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II. Données recueillies auprès des enseignants

1. Analyse des réponses des enseignants

Pour respecter l’anonymat des enseignants et pour que l’analyse soit plus pratique, nous nommerons l’enseignant de la première classe E1, celui de la deuxième E2, celui de la troisième E3 et le dernier enseignant E4.

Les quatre enseignants estiment leur classe hétérogène. De ce fait, trois sont

fréquemment amenés à créer des groupes de niveau et un enseignant travaille parfois

ainsi. E1 constitue ces groupes seulement aux résultats des élèves, leur comportement plus ou moins autonome dans le travail et les relations entre eux n’entrent donc pas en jeu. A l’inverse, E4 nous précise fonder des groupes en fonction des résultats mais également du comportement des élèves et des relations qu’ils entretiennent entre eux. E2 et E3 s’accordent sur le fait que la composition de leurs groupes de niveau repose, d’une part sur les résultats et, d’autre part, sur le comportement d’autonomie des élèves. Ainsi, il apparaît que tous les enseignants établissent des distinctions entre leurs élèves mais les critères sur lesquels ils se basent pour créer les groupes ne sont pas tout à fait les mêmes.

La question suivante consistait à demander aux enseignants d’estimer le nombre de bons élèves de leur classe afin de nous renseigner sur le nombre d’élèves qui participeraient à la passation de la dictée. E1, à l’instar de E3, nous ont chacun fourni un échantillon de sept élèves contre six élèves pour E4 et dix élèves pour E2. On note un nombre de bons élèves assez homogène chez les enseignants excepté pour E4 qui a sélectionné un échantillon plus important. Les divergences résident dans la proportion de bons élèves dans la classe. En effet, ils constituent environ 12% de la classe de E1, 43% de la classe de E2, 28% de la classe de E3 et 23% de la classe de E4.

Concernant les critères qui permettent aux enseignants de distinguer leurs bons élèves, les résultats scolaires corrects ou très corrects et la maîtrise de la langue orale

et écrite (comprenant sans doute l’orthographe) sont ceux qui sont le plus de fois cités.

Qualitativement, deux enseignants donnent exactement les même critères, c’est-à- dire qu’ils les citent tous. D’autre part, E1 nous précise qu’il repère ses bons élèves à partir des résultats scolaires et de la maîtrise de la langue. Ainsi, un comportement distinctif, des compétences cognitives ou une bonne culture ne semblent pas entrer en jeu dans sa conception du bon élève. E2 reprend les deux critères de E1 auxquels il ajoute les

compétences cognitives. Nous observons qu’ils s’accordent tous sur le fait que leurs

bons élèves ont des résultats scolaires corrects et très corrects et qu’ils présentent une bonne maîtrise de la langue, tant sur son versant oral qu’écrit. Les autres critères ne font pas l’unanimité, ils entrent dans la représentation du bon élève de certains enseignants mais pas dans celle des autres.

Ensuite, nous constatons que la totalité des enseignants s’entendent pour dire qu’il

existe des bons élèves en fonction des matières, autrement dit que les bons élèves ne

sont pas « bons » partout. Ce point de vue, précisé clairement par une enseignante : « des élèves sont très faibles dans un domaine et sans difficulté avérée dans d’autres », peut s’opposer à celui d’autres instituteurs pour lesquels les bons élèves sont les garants du niveau à atteindre, niveau qui englobe toutes les disciplines.

La question suivante, qui tentait d’appréhender l’avis de l’enseignant concernant une éventuelle évolution du statut du bon élève dans le temps, entraîne également une unanimité dans les réponses. En effet, l’ensemble des professeurs pensent que les bons

élèves le resteront tout au long de l’année et pour la suite de leur scolarité. Deux

enseignants précisent leur réponse. Ainsi, selon E2, ses bons élèves resteront des bons élèves « du fait que l’école est dans un quartier favorisé ». Il est particulièrement difficile de savoir à quoi l’enseignant fait référence ici: au fait que dans la classe, il y ait beaucoup de bons élèves donc une bonne dynamique d’apprentissage? Au fait que ces enfants profitent de conditions favorables pour leurs apprentissages ?

Comportement distinctif Résultats scolaires corrects ou très corrects Maîtrise de la langue orale et écrite Compétences cognitives Bonne culture générale-connaissances

0 1 2 3 4

Enfin, E4 nuance tout de même sa réponse, ce qui montre qu’il n’est pas certain que ses bons élèves de CM1 le soient aussi au collège, en spécifiant « pour la plupart oui et au moins jusqu’à leur entrée au collège ».

Ensuite, nous voulions recueillir l’avis des enseignants sur le rôle que pouvaient éventuellement jouer leur propre expérience et définition de l’école dans leur représentation des bons élèves et des moins bons. Nous pensions qu’en fonction de ses ressentis à l’égard de l’école, tant par son vécu que son appréhension, l’enseignant n’aurait pas la même vision de l’école et de ce qu’elle doit véhiculer aux élèves, donc pas les mêmes attentes et représentations de ce qu’est un bon élève (et donc un moins bon).

Excepté un enseignant, nous observons que tous s’accordent à penser que la représentation qu’ils ont des bons et moins bons élèves est certainement liée à leur propre conception de l’école et de ce qu’elle doit transmettre.

