• Aucun résultat trouvé

3 Etude spatio-temporelle de la transition de spin induite par la température

3.4 Conclusions et perspectives

Le travail exposé dans ce chapitre a consisté en une étude de la dynamique spatio-temporelle de la transition de spin par imagerie optique et par spectroscopie Raman dans des monocristaux des composés [Fe(bapbpy)(NCS)2] et [Fe(meta’-Me2-(bapbpy))(NCS)2]. Les courbes de transitions de spin traitées dans la littérature sont souvent moyennées sur tout l’échantillon (voir sur plusieurs échantillons) et donc interprétées sans tenir compte des aspects spatiaux de la transition de spin. L’analyse de la dynamique de la transition de spin dans ces deux composés montre les atouts de la microscopie optique en tant que technique "non invasive", relativement facile à mettre en œuvre et permettant une imagerie directe des transitions avec des résolutions spatiales et temporelles relativement bonnes. Des analyses localisées, mais aussi moyennées de la transition de spin dans un monocristal peuvent ainsi être réalisées de façon quantitative. Le faible vieillissement des monocristaux de nos échantillons face aux nombreux cycles thermiques a même rendu possible l’étude détaillée de la dynamique spatio-temporelle de la transition de spin sur un

142

même monocristal. Grâce à l’examen d’un grand nombre de cristaux à transition de spin, différents aspects spatio-temporels ont été mis en évidence.

Nous avons clairement mis en évidence dans le composé [Fe(bapbpy)(NCS)2] un mécanisme de nucléation et croissance des domaines de spin pour la transition entre la phase haut spin et la phase intermédiaire. Des résultats montrant la stabilisation de la structure des domaines (pendant une durée supérieure à 3 h) ont été pour la première fois, rapportés dans un monocristal à transition de spin. La transition de spin dans le composé 1 manifeste, dans la plupart des cristaux, une propagation en sens opposés de la transition lors du refroidissement et du chauffage. L’existence d’un gradient thermique ou de molécules résiduelles non transitées pourraient être l’origine de ce phénomène. La nucléation des nouveaux états de spin est favorisée par les interfaces (bords ou angles des cristaux, fissures, etc.). Ces interfaces réduisent localement la barrière énergétique de la nucléation et définissent par conséquent le nombre de domaines de spin nucléés et leurs formes. La direction de propagation des nouvelles phases de spin est anisotrope et suit dans de nombreux cas le long axe des cristaux, coïncidant souvent (mais pas toujours) avec l’axe cristallographique c. L’étude de la dynamique de la paroi des phases HS et PI nous a permis de mesurer une vitesse de propagation de l’ordre de quelques micromètres par seconde. Nous suggérons que le déplacement de la paroi des domaines au sein du cristal est lié à l’accumulation et la relaxation alternées des contraintes élastiques locales, induites par la transition de spin elle-même. Cet hypothèse a été conforté par une étude effectuée en lumière polarisée qui nous a permis d’imager l’évolution spatiale et temporelle de ces contraintes élastiques.

Dans les mêmes conditions expérimentales, la forme des cycles d’hystérésis et les températures de transition varient considérablement d’un cristal à l’autre. En effet, la qualité cristalline joue un rôle essentiel dans la dynamique spatio- temporelle. Des cristaux présentant très peu de défauts manifestent une transition de spin extrêmement abrupte (0,1 K) et la transition semble se développer via la formation d’un mono-domaine. Quand la qualité cristalline diminue, on observe des multi-sites de nucléations et une diminution de la barrière d’énergie de la nucléation. La transition de spin de ces cristaux est souvent moins abrupte et la propagation de la nouvelle phase est souvent

143

retardée ou bloquée par les défauts présents dans le cristal. Nous rapportons aussi que la branche ascendante de l’hystérésis est souvent plus abrupte que la branche descendante. Cette observation pourrait être reliée à la mobilité des parois qui est thermiquement activée.

Pour la seconde hystérésis à basse température dans ce composé (transition entre la phase intermédiaire et la phase bas spin), une structure singulière en multi-domaines, de 10 à 15 µm de largeurs, a pu être mis en évidence grâce à l’imagerie Raman. Cette structure a été clairement corrélée avec la formation des macles dans la phase bas spin – détectées par microscopie optique en champ sombre.

D’autre part, les micrographies optiques de la transition de spin du composé faiblement coopératif [Fe(meta’-Me2-(bapbpy))(NCS)2] montrent une transformation homogène dans ces monocristaux. Aucune séparation de phase entre l’état HS et l’état BS n’a pu être détectée. Chaque molécule du composé semble commuter d’un état de spin à un autre en induisant systématiquement des distorsions locales (changement du volume de la sphère de coordination), mais sans influencer considérablement l’état de spin des molécules voisines. Ce résultat confirme le rôle très subtil de l’arrangement cristallographique des molécules à transition de spin dans le développement des interactions élastiques.

Pour conclure ce chapitre et à titre de perspectives, la mise en évidence optique et spectroscopique des domaines de spin stabilisés par les contraintes lors de la transition de spin, révèle la possibilité de réaliser une étude optique des cycles mineurs suivant le modèle de Preisach et aussi par la méthode FORC dans le cycle d’hystérésis d’un seul monocristal du composé 1. Ces études pourront nous indiquer la nature des interactions entre les domaines et leurs tailles. Des monocristaux de taille millimétrique avec des surfaces bien polis pourraient faire l’objet d’une telle investigation. D’autre part, les études spatio-temporelles de la transition de spin ont clairement mis en évidence un rôle prépondérant des inhomogénéités structurales intrinsèques dans le phénomène de la nucléation des domaines ainsi que dans la dynamique de la propagation de leurs parois. Pour plusieurs cycles thermiques, les sites de nucléation et le sens de

144

propagation des nouvelles phases sont très reproductibles : le développement spatio-temporelle de la transition de spin est « programmé » préalablement dans chaque cristal. Cette observation ouvre une possibilité de contrôler la nucléation à travers l’injection des défauts artificiels réduisant localement l’énergie de nucléation de la nouvelle phase. Ainsi le chapitre suivant est consacré à cette idée, c'est-à-dire, à l’étude de l’effet d’une micro-ablation (localement induite par une impulsion laser de haute énergie) sur la dynamique spatio-temporelle de la TS dans des monocristaux du composé 1.

145

4 Effet des défauts microstructuraux sur la nucléation et