux et de techniques individuelles qui évolueront, espérons-le, assez vite.

6 Bilan et perspectives

Cette synthèse de mes activités permet de porter un regard sur mon travail selon au moins trois angles de vue.



Le premier angle de vue est scientifique. Il consiste à relever mes contributions à l'amélioration de la détermination du risque sismique sur le plan des méthodes d'une part et de la connaissance

du risque sur certains territoires d'autre part.



Le deuxième angle est lié à l'animation de la recherche: les problématiques liés au risque

sismique sont complexes et font appel à des compétences très variées. Pour avancer dans ces domaines, il faut mettre en place des projets avec d'autres scientifiques disposant de compétences complémentaires.



Enfin l'équipe que je dirige depuis 2001 occupe une place tout à fait spéciale dans le dispositif de recherche français. Cette place favorise la valorisation des résultats de la recherche par la diffusion

à travers le réseau scientifique et technique de l'équipement et la confrontation directe avec les problématiques des maîtres d'œuvre publics ou privés.

Les paragraphes qui suivent évoquent le bilan et les perspectives de mon travail selon ces trois angles de vue.