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Les maladies infectieuses qu’elles soient d’origine bactérienne, virale, parasitaire ou fongique posent un véritable problème de santé publique dans le monde. La mélioïdose (chez l’homme) et la morve (chez l’animal) sont deux exemples d’infections bactériennes qui illustrent bien les difficultés auxquelles il faut faire face. L’absence de traitements fiables et de moyens diagnostiques efficaces et la résistance accrue aux antibiotiques font que B. pseudomallei et B. mallei, agents causaux de la mélioïdose et la morve respectivement, sont considérés comme agents potentiels du bioterrorisme et des guerres biologiques. Par conséquent, il est urgent de développer des vaccins contre ces infections à Burkholderia pour protéger d’une part la population vivant dans les régions endémiques, et d’autre part le personnel militaire oeuvrant en zones touchées.

Ces dernières décennies, d’importantes recherches dans le domaine de l’antibiothérapie et de la vaccinologie ont révélé que la paroi cellulaire de B. pseudomallei et B. mallei est recouvert d’un dense réseau de polysaccharides membranaires. Sur ces bactéries à Gram négatif, il a été retrouvé les CPS, les LPS et les EPS qui assurent un bon nombre de fonctions biologiques impliquées dans les interactions entre l’agent pathogène et son hôte. Des études ont pu montrer que ces polysaccharides de surface sont des facteurs majeurs de virulence des bactéries pouvant induire la production d’anticorps protecteurs chez l’homme et chez l’animal. Ces antigènes saccharidiques représentent alors des cibles potentielles pour la mise en place des vaccins sous-unitaires efficaces pouvant servir à immuniser contre ces deux maladies.

B. pseudomallei et B. mallei expriment le même CPS et le même LPS–AgO. L’objectif de ce projet portait donc sur le développement d’un vaccin glycoconjugué semi- synthétique contre la mélioïdose et la morve. Dans un premier temps, quatre composés cibles ont été choisis. Le monosaccharide 60 et le disaccharide 62 miment respectivement une et deux unités répétitives du CPS naturel de B. pseudomallei et B. mallei de structure [→3)-2-O- acétyl-6-désoxy-β-D-manno-heptopyranose-(1→]. La synthèse des dérivés C–3 O-propyles 61

et 63 a été envisagée afin d’éliminer la trans-estérification possible de l’acétyle entre les positions C–2 et C–3. De plus, le groupement propyle a pu être considéré comme mimant l’élongation ou la terminaison de la chaîne oligosaccharidique en C–3. De nouveaux heptoses donneurs 83 et 85 ont été obtenus en neuf étapes, à partir du diol 65 avec des rendements globaux respectifs de 15 % et 35 %. Par la suite, l’optimisation des conditions de glycosylation intermoléculaire et de glycosylation intramoléculaire par l’approche IAD a été réalisée avec le dérivé 85. Malgré l’obtention d’un rendement global de 90 % en procédure normale lors de la glycosylation intermoléculaire, cette stratégie offrait une faible β-

stéréosélectivité. La stratégie IAD médiée par le groupement naphthyle en C–2 a permis l’obtention exclusive et stéréocontrôlée des dérivés 1,2-cis-manno-heptosides avec d’excellents rendements. Des accepteurs de structures variées ont également pu être heptosylés sans affecter la stéréosélectivité de la réaction. Grâce à cette méthode, la nécessité d’équiper le sucre donneur d’une structure rigide telle que l’acétal de benzylidène n’était plus requise. L’hydrogénolyse des monosaccharides 114 et 115 a permis d’isoler les monosaccharides attendus 60 (60a/60b ~ 1,7:1,0) et 61 (95 %). Cependant, la déprotection des disaccharides 117 et 118 a été problématique dans les conditions standards d’hydrogénolyse. Ce problème a été résolu en effectuant les réactions dans des conditions microfluidiques à l’aide de l’H-cube. Les disaccharides 62 et 63 ont été isolés. Au sein de la molécule 62, il a été observé une trans-estérification de l’acétyle entre les positions C–2 et C– 3 (62a/62b 1:1, 70 %). Quant à la molécule 63, il n’y a pas eu de migration d’acétyle telle qu’elle avait été anticipée, et le rendement isolé était de 64 %. Les cibles synthétiques (60–63) sont dotées d’un bras espaceur en position anomérique, le 5-amino-1-pentyl, qui permettra leur conjugaison covalente à une protéine porteuse pour l’élaboration des vaccins glycoconjugués semi-synthétiques. L’évaluation du potentiel antigénique de ces cibles saccharidiques par des analyses de RMN STD et de SPR a révélé l’existence d’une interaction entre le mime synthétique 63 et l’anticorps monoclonal mAb 4C4 liée à l’acétyle en C–2 dont la présence est strictement requise pour qu’il ait reconnaissance entre l’antigène et l’anticorps. Des interactions STD ont été également observées pour les protons aux positions 7, 6, 5, et 4. Ces analyses ont permis d’avoir une idée sur les caractéristiques structurelles de l’épitope requises pour qu’il ait reconnaissance.

