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L’Europe est le berceau de l’université, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur, avec la fondation de l’Université de Bologne en 1088377. Depuis le XVIIe siècle, les établissements d’enseignement supérieur européen attirent des étudiants internationaux du monde entier. La plupart des États membres ont des universités qui ont été fondées au Moyen-âge378 et qui continuent toujours d’exister. Le Luxembourg a une situation particulière dans ce contexte : jusqu’en 2003, ce pays n’avait pas d’université : les étudiants luxembourgeois (ressortissants et immigrés résidents) qui souhaitaient suivre des études supérieures devaient s’inscrire dans des universités des pays voisins (Belgique, France et Allemagne) ou d’autres pays. Certaines des raisons pour lesquelles le pays ne bénéficiait pas d’université avant cette date étaient : 1) le coût d’établissement d’une institution d’enseignement supérieur était très élevé comparé à la population du pays et il était plus facile de bénéficier d’une infrastructure d’études supérieures dans les pays voisins et 2) la possibilité des étudiants luxembourgeois de s’inscrire à différentes universités a apporté non seulement différentes perspectives, mais cela a aussi développé un réseau personnel à l’étranger.

Depuis la fin du XIXe siècle, le développement de l’économie luxembourgeoise dépendait lourdement de la main d’œuvre étrangère. La plupart de cette main d’œuvre vient de la Grande Région (régions frontalières avec la Belgique, la France et l’Allemagne), mais également d’autres pays de l’UE. La crise de l’industrie de l’acier dans les années 70 a changé l’orientation de l’économie du Luxembourg, d’un secteur industriel vers les secteurs financiers et de services379. La transformation de l’économie luxembourgeoise du secteur

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Nuria Sanz, Sjur Bergan : ‘The heritage of European universities’, 2ème édition, Higher Education Series No. 7, Conseil de l’Europe, 2006, p. 136. Le mot « université » a été inventé à sa fondation. Rûegg a dit : “L’université est une institution européenne ; c’est d’ailleurs l’institution européenne par excellence.... Aucune autre institution européenne ne s’est répandue dans le monde entier de la façon dont la forme traditionnelle de l’université européenne l’a fait... » Rüegg, Walter : ‘Foreword. The University as a European Institution’, in: A History of the University in Europe. Vol. 1 : Universities in the Middle Ages, Cambridge University Press, 1992pp. XIX–XX.

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En Italie, nous trouvons les universités de Bologne (1088), Padoue (1222), Naples (1124), Sienne (1240), Macerata (1290) Rome (1303), Pérouse (1308), Florence (1321), Camerino (1336), en France : Paris (1150), Toulouse (1229), Montpelier (1289), au Royaume-Uni : Oxford (1167), Cambridge (1209), en Espagne : Salamanque (1218), Valladolid (1241), Madrid (Complutense – 1293), au Portugal : Coimbra (1290), en République Tchèque : Prague (Charles – 1348) ; en Pologne : Krakow (Jagiellonian University – 1364) ; en Autriche : Vienne (1365) ; en Hongrie : Pécs (1367), en Allemagne : Heidelberg (1386), Leipzig (1409), Rostock (1419), en Suède : Uppsala (1477), en Danemark : Copenhague (1479).

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industriel vers le secteur tertiaire a impliqué une internationalisation de l’économie en elle-même. Cependant, comparé au reste des États membres, le Luxembourg a une population étrangère se composant principalement de ressortissants de l’UE. Les ressortissants de pays tiers sont une minorité dans la population totale et la population active.

La taille du pays et sa population ainsi que le besoin de travailleurs qualifiés et hautement qualifiés ne pouvant pas être satisfait par la population locale, ont forcé le Luxembourg à continuer à dépendre du réservoir de ressources humaines de la Grande Région. Le problème éventuel était que ce réservoir n’est pas illimité et que certaines des qualifications requises étaient introuvables dans la Grande Région ou ailleurs. Ce fut l’un des éléments pris en compte par le gouvernement du Luxembourg lorsqu’il a décidé de la création ou non de l’Université du Luxembourg380. Avec la création de son Université, le Luxembourg a commencé à adapter sa stratégie concernant l’enseignement supérieur aux objectifs établis dans la stratégie de Lisbonne. Le but principal est que l’université réponde aux besoins et exigences du monde académique moderne. Ses objectifs sont : a) normes d’enseignement supérieur, b) se centrer sur la recherche et l’économie et c) avoir une approche internationale. Sa stratégie internationale se centre sur la mobilité des étudiants internationaux.

