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Consciente du besoin de proposer des alternatives à la réhabilitation durable des friches industrielles polluées en ETM, une étude sur la capacité d’adaptation de M. x giganteus aux sols pollués tout en favorisant le processus de bioremédiation et la protection de l’environnement, a été réalisée. Des sols de la région lorraine fortement touchés par des pollutions multimétalliques ont servi de scénario pour la mise en place des expériences où les trois composantes principales et indissociables du système ont été abordées : (i) la plante, avec l’analyse du développement physiologique de M. x giganteus et sa participation dans le devenir des pollutions métalliques, (ii) le sol, dont les caractéristiques physico-chimiques et toxicologiques ont été déterminées afin d’évaluer toute modification provoquée par la présence du végétal, et (iii) les communautés bactériennes des sols, et plus particulièrement celles associées à la rhizosphère de M. x giganteus susceptibles d’entreprendre des mécanismes de phytoremédiation des ETM. Ce travail est réalisé en considérant la complexité du système en utilisant plusieurs scénarii : in vitro (conditions multifactorielles artificielles), mésocosme en laboratoire (conditions pseudocontrôlées) et milieu naturel (variations environnementales naturelles).

Les résultats ont montré que M. x giganteus est capable de se développer sur des sols de friche ayant des conditions agronomiques non optimales pour la croissance des plantes (alcalins, faibles en nutriments…), présentant des pollutions multimétalliques ou mixtes en ETM et HAP et présentant une toxicité sub-létale, mesurée sur ver de terre, ceci malgré la faible biodisponibilité et mobilité de polluants inorganiques dans les sols.

L’activité végétale peut être à l’origine d’une association de la plante avec les bactéries du sol tolérantes aux ETM au détriment des autres bactéries présentes, avec notamment le développement de nouvelles communautés bactériennes dont la diversité est spécifique à chaque sol. Toutefois, la majorité des phylotypes favorisés par la présence de la plante et ayant potentiellement une forte résistance au Zn, semble être communes aux deux sols utilisés (E et Mix). Les mécanismes de détoxication seraient soit utiles pour la tolérance à d’autres ETM, comme le Cr, soit stimulateur

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d’autres mécanismes de résistance. Seule l’indentification par séquençage des membres des communautés observées permettra d’estimer avec précision la diversité bactérienne, considérant que l’hétérogénéité des copies de l’ADNr 16S peut entraîner une surestimation des espèces bactériennes (Roudière et al. 2007), mais aussi parce que l’intensité de certains bandes peut être associée à la présence de plusieurs espèces ayant des séquences d’ADNr similaire (Kozdrój et van Elsas 2000). L’analyse de l’expression des gènes de résistance aux ETM aiderait à mieux élucider les mécanismes utilisés par les bactéries associées, ainsi qu’à confirmer la participation de ces nouvelles communautés microbiennes à la phytostabilisation des pollutions dans le sol (Ianeva 2009). Il serait aussi intéressant de déterminer l’aptitude de ces bactéries à promouvoir la croissance des plantes permettant par la suite le succès de l’installation de la culture, leur faculté à dégrader des polluants organiques comme les HAP ainsi que leur impact sur les cycles biogéochimiques des éléments et le fonctionnement des sols. Une compréhension écologique de la façon dont interagissent les contaminants, les fonctions des écosystèmes et les communautés biologiques à long terme est nécessaire pour une bonne gestion de ces écosystèmes fragilisés par la présence des métaux (Epelde et al. 2010).

Considérant que les ectomicorrhizes participent souvent à la détoxication des ETM chez les végétaux (Hall 2002), il serait aussi intéressant d’étudier si des telles relations se sont établies lors de la culture sur les sols de friche pollués. Les microorganismes originaires de ce type de sols, capables de s’adapter et de s’associer à la plante, pourraient être étudiés dans l’intérêt d’assister et/ou optimiser les processus de phytoremédiation au travers des méthodes de bioaugmentation (Lebeau et al. 2008).