La deuxième partie de ce projet portait sur la synthèse de deux disaccharides (167 et

168) et de cinq trisaccharides (162–166) choisis pour mimer l’unité répétitive du LPS–AgO naturel des bactéries de structure [→3)-β-D-glucopyranosyl-(1→3)-6-désoxy- -L-

talopyranosyl-(1→], et présentant des acétyles et/ou méthyles repartis de façon non- stœchiométriques entre les positions C–2 et C–4 du résidu talose. Les disaccharides miment la terminaison de la chaîne saccharidique en C–3 par un méthyle, tandis que les trisaccharides miment l’élongation de la chaîne avec un glucose en C–3. Les dérivés 6-désoxy-L-taloses

donneurs TCA 169–173 ont été obtenus par épimérisation du rhamnose avec d’excellents rendements. Les rendements globaux obtenus à partir du L-rhamnose, entre neuf et dix étapes,

variaient de 10 à 25 %. Les réactions de glycosylation de Schmidt, entre les taloses donneurs TCA 169–173 et le glucose accepteur 174, ont permis d’obtenir efficacement et avec une - sélectivité complète les disaccharides 207–211. La déprotection du PMB en position C–3 sur

les disaccharides 207–209 a conduit à la formation des alcools 212, 214 et 215, obtenus avec d’excellents rendements (77–87%). Les trisaccharides 217 et 218 ont été obtenus avec de bons rendements (65 et 50 %) par réaction de glycosylation entre les accepteurs 214 et 215 et le donneur glucose 175. L’obtention du trisaccharide 216 s’est avérée problématique. Après plusieurs réactions de couplage dans différentes conditions réactionnelles en présence de différents glucoses donneurs (175, 176 et 177), le trisaccharide 216 n’a pas été obtenu. Ce manque de réactivité a été attribué à la contrainte stérique générée par le groupement benzyle en position C–4 sur un cis-dérivé talose. Le trisaccharide 251, plutôt que le trisaccharide 216, a été obtenu après une première réaction de glycosylation régiosélective en présence du catalyseur de Taylor entre le dérivé rhamnose 223 (moins encombré) et le glucose benzylé

227 suivie de la réaction de glycosylation de Schmidt et de l’épimérisation du rhamnose. Le rendement global étant de 38 % sur huit étapes à partir du rhamnose 223. La déprotection subséquente des groupements Ac, Lev et TBS a permis d’isoler les trisaccharides 254–256 avec d’excellents rendements. Au cours de l’hydrogénolyse dans les conditions microfluidiques à l’aide d’un réacteur H-Cube des disaccharides 210 et 211 et des trisaccharides 250–255, le clivage partiel de l’acétyle a été observé sur tous les résidus possédant un acétyle en position C–2. Cette instabilité de l’acétyle était causée par l’excès d’acide (2,0 équiv.) qui avait été utilisé. En réalisant l’hydrogénolyse cette fois dans des conditions hétérogènes en présence de 1,0 équiv d’acide, le clivage de l’acétyle a pu être évité. Toutes les cibles disaccharidiques 167 et 168 et trisaccharidiques 162–166 ont été obtenues avec d’excellents rendements et aucune migration d’acétyle n’a été constatée. Ces antigènes saccharidiques sont également dotés d’un bras espaceur aminé à leur extrémité réductrice. L’évaluation du potentiel antigénique de ces cibles synthétiques a été effectuée par des tests ELISA. Il a été montré que les disaccharides terminaux 167 et 168 exhibent une grande affinité avec quatre anticorps monoclonaux spécifiques (mAb Pp-PS-W, mAb 3D11, mAb 4C7 et mAb 9C1-2). Plus intéressant encore, toutes les sept cibles synthétiques sont reconnues par les anticorps IgG contenus dans le sérum des patients atteints de la mélioïdose.

De nombreuses perspectives se profilent à l’horizon :

1) Les analyses de RMN STD et de SPR avec les sept cibles mimant le LPS–AgO de B. pseudomallei et B. mallei sont en cours de développement au sein de l’équipe du Professeur Antonio Molinaro de l’université de Naples en Italie. Cette étude permettra de déterminer la structure minimale des épitopes qui est impliquée lors de la reconnaissance par l’anticorps.

2) L’évaluation du potentiel antigénique, à l’aide de la technologie Luminex, de toutes les cibles synthétiques obtenues est également envisagée. Cette étude permettra de fournir des informations complémentaires sur les caractéristiques structurelles de l’épitope, et fera l’objet d’une collaboration avec les chercheurs des CDC d’Atlanta, aux États-Unis.

3) Toutes les cibles synthétiques étant dotées d’un bras espaceur, la synthèse et la caractérisation des glycoconjugués seront également réalisées (Figure 103). La protéine CRM-197 sera utilisée comme protéine porteuse. Le couplage se fera via une NHS ester conjugaison ou une thiophosgène conjugaison avec la lysine de la protéine.

4) Enfin, des tests d’immunogénicité seront également effectués sur toutes les molécules cibles afin d’évaluer leur pouvoir protecteur.

Ces deux derniers points seront le fruit d’une autre collaboration avec le Pr Paul Brett de l’University of South Alabama, aux États-Unis.

Figure 103: Exemple de vaccin glycoconjugué à base du CPS de B. pseudomallei et B. mallei via une NHS ester conjugaison

-Chapitre V-

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