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Ces deux études pilotes avaient pour objectif d’explorer une forme précise de mouvement intentionnel en utilisant les outils de la psychophysique et de l’enregistrement des mouvements oculaires. Elles ont manipulé un indice cinétique élémentaire particulier pour permettre une mesure quantitative de la perception intentionnelle : la convergence directionnelle du loup vers le mouton. Nous avons confirmé que la sensibilité de détection de poursuite diminuait quand des angles de déviation croissants étaient introduits dans la convergence directionnelle du loup

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vers le mouton. Nous avons également développé des mesures oculaires qui témoignent de la détection de la poursuite avant même que le participant n’ait donné sa réponse. Ces mesures permettent notamment d’obtenir une sensibilité oculaire de la détection de traque donnant un accès à une perception intentionnelle "en ligne", plus implicite que celle qui se déduit des réponses en choix forcé des participants. Les mesures oculaires de détection de poursuite per-mettent ainsi d’évaluer les processus perceptifs visuels élémentaires à l’œuvre dans la détection du mouvement intentionnels et cette évaluation se fait indépendamment et en amont des pro-cessus cognitifs et inférentiels impliqués dans le jugement à choix forcé.

Ces études ont par ailleurs permis d’optimiser le choix des angles de déviation nelle dans l’étude portant chez les patients schizophrènes : les angles de divergence direction-nelle utilisés dans l’étude présentée ci-dessous ont été 0˚ , 30˚ et 60˚. De plus, les effets obtenus sur les mesures oculo-motrices développées dans ces études étaient d’une puissance impor-tante, avec des tailles d’effet et des significativités élevées pour une taille d’échantillon rai-sonnable. L’utilisation d’un dispositif d’enregistrement oculaire portatif sans mentonnière ni appui-tête a donc été jugée raisonnable dans l’étude portant chez les patients schizophrènes. Elle avait comme objectif de faciliter le déplacement du dispositif au plus prés du patient pour en faciliter le recrutement sans pour autant sensiblement modifier la précision des mesures oculaires. L’étude suivante a pour objectif de caractériser les bases perceptives et cognitives de la détection de poursuite dans la schizophrénie en utilisant le paradigme que nous venons de présenter dans ces deux études pilotes. A notre connaissance, aucune étude n’a pour l’instant mesuré la Détection du mouvement de poursuite dans la schizophrénie, que ce soit avec l’aide des outils de la psychophysique ou en enregistrant les mouvements oculaires.

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FIGURE1.9: Evolution de la préférence visuelle pour l’ensemble des agents et pour les distrac-teurs, toute déviation directionnelle confondue. Les barres d’erreurs représentent l’intervalle de confiance des moyennes individuelles à 95%.

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FIGURE1.10: Evolution de la préférence visuelle pour les distracteurs pour les différents de-grés de déviation directionnelle. Les barres d’erreurs représentent l’intervalle de confiance des moyennes individuelles à 95%.

REFERENCES DES ETUDES PILOTES DE LA DETECTION DE POURSUITE Page 81

Références des études pilotes de la

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Chapitre 2

Détection du mouvement de poursuite :

étude dans la schizophrénie

2.1 Présentation de l’article

2.1.1 Introduction

La schizophrénie se caractérise par des anomalies de l’attribution intentionnelle à autrui, notamment lorsque les agents intentionnels sont des figures géométriques abstraites en mouve-ment comme les stimuli de Frith-Happé. Cependant, les paradigmes testant habituellemouve-ment la perception du mouvement intentionnel dans la schizophrénie sollicitent de manière importante le raisonnement explicite et les capacités verbales. Il n’a donc jusqu’à présent pas été possible de savoir si le déficit intentionnel dans la schizophrénie avait une origine perceptive ou s’il concer-nait uniquement les inférences de plus haut niveau. Le premier objectif de cette étude est donc de caractériser le niveau du déficit d’attribution d’intentions dans la schizophrénie : concerne t’il les stratégies d’explorations visuelles ? l’étape perceptive elle-même ? l’étape d’évaluation des informations perceptives et de la prise de décision ? ou bien l’étape de production de la réponse verbale ? Le deuxième objectif est de caractériser la nature du déficit d’attribution in-tentionnelle dans la schizophrénie. Très peu d’études ont en effet jusqu’à présent directement questionner si le déficit d’attribution intentionnelle dans la schizophrénie se caractérisait par une hypomentalisation, c’est-à-dire par une moins bonne capacité à percevoir et/ou inférer des intentions ou bien par une hypermentalisation, c’est-à-dire par une hyper-attribution d’inten-tions par exemple à agents présentant des mouvements aléatoires non intentionnels.

