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1 Le stress thermique chez Pecten maximus

Les mollusques bivalves, comme la coquille Saint-Jacques Pecten maximus, sont des organismes ne régulant pas la température de leur milieu intérieur (poïkilothermes) et dont la principale source de chaleur provient du milieu extérieur (ectothermes). Une variation de la température dans le milieu extérieur se répercute donc de façon directe sur leur organisme. L’effet d’une augmentation de la température sur la respiration a notamment été étudié dans le chapitre 3. Une augmentation des taux de respiration mesurés à 10°C et 18°C a ainsi été observée mais des taux singulièrement plus faibles à 25°C par rapport à 18°C on été mesurés

(Fig.1). L’essentiel de l’oxygène

moléculaire est utilisé dans les cellules au

niveau de la chaine respiratoire

mitochondriale pour la production d’ATP (90% ; Rolfe 1997). Une augmentation de la respiration traduit donc une augmentation de la production d’ATP via la mitochondrie. Or, cette augmentation de la production est due à une augmentation de la demande en énergie qui augmente avec la température, par l’effet direct de la température sur les processus biochimiques.

La relative diminution de la consommation en oxygène des organismes observée entre 18°C et 25°C est, quant à elle, liée à un phénomène physiologique dépendant de l’adaptation des organismes à la température. En effet, avec l’augmentation de la température, les besoins en énergie continuent de croître, mais un plafond est atteint lorsque les capacités aérobies de production d’énergie de l’organisme sont limitées par sa capacité à apporter l’oxygène au niveau des tissus (Pörtner, 2001). C’est le concept de limitation thermique par la capacité en oxygène (OCLTT, Pörtner, 2001). Cette capacité détermine une fenêtre thermique optimale, bordée par les températures pejus. Or, à 25°C nos résultats portent à croire que P.

Figure 1: Taux de respiration (en mg O2 h-1) de

Pecten maximus à différentes températures (10°C, 18°C et 25°C) (n=10, sauf pour 10°C , n=9)

de ses capacités aérobies.

Les besoins en énergie sont donc supérieurs à 25°C et les capacités aérobies sont réduites. Une augmentation de l’activité de l’octopine déshydrogénase (ODH) a été observée à 25°C par rapport aux activités à 10°C et 18°C (Article 3, chapitre 3) coïncidant avec une diminution de la concentration en arginine (Article 3, chapitre 3), mettant ainsi en évidence la mise en place du métabolisme anaérobie pour les coquilles Saint-Jacques acclimatés à 25°C. L’ODH est en effet une enzyme clé du métabolisme fermentaire chez les bivalves, permettant le renouvellement des espèces nicotiniques réduites (NADH2) en oxydées, en catalysant la réaction entre l’arginine et le pyruvate et aboutissant à l’accumulation de l’octopine (Grieshaber et al., 1994). Les forts besoins en ATP des coquilles à 25°C sont donc couverts, au moins en partie, par l’apport en énergie imputable au métabolisme fermentaire.

Pour l’expérience du chapitre 3, les coquilles Saint-Jacques on été acclimatées pendant une semaine à une température de 18°C ou 25°C, après une montée d’un degré par jour. Les expériences réalisées dans le chapitre 1 nous renseignent sur les voies d’adaptation à plus long terme, puisque les animaux ont été maintenus à des températures élevées (21°C et 25°C) sur une période de 56 jours.

Les expériences réalisées par l’analyse haut débit de données transcriptomiques (RNAseq) n’ont pas permis d’identifier de transcrits codant des protéines impliquées dans le métabolisme glucidique surexprimés dans les animaux maintenus à 21°C ou 25°C pendant une période de 56 jours. Cette observation laisse penser que l’activité du métabolisme anaérobie n’est pas plus importantes dans ces animaux que dans les contrôles (animaux maintenus à 15°C). Toutefois, la plupart des régulations du métabolisme glucidique ont lieu au niveau protéique plutôt que de l'activité transcriptionelle. L’analyse des protéines par électrophorèse bidimensionnelle sur les mêmes animaux ne montre cependant pas plus d’augmentation de protéines du métabolisme glucidique. Au contraire, la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (GAPDH) et la phosphoglycérate mutase (PGM) on été identifiées comme significativement moins abondantes chez les animaux à 25°C après 27 jours d'exposition.

185 Cette diminution des protéines impliquées dans le métabolisme glucidique s’accompagne de l’augmentation d’ARNm impliqués dans le métabolisme des acides gras (comme la phospholipase A2, l’adipocyte plasma membrane-associated protein ou l’alpha-methylacyl-CoA racemase). Ces résultats suggèrent que l’adaptation au stress thermique chronique chez P. maximus dépend de l’utilisation des réserves lipidiques plus que du métabolisme purement fermentaire. Il est intéressant de noter qu’une étude du stress thermique sur une échelle de temps similaire (3 mois) chez un autre mollusque bivalve, l’huître Crassostrea gigas, a obtenu des résultats comparable (Clark et al., 2013).

Un autre élément nouveau, révélé par la combinaison des études transcriptomique et protéomique du stress thermique dans le chapitre 1, est l’implication relativement faible des protéines de choc thermique (HSP) dans l’adaptation thermique chronique. En effet, peu de gènes et aucune protéine de la réponse « classique » au choc thermique n’ont été identifiés dans cette étude. Il faut cependant noter que le parti pris pour l’analyse bioinformatique ne permet pas de considérer les transcrits exprimés de façon transitoire dont les HSPs font peut être partis.

Enfin, l’identification de la diminution de l’expression de la GAPDH au niveau protéique à 25°C, pourrait être de première importance. En effet, de nombreuses études récentes attribuent à cette protéine des rôles essentiels dans le fonctionnement cellulaire, en dehors de son rôle dans la glycolyse. Notre analyse, à partir de nos résultats, des possible réseaux de régulation, suggère un rôle pivot de la GAPDH dans la réponse cellulaire à un stress thermique chronique (Chapitre 1). En particulier, les interactions de cette protéine avec la voie de signalisation anti-apoptique AP-1, mais également avec d'autres voies. En outre, nos résultats suggèrent l'importance de la régulation négative de l'apoptose dans la réponse, ainsi que de systèmes de réparation de l'ADN, ce qui conduirait à un état de mutagénèse somatique accrue dont le rôle dans le développement de la réponse est difficile à comprendre.

En conclusion, les résultats obtenus sur l’adaptation au stress thermique de P. maximus au cours des différentes études présentées dans ce travail soulignent l’importance et la complémentarité des différentes approches. En effet, les études physiologiques et métaboliques du stress thermique sur une courte période sont nécessaires pour permettre d’approcher de façon générale la réponse de P. maximus à

et protéomique d’un stress thermique plus long permettent de comprendre la mise en place de mécanismes plus fins, plus susceptibles de refléter la réalité du fonctionnement de P. maximus dans son milieu et dans le contexte actuel de changement global. D’autre part, ces études montrent aussi l’intérêt des approches « sans a priori » en protéomique et en transcriptomique, qui permettent de mettre en lumière des voies de régulation nouvelles, comme le rôle central de la GAPDH, et de relativiser l’importance, dans le contexte particulier de notre étude, de voies bien caractérisés comme la régulation des HSPs.

2 Combinaison des stress thermique et hypoxique chez