Cette position est cohérente avec la politique européenne dans le domaine de l’enseignement puisque l’un de ses objectifs « est de promouvoir l’Europe dans son ensemble en tant que centre mondial d’excellence pour les études et la formation professionnelle »381. Dans ce contexte, l’un des éléments clés est de favoriser la mobilité des ressortissants de pays tiers à des fins d’études.

Le fait que le permis de séjour « étudiant » soit l’un des canaux de migration permettant à un ressortissant de pays tiers de rester dans un État membre pendant une certaine période de temps (en fonction de s’il est étudiant en Bachelor, Master ou doctorat) oblige les États membres et l’Union européenne à développer des politiques de migration qui permettent, d’une part, aux universités d’attirer les étudiants ce qui apporte une diversité dans le corps étudiant et d’autre part, en évitant que le parcours de l’étudiant soit mal utilisé comme canal de migration382.

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Voir document parlementaire n° 5059/00. Projet de loi sur la création de l’Université du Luxembourg.

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Directive du Conseil n° 2004/114/EC du 13 décembre 2004 sur les conditions d’admission de ressortissants de pays tiers aux fins d’études, d’échange d’élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat.

http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:375:0012:0018:EN:PDF

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La politique luxembourgeoise reflète la mise en œuvre des objectifs pouvant être observés dans les lois principales sur le sujet : la loi du 12 août 2003 sur la création de l’Université du Luxembourg et la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. L’objectif d’attirer des étudiants internationaux est rempli au travers de l’utilisation d’accords internationaux visant des universités de pays tiers et des accords-cadres avec des universités à l’intérieur de l’Union européenne. Le gouvernement a toujours encouragé la politique internationale de l’université et il a lui a laissé une grande liberté au moment de la mettre en œuvre.

Durant les premières années de l’université, elle s’est centrée sur les pays cibles des programmes de coopération internationale luxembourgeois (comme le Cap Vert, le Sénégal, le Mali, etc.). Ces dernières années, la portée de la sélection d’étudiants internationaux s’est étendue aux économies développées (p. ex. États-Unis d’Amérique, Canada, Japon, Australie) ainsi qu’aux économies en plein essor (Inde, Chine et la Fédération russe). L’Université du Luxembourg développe également très activement la coopération internationale avec les sociétés locales et internationales permettant aux étudiants de faire des stages et de mettre en pratique leurs connaissances. La coopération transnationale de l’Université du Luxembourg avec son implication dans le projet de l’Université de la Grande Région ainsi que la mise en place d’accords-cadres (pas seulement avec d’autres universités, mais également avec des sociétés internationales), permettent la mobilité des étudiants internationaux et intracommunautaires.

Cependant, même si cette politique est prise en charge par le gouvernement, en particulier par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, il n’en demeure pas moins que la Direction de l’Immigration veille à ce que les ressortissants de pays tiers n’abusent pas de cette politique internationale pour entrer et séjourner dans le pays.

La loi du 29 août 2008 qui a transposé en loi nationale la Directive 2004/114/CE avait certaines particularités : a) l’absence d’exigences linguistiques lors de la demande d’autorisation de séjour ; b) l’étudiant a un accès limité au marché du travail pendant ses études ; c) la possibilité de séjourner et travailler dans certaines conditions, à l’issue de ses études, ce qui permet à l’étudiant d’avoir une première expérience professionnelle.

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La politique nationale est claire sur l’objectif du permis de séjour étudiant. L’étudiant doit venir étudier dans un établissement d’enseignement supérieur, obtenir un diplôme et retourner dans son pays d’origine. C’est la raison pour laquelle le permis de séjour étudiant est considéré de nature provisoire et précaire. Il est important de mentionner que la politique établie par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration383 et mise en place par la Direction de l’Immigration n’admet que des étudiants ressortissants de pays tiers qui vont étudier à temps plein, donc il n’existe aucune possibilité pour ces étudiants d’étudier à mi-temps.

Le permis de séjour peut être révoqué et non renouvelé si l’étudiant international ne respecte pas les conditions dans lesquelles la permis de séjour a été concédé, s’il viole la limite de temps de travail ou ne progresse pas suffisamment dans ses études. Il leur offre également l’opportunité de rester dans le pays pour une première expérience professionnelle où ils peuvent mettre en pratique les connaissances acquises384. Ce permis de séjour « salarié » 385 peut uniquement être obtenu si l’étudiant remplit certaines exigences et si le poste est conforme au domaine d’études et qu’il se limite à une durée maximum de deux ans, non renouvelable. L’objectif est d’éviter l’« exode des cerveaux » dans leurs pays d’origine. L’internationalisation de la population étudiante au Luxembourg est évidente : il y avait 98 nationalités représentées au semestre de l’hiver 2011/2012, et si nous excluons les États membres de l’UE, l’EEE et les ressortissants suisses, il y avait 69 nationalités venant de pays tiers. Cependant, ils ne représentent que 10,5% de la population étudiante. Cette internationalisation de la population étudiante est apparemment cohérente avec la loi de création de l’Université du Luxembourg et les principes sur lesquels le législateur a justifié la transposition de la Directive.