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2.1.2 Matériel et méthodes

Pour répondre à ces deux questions, nous avons enregistré les mouvements oculaires chez 29 patients schizophrènes et 29 participants témoins sur le paradigme de détection de poursuite décrit dans la section 1 page 52. Trois sensibilités ont été déduites des performances en choix forcé et des mouvements oculaires sur cette tâche :

1. la sensibilité totale (variable dépendante : réponses en choix forcé ; variable indépen-dante : présence de poursuite). Une hypomentalisation devrait entrainer une sensibilité totale plus faible chez les patients. Nous avons également calculé à partir de ces mêmes réponses en choix forcé le biais de détection de poursuite : une hypermentalisation de-vrait entrainer un biais en faveur de la réponse "poursuite présente" chez les patients schizophrènes.

2. la sensibilité perceptive (variable dépendante : réponses oculaires ; variable indépen-dante : présence de poursuite). Une origine perceptive au déficit de détection du mouve-ment intentionnel dans la schizophrénie devrait se manifester par une sensibilité percep-tive plus faible dans le groupe de patients.

3. la sensibilité cognitive (variable dépendante : réponses en choix forcé ; variable indépen-dante : réponses oculaires). Une origine cognitive au déficit de détection du mouvement intentionnel dans la schizophrénie devrait se manifester par une sensibilité cognitive plus faible dans le groupe de patients.

Une stratégie d’exploration visuelle a également été déduite des mouvements oculaires en-registrés sur le paradigme de détection de poursuite. Nous avons déterminé si les participants avaient adopté une stratégie plutôt centrée sur les agents (le regard se pose successivement sur chacun des agents jusqu’à ce que la poursuite soit détectée) ou plutôt centrée sur le barycentre des agents (jusqu’à ce que la poursuite soit détectée, le regard va se focaliser sur le barycentre de tous les agents permettant ainsi d’obtenir une perception simultanée du mouvement de tous les agents ). En plus du paradigme de détection de poursuite, les participants ont également bé-néficié d’une mesure contrôle des capacités de poursuite oculaire lente (une description plus précise que celle faite dans l’article présenté ci-après est proposée en Annexe page 131) et d’une évaluation de la paranoïa à l’aide d’une version "papier-crayon" de l’Echelle de Paranoïa dont une description détaillée est présentée à la section 2.3 page 233.

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2.1.3 Principaux résultats

Le groupe de participants schizophrènes présentait une sensibilité de détection de pour-suite plus faible que le groupe de participants contrôles malgré un appariement sur l’âge, le sexe, le niveau éducatif, le QI et les performances en poursuite oculaire lente. Aucune diffé-rence de groupe n’a par contre été trouvée pour le biais de détection de poursuite. Les patients qui présentaient un syndrome de désorganisation marqué étaient aussi ceux dont la sensibilité de détection de poursuite était la plus faible. Cette diminution de la sensibilité de détection de poursuite chez les patients concernait autant la sensibilité perceptive que la sensibilité cog-nitive. Les patients présentaient également une stratégie d’exploration visuelle différente de celle des témoins, avec une tendance plus marquée à focaliser le regard sur le barycentre des agents au détriment d’une focalisation attentionnelle sur chacun des agents. Cette différence de stratégie d’exploration visuelle expliquait entièrement la baisse de la sensibilité perceptive de détection de poursuite dans le groupe de patients. Par contre, la plus faible sensibilité cognitive mise en évidence chez les patients n’était pas expliquée par la différence de stratégie visuelle, ni d’ailleurs par aucun autre mesure utilisée dans cette étude.

2.1.4 Discussion

Les patients schizophrènes présentent donc un déficit d’hypomentalisation qui se caracté-rise par des difficultés à produire une réponse oculaire appropriée (déficit perceptif) et à sélec-tionner la bonne réponse sur la base des informations perceptives qu’ils ont collectées (déficit cognitif). Il n’y a par contre pas de résultats en faveur d’un déficit d’hypermentalisation dans la schizophrénie. Une question reste cependant non résolue par cette étude. Les patient schi-zophrènes présentent des déficits dans la perception du mouvement non intentionnel : il est donc possible que le déficit schizophrénique en détection de poursuite mis en évidence dans cette étude soit expliqué par des anomalies perceptives plus généralisées comme par exemple la capacité à discriminer les directions de plusieurs mobiles en mouvement. Les résultats sug-gèrent qu’une stratégie efficiente de remédiation cognitive de la perception du mouvement intentionnel devrait se focaliser à la fois sur une normalisation des mouvements oculaire pour améliorer les processus perceptifs (ex : entraîner les patients à focaliser leur attention plutôt sur les agents que sur le barycentre des agents) mais aussi sur une amélioration des processus cognitifs (ex : entraîner l’interprétation des informations sensorielles, la décision, la production

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de la réponse...).