Enfin, les trois dernières questions concernaient les élèves en difficulté. Premièrement, nous voulions examiner les critères caractérisant les moins bon élèves selon l’instituteur. Dès lors, nous pouvons souligner qu’aucun critère ne fait

l’unanimité. Le critère le plus cité est celui qui évoque des compétences cognitives moindres.

Ainsi, selon le premier enseignant, les moins bons élèves sont caractérisés par des

difficultés scolaires et des compétences moindres sur le plan cognitif (notons que les

compétences cognitives, qui n’entraient pas en jeu dans sa conception du bon élève, jouent par contre un rôle dans la caractérisation des moins bons). E2 reprend les mêmes critères et y ajoute les mauvais résultats scolaires. Nous constatons que le comportement, le manque de motivation ou l’absence de travail ne jouent pas dans leur caractérisation des moins bons élèves. Quant à E3, aucun critère proposé ne le satisfait ce

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

Moins compétent sur le plan cognitif Absence de travail Manque de motivation Comportement gênant l'apprentissage Mauvais résultats scolaires Difficultés scolaires

qui l’amène à transcrire son point de vue propre: les moins bons élèves sont « des enfants

qui ne sont pas des élèves : problème de concentration ». Enfin, excepté le critère des

compétences cognitives, E4 distingue les moins bons élèves par des caractéristiques totalement différentes des autres à savoir par un comportement gênant l’apprentissage et un manque de motivation. Ainsi, selon lui, un élève moins bon ne se définit pas à partir de ses difficultés scolaires ou ses mauvais résultats scolaires. Nous observons ici que, bien que l’item « moins compétent sur le plan cognitif» revienne chez trois des quatre enseignants, ils ont chacun leur propre représentation de ce qui caractérise les moins bons élèves. E1 et E2 présentent des conceptions relativement proches puisque un seul critère les sépare. Par contre, les réponses données par E3 et E4 se distinguent nettement entre elles et également par rapport aux autres.

Deuxièmement, nous voulions savoir si, à leurs yeux, un élève en difficulté pouvait être un bon élève. Ici, contrairement à la question précédente, tous les enseignants sont d’accord sur ce point : un élève en difficulté peut effectivement être un bon élève. E4 précise « dans certains domaines ». E2 pense que c’est parce que « les difficultés sont souvent psychologiques ». E3 justifie sa réponse avec l’exemple du trouble lexique « un dyslexique (par exemple) peut suffisamment compenser ». Nous pourrions mettre en relation ces réponses avec le fait qu’il y ait, en effet, des élèves en difficulté sur le plan de l’orthographe, parmi les bons élèves qu’ils ont chacun sélectionnés pour nous.

Enfin, nous voulions connaître les indices qui leur permettaient de penser qu’un enfant pourrait bénéficier d’une prise en charge orthophonique. Les quatre enseignants s’entendent totalement sur ces éléments puisqu’ils évoquent tous les retards/troubles

d’articulation, de parole, de langage et les difficultés d’apprentissage. Nous

retrouvons ainsi, aux côtés des difficultés d’apprentissage, les niveaux phonologique, lexical et morphosyntaxique du langage.

0 1 2 3 4

Langage qui semble destructuré, incohérent construction de phrases, phrases incomplètes Langage retardé ou troublé: difficultés dans la

Difficultés d'évocation ou d'association Difficultés relationnelles ou de comportement Acquis scolaires instables Difficultés d'apprentissage Articulation/Parole retardée ou troublée

L’incohérence du langage n’est pas perçue par un enseignant comme un motif qui pourrait justifier une prise en charge orthophonique. Cet aspect plus pragmatique du langage l’est en revanche pour tous les autres. Les difficultés d’évocation lexicale et d’association ne constituent pour aucun des enseignants un motif de prise en charge orthophonique. Nous pouvons supposer que ces difficultés, référant plus à l’accès lexical et à la mobilité inhérente au langage (capacité de faire des liens entre les mots), ne soient pas citées dans le sens où elles paraissent moins « visibles » que les autres aspects du langage évoqués plus haut. D’autre part, les enseignants s’accordent tous sur le fait que des acquis scolaires instables ou des difficultés relationnelles ou de comportement ne sont pas des éléments qui les guideraient dans l’adresse d’un enfant pour bilan orthophonique. Cette question nous permet d’observer que les enseignants présentent dans l’ensemble des prérogatives similaires, fondées essentiellement sur des difficultés phonologiques, lexicales et morphosyntaxiques, quand il s’agit de conseiller un bilan orthophonique à un enfant.

Enfin, nous n’avons pas pu mettre en évidence un éventuel rôle du nombre d’années d’expérience dans la caractérisation des bons élèves. En effet, trois instituteurs sur quatre enseignaient depuis le même nombre d’années (une trentaine), ce qui a limité nos comparaisons. D’autre part, la mise en lien des réponses du quatrième instituteur (le seul à enseigner depuis une dizaine d’années) avec celles des trois autres enseignants ne nous a pas permis de mettre en évidence des corrélations entre le nombre d’années d’expérience et les critères utilisés pour caractériser ses élèves.