Si la composition de la population internationale de l’université reflète d’une certaine façon la composition de la population du Grand-Duché, il est important de mentionner que cette population se compose d’étudiants internationaux qui résident et qui ont suivi leurs études

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Commentaire à l’article 57 du projet de loi n° 5802 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Le projet de loi a mentionné : « La limite de dix heures est considérée comme compatible avec un programme d’études à temps plein, tout en permettant à un étudiant de jouir de la possibilité de compléter significativement les ressources dont il a besoin pour vivre. Cette limitation ne s’applique pas aux périodes de vacances. » Voir document parlementaire n° 5802/00 p. 71.

http://www.chd.lu/wps/PA_1_084AIVIMRA06I4327I10000000/FTSByteServingServletImpl/?path=/export/exp ed/sexpdata/Mag/041/619/064108.pdf

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En ce sens, la législation luxembourgeoise va au-delà de l’acquis UE de la Directive 2004/114/EC.

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Ce permis de séjour est « sui generis » parce qu’il n’a pas à remplir l’exigence du test du marché du travail et qu’il est applicable au Luxembourg, mais pas à l’étranger.

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dans le pays ainsi que des étudiants qui viennent d’autres États membres de l’Union européenne et des étudiants ressortissants de pays tiers qui arrivent au Luxembourg avec une autorisation de séjour « étudiant ».

La proportion des étudiants ressortissants de pays tiers dans la population étudiante est supérieure à la proportion des ressortissants de pays tiers dans la population générale. Cependant, la proportion d’étudiants ressortissants de pays tiers varie significativement en fonction du type de formation suivie : les ressortissants de pays tiers sont sous-représentés au niveau du Bachelor comparé à leur proportion au niveau du Master et du doctorat.

Enfin, la grande majorité des ressortissants de pays tiers qui sont admis à étudier au Luxembourg vient de pays avec lesquels l’Université du Luxembourg a signé des accords de coopération ou des accords-cadres (par ex. la Chine, l’Inde, la Fédération Russe et les États-Unis), à l’exception du Cameroun, où un réseau familial s’est développé. Ce fait met en évidence le problème de l’admission des étudiants qui viennent de pays avec lesquels ni l’Université du Luxembourg, ni le Grand-Duché n’ont signé d’accords de coopération. Les étudiants ressortissants de pays tiers font face à différentes sortes de problèmes, tels que :

• Admission : les ressortissants de pays tiers peuvent être confrontés à des obstacles pendant la procédure d’admission. La reconnaissance des diplômes est un sérieux problème en particulier si l’étudiant ressortissant de pays tiers vient d’un pays qui n’a pas signé la Convention de Paris / Lisbonne sur la reconnaissance des diplômes d’études secondaires. Pour résoudre ce problème, il est possible de passer un examen d’entrée, mais il n’est effectué que dans certains pays tiers.

• Multilinguisme : au Luxembourg, il existe trois langues officielles (luxembourgeois, français et allemand) et à l’Université certains des programmes sont enseignés en deux ou trois langues. Dans certains cas, les étudiants ont des problèmes à s’adapter à cet environnement multilingue.

• Logement : les étudiants internationaux ont des difficultés à trouver des logements abordables au Luxembourg. Cette situation peut être expliquée par le fait que l’Université du Luxembourg se trouve dans la capitale du pays où les centres de services financiers sont présents. Par conséquent, la demande de logement est très forte et le prix est supérieur à celui d’autres grandes villes. Suite à cela, les logements abordables pour les étudiants sont en général très limités. Cependant, l’Université du

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Luxembourg et certaines ONG font tous les efforts possibles pour résoudre ce problème.

• Soutien financier : pour obtenir l’autorisation de séjour, l’étudiant doit prouver qu’il a les ressources financières pour étudier. Si l’étudiant bénéficie d’une bourse ou des ressources suffisantes, il n’y a pas de problème. Mais les étudiants venant de pays en voie de développement ont du mal à satisfaire cette exigence légal pour obtenir leur autorisation de séjour et rester au Luxembourg pour y vivre. Il n’y a pas suffisamment de bourses pour aider ce type d’étudiants. Comme pour le logement, ce problème affecte en principe les étudiants ressortissants de pays tiers qui viennent de pays avec lesquels ni l’Université du Luxembourg, ni le gouvernement luxembourgeois, n’ont signé d’accord de coopération ou de programme d’échange d’étudiants.

