Les amas de galaxies sont des sondes privilégiées pour les études cosmologiques. En
effet, leur période de formation correspond au moment où l’énergie noire est devenue la
composante principale de l’Univers. Les amas y sont donc sensibles, et leur étude permet
de contraindre les modèles cosmologiques. De plus, la composition en masse des amas,
qui reflète celle de l’Univers dans son ensemble, ainsi que leur distribution en masse et en
redshift, permettent de contraindre le contenu en matière et en énergie de l’Univers. Leur
étude permet donc de tester les modèles de formation des structures, et de contraindre
leur paramètres.
Les amas de galaxies sont principalement constitués de matière noire (Section 2.2), et
sont donc essentiellement gouvernés par la gravitation. Mais de nombreux processus
non-gravitationnels influent sur leur composante baryonique, et ont un impact non-négligeable
sur les propriétés physiques des amas. La connaissance de ces processus est donc nécessaire
à notre compréhension de ces objets astrophysiques, de la formation et de l’évolution des
grandes structures de l’Univers, et est un préalable à leur utilisation en cosmologie.
Chapitre 2
Les amas de galaxies
2.1 Formation
Le modèle de formation des amas de galaxies le plus simple est celui de l’effondrement
sphérique (Figure 2.1, Gunn & Gott, 1972; Fillmore & Goldreich, 1984; Bertschinger,
1985). Dans ce modèle, on se place dans un univers Einstein-de Sitter (Section 1.1.3), et
on suppose que les amas sont représentés par des surdensités sphériques et homogènes.
Ces surdensités de matière primordiales (Section 1.4) suivent l’expansion de l’Univers,
et accrètent de la matière des régions environnantes. Elles croissent linéairement jusqu’à
ce que leurs masses soient suffisantes pour se découpler de l’expansion cosmologique. La
matière s’effondre alors sur elle-même, et les perturbations entrent dans un régime de
croissance non-linéaire.
Dans les amas réels, l’effondrement gravitationnel n’est bien sûr pas parfaitement
symé-trique. Le potentiel gravitationnel des amas varie donc en fonction de la chute de matière,
et engendre une distribution de vitesses aléatoires des particules en forme de maxwellienne,
dans laquelle la température des particules est proportionnelle à leurs masses. C’est le
pro-cessus de « relaxation violente » (Lynden-Bell,1967) qui conduit finalement les amas à un
état d’équilibre viriel.
Le théorème du viriel prédit que le rayon des amas après leur effondrement est égal à
environ la moitié de leur rayon au moment de leur découplage d’avec l’expansion. Nous
appellerons ce dernier rd. Les amas de galaxies n’ont pas de limites spatiales physiques,
mais leur rayon peut être défini par une coupure de densité moyenne de l’amas en unités de
densité moyenne1 ou de densité critique d’un univers Einstein-de Sitter. En effet, dans un
tel univers, la densité moyenne et la densité critique évoluent pendant l’effondrement des
amas. Donc, si on considère le rayon final d’un amas comme étantrd/2, la densité moyenne
1. La densité moyenne de l’Univers est égale à sa masse divisée par son volume. La densité de l’Univers
détermine la forme et la géométrie de l’Univers (Section1.1.3).
Figure 2.1 – Illustration de l’effondrement sphérique d’un amas dans un univers Einstein-de
Sitter (en bleu) et dans le modèle de concordance (en vert). Le panneau de gauche montre la
formation d’un amas dont l’effondrement est terminé à z= 0, et le panneau de droite montre la
formation d’un amas dont l’effondrement est terminé àz= 0,5 (Boehringer et al.,2011).
de la sphère correspondante est 6M/πR3d. Cette densité est égale àδv = 8π2/(Ht)2 fois la
densité critique de l’Univers ρcr (Section1.1.3). De plus, dans un univers plat,Ht= 2/3.
La densité moyenne de la perturbation est donc de 18π2 ≃178 fois la densité critique de
l’Univers.
L’effondrement des amas dans le modèle ΛCDM est semblable (Figure2.1). Cependant,
à basredshift, dû à l’accélération de l’expansion de l’Univers, la densité des amas du modèle
ΛCDM est plus faible, et la densité critique de l’Univers est plus élevée. Dans le modèle
ΛCDM, δv peut être approximé par la relation suivante, dérivée par Bryan & Norman
(1998) :
Figure2.2 –Densité de matière noire projetée àz= 0 de la simulation numérique duMillennium
Run représentant la toile cosmique dont les amas sont les noeuds (Springel et al.,2005).
Alors, à z= 0, δEdS = 178 dans un univers Einstein-de Sitter correspond à δΛCDM =
101 dans le modèle ΛCDM. Le rayon, et donc la masse1 des amas de galaxies, sont donc
complètement dépendants du modèle cosmologique utilisé.
Une définition pratique du rayon viriel est le rayon à l’intérieur duquel la densité
moyenne de l’amas estδvρcr (Eke et al.,1996;Evrard et al.,1996). Un rayon couramment
utilisé est r180, le rayon à l’intérieur duquel la densité moyenne de l’amas est égale à 180
(18π2 ∼180) fois la densité critique de l’Univers (Peebles,1980). D’autres rayons d’échelle
sont fréquemment utilisés, tels quer200etr500, à l’intérieur desquels les densités moyennes
des amas sont respectivement égales à 200ρcr et à 500ρcr.
Dans le modèle ΛCDM, les structures évoluent hiérarchiquement. Les amas de galaxies
continuent donc de croître par fusions, et par accrétion de matière provenant des filaments
de la toile cosmique, dont ils sont les noeuds (Figure 2.2, Lacey & Cole, 1993; Press
& Schechter, 1974). Ce sont les structures les plus récentes de l’Univers. Les modèles
théoriques prédisent la formation d’amas à partir d’un redshift de z ∼ 2 (par exemple
Boylan-Kolchin et al.,2009, pour la simulation Millennium-II). L’amas le plus lointain a
été observé àz= 2,07 avec le satelliteSpitzer. Cette détection a été confirmée grâce à une
analyse multi-longueurs d’onde photométrique et spectrométrique (Gobat et al., 2011).
Les amas de galaxies sont les plus grandes structures en quasi-équilibre hydrostatique
1. Pour un rayonrδ, la masse correspondante d’un amas est définie commeMδ= 4/3πr3
de l’Univers. Ils ont une taille de l’ordre du mégaparsec1, et une masse comprise entre
quelques 1013 M⊙ et quelques 1015 M⊙2.
Dans le document
Analyse statistique de l'impact de la poussière et de l'émission radio des amas de galaxies
(Page 33-37)