Il est aussi possible que les rhizodépôts produits par la plante soient adaptés suivant les conditions du sol utilisé pour sa culture (notamment le type de pollution) entrainant le développement d’une communauté bactérienne particulière. Des analyses de composition des exsudats racinaires extraits de plantes ayant été soumises au stress métallique pourrait donc être envisagées (Bais et al. 2006; Figueroa et al. 2008). Leur utilisation lors des études concernant les relations microbiennes associées à la rhizosphère permettrait de mieux rendre compte des relations « plante / microorganisme » des sols.

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Enfin, la biomasse produite et sa répartition sur les différentes parties végétales semblent être équivalentes indépendamment du type de sol. Ceci s’accompagne d’une propagation active de la plante et d’une rhizosphère apparemment importante. Cependant, la réduction de la hauteur pour les végétaux exposés à des pollutions mixtes (observée en mésocosme et confirmé sur le terrain) laisse supposer des dissemblances possibles pour le rendement de la culture de façon locale sur le terrain. Finalement, l’addition d’une couche superficielle de sol non pollué peut profiter à l’installation de la culture pour ainsi améliorer sa performance lors du contact avec les sols de friche pollués. Quant à la capacité phytoremédiatrice, la plante n’a pas présenté de signes précoces de toxicité associés à la présence des ETM lors de son exposition aux sols de friche pollués. Ainsi, cette graminée est non seulement capable de tolérer la présence des ETM (soit le Pb > Zn > Cu > Cd) mais elle a l’aptitude de les accumuler et de les phytostabiliser principalement au niveau des racines. Par contre, si un faible transfert des éléments vers les parties aériennes a été observé, notamment pour le Zn, il serait probablement dû la diffusion passive des polluants. Par conséquent, la culture de M. x giganteus aurait un double bénéfice pour la réhabilitation des sols de friche pollués en ETM : la phytostabilisation des pollutions métalliques et la production d’une biomasse aérienne utilisable, la translocation limitée des ETM diminuant les risques de remobilisation des polluants lors de sa valorisation. Toutefois, il conviendra toujours de vérifier l’innocuité des parties revalorisées (Lievens et al. 2008; Stals et al. 2010; Sas-Nowosielska 2011) ainsi que leur qualité, notamment en cas de combustion. De même, d’autres types de sols (notamment à pH acide) devraient faire l’objet d’étude pour déterminer la versatilité de la plante pour la phytoremédiation des sols. Finalement, si les feuilles (généralement laissées au sol) peuvent participer à la réduction de l’érosion du sol et limiter le transport de particules polluées dans l’air, il est nécessaire de surveiller les risques sur la sécurité sanitaire spécialement lors des périodes de récolte mécanique (e.g. envol de poussières).

D’autre part, la plante n’altère pas les caractéristiques du sol qui pourraient participer fortement à la mobilité des ETM (pH, CEC). Toutefois, les variations des caractéristiques liées à la fertilité du sol, de la toxicité et de l’accumulation des ETM par d’autres organismes, bien que elle ne provoque pas de modifications de la partition des ETM

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dans les sols, attestent de l’interaction de la plante avec le milieu de culture qui rendrait les éléments potentiellement plus disponibles (particulièrement le Cu < Cr < Zn). Des études à court et long terme permettront de vérifier si cette disponibilité est déterminée par les besoins physiologiques de la plante (détoxication facilitant son implantation sur les sols pollués) entrainant la restauration des caractéristiques agronomiques des sols. Le renouvellement racinaire et du rhizome pourrait aussi entrainer une remobilisation des ETM. Par ailleurs, une caractérisation plus complète de la spéciation des ETM serait utile pour déterminer avec plus de certitude l’impact des éléments sensu stricto (e.g. le Cr) ou leur affinité avec les différentes fractions du sol (e.g. carbonates, oxydes, matière organique…) (Bruemmer et al. 1986; Bravin et al. 2010). L’analyse en profondeur de la colonne du sol impacté par la présence de la plante, ou de la chaine alimentaire associé à sa culture, permettrait aussi d’éliminer des risques possibles de mobilisation des polluants métalliques vers d’autres compartiments de l’environnement.

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