• De plus, les étudiants ressortissants de pays tiers jouissent d’un accès limité au marché du travail pendant leurs études : ils ont la possibilité de travailler après les deux premiers semestres, sauf si le travail est effectué dans l’établissement d’enseignement supérieur où l’étudiant est inscrit. Après cette période d’attente, l’étudiant peut travailler, mais il est limité à 10 heures par semaine.

Certains indicateurs pourraient être perçus comme une utilisation abusive du permis de séjour étudiant, mais ils sont presque impossibles à mesurer. La situation politique, financière et économique du pays attire non seulement les étudiants internationaux qui veulent rester dans le pays à l’issue de leurs études, mais également des ressortissants de pays tiers qui tentent de profiter du permis de séjour étudiant pour rester dans le pays. Certaines situations ont été mentionnées auparavant, telles que des personnes bénéficiant d’un permis de séjour étudiant et qui ne finissent pas leurs études ou qui n’assistent pas aux cours.

Le fait que le ROI prévoit seulement que l’étudiant doive valider 25 ECTS au cours des deux premiers semestres pour continuer le programme au troisième semestre, qu’un programme de Bachelor doive être complété en un maximum de 5 ans et un programme de Master en 3 ans, rend très difficile le contrôle de la progression des étudiants internationaux et dans certains cas, l’étudiant arrive à fin du programme sans avoir validé 50% des ECTS requis pour l’obtention du diplôme.

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Certains de ces problèmes ont généré des discussions au niveau national.

L’un des aspects qui a été régulièrement discuté est la possibilité de travailler. Cette situation crée un traitement différent parmi les étudiants, en particulier entre les étudiants étrangers venant de l’UE ou de l’EEE et les ressortissants de pays tiers.

Le problème principale est que certains étudiants provenant de pays très pauvres qui ne bénéficient pas d’accords de coopération internationale, n’ont ni aide financière, ni aide au logement, n’ont pas la capacité financière d’étudier et ne peuvent pas travailler à côté un plus grand nombre d’heures que celles autorisées par la loi. Ce phénomène met en danger non seulement le développement des études (l’étudiant ne met suffisamment l’accent sur ses études), mais cela signifie également que si l’étudiant se fait prendre, il risque la révocation ou le non renouvellement de son permis de séjour et il peut être expulsé du pays.

La prétendue « exode des cerveaux » est un autre point sujet à discussion. Les documents parlementaires de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration a clairement établi que la loi doit restreindre « l’exode des cerveaux » de leurs pays d’origine. Cependant, avec la mise en œuvre de la Directive sur la Carte bleue, transposée par la loi du 8 décembre 2011 pour attirer des travailleurs hautement qualifiés, les deux politiques sont apparemment en conflit. D’une part, un étudiant international ayant étudié dans le pays peut chercher une première expérience de travail s’il remplit les exigences de l’article 59 de la loi et peut travailler dans le pays pendant 2 ans. Néanmoins, étant donné que le permis de séjour de ce « travailleur salarié » ne sera pas renouvelé après ces deux ans, la personne doit retourner dans son pays d’origine. Toutefois, une fois que « l’étudiant international » rentre dans son pays d’origine, rien ne l’empêche de poser sa candidature en tant que travailleur hautement qualifié et revenir dans le pays. Cette situation démontre que le problème « d’exode des cerveaux » est loin d’être résolu et qu’il n’existe actuellement aucune politique claire.

Si l’on regarde les derniers développements et les accords-cadres signés par l’Université du Luxembourg et le fait que ceux-ci se centrent sur les pays développés et les économies émergentes, on peut se demander si cette politique est plus orientée vers l’économie et la recherche, même si la politique de l’université est d’attirer des étudiants ressortissants de pays tiers du monde entier. Cependant, il est nécessaire d’attendre un peu pour vérifier la mise en place de cette politique, étant donné que l’université a moins de 10 ans.

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L’impact des étudiants internationaux au Luxembourg est minimal étant donné le nombre peu élevé d’étudiants ressortissants de pays tiers. Il existe des données partielles sur les entrées et sorties d’étudiants internationaux, mais aucune donnée sur le taux de réussite ou d’échec des étudiants ressortissants de pays tiers. Nous ne disposons pas non plus d’informations sur la mobilité intracommunautaire des étudiants ressortissants de pays tiers, ni sur le permis de séjour délivré pour les travailleurs « salariés » à l’issue de leurs études, ce qui est également dû à la création récente de l’Université.

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