• Aucun résultat trouvé

Par rapport à la littérature, l'originalité et l'intérêt du modèle d'exsudation que nous avons proposé est de fournir une prédiction qui est reliée à l'architecture et la morphologie racinaire. En tout premier lieu, cela permet de normaliser l'expression des valeurs d'exsudation, ce qui est nécessaire au regard de la diversité des unités trouvées dans la littérature. La standardisation de l'expression de l'exsudation relativement à la morphologie du système racinaire devrait faciliter les comparaisons entre résultats et autoriser par exemple, l'exploration de la variabilité inter et intraspécifique de l'exsudation.

Ensuite, l'intégration de la morphologie du système racinaire dans un modèle d'exsudation permet d'expliquer une partie des effets de l'environnement, à savoir ceux qui modifient la croissance des racines, leur diamètre ou leur nombre. C'est par exemple le cas de l'azote nitrique qui en favorisant la ramification des racines (Baligar et al., 1998) doit donc augmenter l'exsudation, ce que nous avons effectivement constaté chez Lolium multiflorum (Tableau 4) (Henry et al., 2005). Le modèle permet également d'expliquer la baisse de production d'exsudats solubles en présence d'une contrainte mécanique appliquée aux racines, cette dernière diminuant fortement leur nombre et leur longueur (Groleau-Renaud et al., 1998b).

Finalement, la prise en compte de variables morphologiques pour calculer l'exsudation conduit à un premier couplage entre l'exsudation et la gestion du C par la plante puisque la disponibilité en photoassimilats modifie l'architecture du système racinaire puisqu'une limitation en C tend à réduire le nombre de ramifications ainsi que le diamètre et la longueur moyenne des racines (Thaler et Pages, 1998; Bidel et al., 2000). Les modifications de l'exsudation à l'échelle de la plante, consécutives aux traitements qui modifient la disponibilité en C (éclairement, défoliation) (Hodge et al., 1997; Dilkes et al., 2004) pourraient s'expliquer par des effets sur le nombre de racines et sur leur morphologie. La suite des recherches consisterait à examiner si la disponibilité du C localement dans les tissus modifie l'exsudation individuelle des racines indépendamment des effets sur la longueur et sur le diamètre, en modifiant la concentration en C diffusible dans les cellules. Si les transporteurs qui sont présents dans les membranes de toutes les cellules racinaires et qui assurent le retour dans le cytoplasme des solutés diffusant vers l'apoplasme peuvent être plus nombreux ou plus affines pour leurs substrats à mesure ceux ci sont plus concentrés (Patrick, 1997), l'exsudation sera peu affectée par la disponibilité en assimilats. Si au contraire, la capacité des cellules racinaires à limiter la diffusion vers l'apoplasme sature rapidement, la disponibilité en assimilats devrait influer plus fortement sur l'exsudation. L'hypothèse d'une relation possible entre l'exsudation d'une racine et la quantité d'assimilats dans cette même racine est très importante car elle pose la question

d'une relation entre l'exsudation et la croissance racinaire. Nous n'avons pas observé une telle relation mais la variabilité des vitesses de croissance n'était peut être pas suffisante. Notre modèle suppose donc que l'exsudation d'une racine se poursuit après l'arrêt de sa croissance, ce qui sous-entend que l'influence de la disponibilité en assimilats sur l'exsudation est faible. Si au contraire, la disponibilité en assimilats influe fortement sur l'exsudation, cette dernière devrait fortement diminuer à l'arrêt de la croissance de la racine, ce qui a des conséquences importantes pour l'exsudation des racines tertiaires qui s'arrêtent rapidement de croître. Cette question de la relation entre la disponibilité en assimilats et l'exsudation à l'échelle de la racine individuelle devra donc être éclaircie.

D'après nos calculs, la quantité d'azote immobilisé par l'exsudation et la sécrétion de mucilage se situerait aux environs de 320 mg N /plante au stade floraison femelle, soit à peu près

14% de l'azote de la plante ou 26 kg N ha-1. Il y a une forte incertitude sur ces valeurs et sur

l'ampleur de la reminéralisation. Les expériences d'incubation ex planta suggèrent qu'une très faible partie de cette azote serait restituée sous forme minérale disponible pour les racines. Si cela est le cas dans la rhizosphère, cette immobilisation constitue une perte de disponibilité en N pour la plante, particulièrement pour une espèce annuelle à cycle de développement court. Il n'est cependant pas exclu que dans la rhizosphère, la reminéralisation soit accélérée. Si cet azote est effectivement reminéralisé de manière importante, la libération de rhizodépôts labiles pourrait permettre de constituer un pool d'azote organique qui serait alors un compartiment tampon amortissant les fluctuations de disponibilité en N minéral. Dans un contexte d'agriculture intensive, l'impact sur la nutrition azotée de la plante, de l'immobilisation de N consécutive à la production de rhizodépôts labiles ne semble pas majeur dans la mesure où la fertilisation compense largement cette immobilisation. En outre, il ne semble pas évident de pouvoir influer sur l'exsudation totale ou sur la production de mucilage par les pratiques de culture. La sélection génétique pourrait être envisagée pour le mucilage. Pour ce qui est de l'exsudation globale, il faudrait probablement altérer la répartition des assimilats vers les racines, ce qui n'est pas sans conséquences sur le potentiel de production de la biomasse récoltée.

Les derniers travaux présentés montrent le couplage de la modélisation de l'exsudation avec la modélisation de l'architecture du système racinaire pour estimer, à l'échelle de la plante, l'importance de l'immobilisation de N par le carbone exsudé. Cette démarche est bien en phase avec la tendance actuelle qui consiste à intégrer les processus rhizosphériques très largement étudiés par le passé à une échelle locale, à l'échelle de la plante, afin d'évaluer la signification de leur contribution au fonctionnement du végétal (Dunbabin et al., 2006). Cette évolution des travaux relatifs à la rhizosphère vers le changement d'échelle (upscaling) doit se poursuivre et se renforcer pour décider dans quels contextes les processus rhizosphériques sont significatifs et doivent être considérés. Beaucoup d'articles mentionnent ou sous-entendent que les exsudats jouent un rôle important pour le couvert végétal sans qu'il n'y ait véritablement de preuves expérimentales. La modélisation de la rhizodéposition devra donc contribuer à identifier objectivement les situations dans lesquelles la production de rhizodépôts est réellement significative. Ces contextes sont probablement les situations mettant en jeu des flux d'éléments

s'agirait donc plutôt de relations avec des éléments nutritifs mineurs ou des situations pour lesquelles les majeurs sont très limitants. Un deuxième type de contextes concerne les situations où les rhizodépôts sont des molécules signales qui vont modifier la composition des organismes de l'écosystème et/ou leur physiologie. Il s'agit de composés favorisant ou défavorisant la prolifération de microorganismes ou d'autres espèces végétales. La modélisation de la rhizodéposition devra alors se connecter étroitement avec le métabolisme secondaire des plantes qui produit une grande partie de ces composés.

Projet Scientifique

Projet Scientifique

Projet Scientifique

Projet Scientifique

Modélisation du transfert des éléments traces

métalliques du sol vers les plantes cultivées:

contribution de la rhizodéposition