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II. Données recueillies auprès des enseignants

2. Conclusions de l’étude

Déjà évoqué dans la partie présentant cette étude, le nombre de participants est insuffisant pour représenter une valeur statistique. Toutefois, au terme de cette analyse et de nos connaissances explicitées dans la partie théorique, nous pouvons tenter de tirer quelques informations.

Rappelons que l’objectif principal de cette étude vise à vérifier que la maîtrise de la langue écrite, donc de l’orthographe, est bien un critère d’identification des bons élèves selon les enseignants. Ceci afin de confirmer le fait que les élèves sélectionnés pour nous par les enseignants sont bien des enfants maîtrisant la langue écrite selon eux.

Ainsi, l’analyse de leurs réponses met en évidence que la maîtrise du langage

écrit est bien un des indices leur permettant de distinguer leurs bons élèves. En effet,

bien que d’autres critères ne fassent pas l’unanimité chez les enseignants, tous s’accordent sur le fait que leurs bons élèves présentent une bonne maîtrise de la langue, tant sur son versant oral qu’écrit. Ceci est relativement intéressant pour nous puisque cela vient confirmer le fait que les bons élèves qu’ils avaient sélectionnés pour la passation de la dictée étaient bien, selon eux, des enfants maîtrisant la langue écrite, donc l’orthographe. Par conséquent, cette observation, corrélée aux conclusions de notre première expérimentation, renforce notre hypothèse de départ selon laquelle il existe un écart entre la représentation de la norme qu’ont les enseignants et la norme relative au test.

En outre, cette deuxième étude cherchait à explorer le regard des enseignants sur leurs élèves, en examinant les critères sur lesquels ils se basaient pour identifier les enfants qui sont de bons élèves et ceux en difficulté, et les paramètres entrant en jeu dans leur démarche d’adresse vers un orthophoniste. Nous cherchions à savoir s’il existait ou non d’éventuelles divergences dans les réponses des enseignants au questionnaire qui attesteraient de l’intervention de processus plus complexes que le seul repérage de troubles dans l’adresse des enfants en difficulté pour un bilan orthophonique.

En ce qui concerne les critères sur lesquels se base l’enseignant pour identifier les enfants qui sont de bons élèves, deux semblent faire l’objet d’un consensus. En effet, les quatre enseignants s’accordent sur le fait que leurs bons élèves ont des résultats scolaires corrects et très corrects et, nous l’avons vu, qu’ils présentent une bonne maîtrise de la langue, tant sur son versant oral qu’écrit. Cependant, nous avons vu que les autres critères (le comportement, les compétences cognitives et les connaissances générales) ne font pas l’unanimité. En effet, ils entrent dans la représentation du bon élève de certains enseignants mais pas dans celle des autres. Ainsi, on observe déjà quelques divergences dans la représentation du bon élève de chaque enseignant.

De même, aucun critère ne fait consensus quant à l’identification des moins bons élèves. En effet, nous avons observé que, bien que l’item « moins compétent sur le plan cognitif» revienne chez trois des quatre enseignants, ils ont chacun leur propre représentation de ce qui caractérise les moins bons élèves. Par exemple, si pour certains enseignants les moins bons élèves présentent des difficultés scolaires, pour d’autres, celles-ci n’entrent pas en jeu, ils accorderont en effet plus d’importance à un

comportement spécifique. Ainsi, il semble exister également des écarts dans la caractérisation des moins bons élèves entre les enseignants.

Toutefois, quand on s’intéresse aux indices qui leur permettent de penser qu’un enfant pourrait éventuellement bénéficier d’une prise en charge orthophonique, on se rend compte que, dans l’ensemble, les enseignants disposent de prérogatives similaires. Ainsi, tous évoquent les difficultés d’apprentissage, les retards/troubles d’articulation, de parole et de langage, pour justifier un bilan orthophonique et s’accordent sur le fait que des acquis scolaires instables, des difficultés relationnelles ou de comportement ne sont pas des éléments qui les guideraient dans cette adresse de soin. Cependant, un indice, évoquant l’incohérence du langage, ne fait pas l’unanimité. En effet, cet aspect plus pragmatique du langage n’est pas perçu par un enseignant comme un motif qui pourrait justifier une prise en charge orthophonique. Ainsi, les distorsions entre les enseignants concernant l’adresse de soin sont moins probantes que celles qui existent dans l’identification des bons et des moins bons élèves. D’autre part, il est intéressant de relever que les difficultés d’évocation lexicale et d’association, plus liées à l’accès lexical, à la mobilité inhérente au langage et moins manifestes qu’un trouble articulatoire par exemple, ne constituent pour aucun des enseignants un motif de prise en charge orthophonique.

Au regard de l’analyse des questionnaires, il semble apparaître que les enseignants connaissent et s’accordent sur les domaines d’intervention de l’orthophoniste (articulation, parole, langage) sans toutefois disposer des mêmes critères pour identifier les bons et les moins bons élèves de leur classe. Ceci fait écho

à la subjectivité inhérente à la notion de normalité sur laquelle nous avons réfléchi au début de notre partie théorique. Nous avons vu que chacun de nous avait une représentation des limites de la normale qui lui était propre concernant toutes les conduites et que c’était souvent la familiarité de l’expérience et la capacité de compréhension qui allait rendre telle position ou situation acceptable, légitime, normale. Dès lors, nous pouvons penser que l’enseignant, à l’instar du soignant, est soumis au poids de cette subjectivité étant donné qu’il a ses propres représentations de la normalité et de ses limites, donc sa propre manière de « situer » un enfant par rapport à une norme.

C’est ce que nous avons essayé d’appréhender à travers cette étude. Et à l’égard de leurs réponses assez divergentes concernant les critères caractérisant les bons et les moins bons élèves, nous pouvons penser que, bien qu’ils aient tous les quatre conscience du champ d’intervention du thérapeute du langage, leur représentation de la normalité, de la pathologie, de ce que doit transmettre l’école jouent certainement un rôle dans l’adresse des plus en difficulté en bilan orthophonique. Celui-ci ne serait pas seulement conseillé à partir de l’observation évidente de troubles. Ceci pourrait d’ailleurs être corrélé aux résultats de la première étude qui met en évidence des performances orthographiques pathologiques chez certains enfants que chaque enseignant avait préalablement sélectionné pour nous, soit chez des enfants qu’il considère comme « bons » et ne nécessitant pas de bilan. De plus, trois enseignants sont convaincus que leur propre expérience, définition et vision de l’école régissent en partie leur représentation du bon élève et du moins bon. Ainsi, la majorité des enseignants semble partager notre idée selon laquelle en fonction de ses ressentis à l’égard de l’école, tant par son vécu que son appréhension, l’instituteur n’a pas la même vision de l’école et de ce qu’elle doit véhiculer aux élèves, donc pas les mêmes attentes et représentations de ce qu’est un bon élève (et donc du moins bon).