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Suite à ces retours, constatations et réflexions, voici quelques recommandations destinées à éclairer la commission. Je débute en vous mentionnant que face à toutes ces aberrations que j’ai soulevées, je trouve que les gens des Îles ont été très patients, collaborateurs et tolérants! Vous l’avez sans doute remarqué aux audiences. Les gens restent très attachés à l’Île Brion et c’est ce qui rend d’autant plus pénible la situation actuelle d’abandon, de laisser-faire et de « à l’année prochaine ou dans deux ans! »

1-Concernant le programme éducatif et le plan de conservation: des ressources financières et humaines expérimentées devraient être consacrées à la révision des documents comme tels dans le contexte actuel. Ces outils doivent aussi permettre des ajouts facilement et régulièrement en fonction du contexte évolutif. On ne doit pas y traiter des ententes avec les partenaires ou organisations locales (parfois appelés à changer dans le temps) mais des aspects plus fondamentaux et durables.

Les activités permises ou non dans la partie hors réserve devraient cependant y figurer de façon très claire. Il faut impérativement un cadre règlementaire souple dans ce secteur hors réserve, axé sur la conservation, et peut-être devrait-on envisager un réel statut de conservation complémentaire adapté aux impératifs de ce secteur. Ces outils doivent être disponibles facilement sur la plate-forme du Ministère, comme le sont d’ailleurs plusieurs plans de conservation de réserves écologiques. Concernant le plan de conservation, lorsque j’ai demandé de la documentation à la direction des aires protégées en 2015 afin de travailler sur les recommandations de nouveaux parcours éducatifs, la bibliographie alors envoyée mentionnait « absent du dossier » pour cet important document que je suggérais alors même de numériser au cégep afin de le rendre plus disponible (et que j’ai finalement obtenu du biologiste Sébastien Cyr). Il y aurait lieu de revoir ce système bibliographique dans l’optique d’en faciliter la consultation.

On doit être bien au fait du contexte particulier de cette « réserve éducative » et pas seulement localement! Le support ministériel doit être à plusieurs niveaux et ne pas être toujours pour « l’an prochain ». Il faut se mettre à la tâche dès maintenant.

Des organisations locales comme Attention FragÎles sont en mesure de produire ces outils, mais il faut aussi prévoir des moyens de support « durables », autant que se veulent l’être les réserves écologiques!

25 Pour le déploiement subséquent du programme éducatif, je recommande fortement d’entrevoir la possibilité de faire appel à deux organisations : l’une spécialisée en transport et connaissant bien les particularités du milieu qu’est l’Île Brion et l’autre ayant des compétences en éducation relative à l’environnement et étant bien au fait de l’importance et des particularités de notre réseau d’aires protégées, pas seulement les « récréatives ». Si la chose apparait sérieuse et stimulante, je suis prête à contribuer à cet aspect, à la mesure du temps dont je disposerai, afin de faire les liens nécessaires entre ce qui a été fait au début et la proposition que j’ai faite (pour les parcours éducatifs) en 2016 au Ministère.

D’autres ajouts sont aussi nécessaires concernant le contenu de ce programme, notamment pour s’assurer qu’il s’adresse en priorité aux Madelinots. Le document produit sur les réserves écologiques en 2015, au coût de 500,000$ dont parle M.

Gaudreault dans son mémoire serait certes très utile à cet exercice, de même que plusieurs autres documents et ressources compétentes que possède le Ministère, qui doit être plus proactif dans ce dossier, en fonction de ses compétences propres.

La question de surveillance reste entière et bien qu’une partie puisse se faire par le biais des activités éducatives et de la communauté de Grosse-Île, il faut des responsables localement, qui peuvent tout au moins aller faire des tournées à cet effet comme mentionné dans le Plan de conservation. Ces tournées pourraient d’ailleurs servir également à documenter photographiquement la distribution des phoques gris et autres particularités autour et sur l’Île et contribuer ainsi à la

« surveillance environnementale » essentielle dans une réserve.

2-Concernant la recherche : je l’ai mentionné à plusieurs reprises. C’est là que se déploie toute la grandeur des réserves et qu’on amène les gens à mieux en saisir l’utilité. De nombreuses recherches devraient être menées actuellement, pour suivre la forêt en régénération, dont la forêt rabougrie et comparer celle-ci avec le reste des Îles. On doit aussi faire des recherches sur ce qui se passe actuellement avec cette colonie de phoques, côté terrestre : les dunes et la végétation et obtenir des données probantes de l’impact de ces récents utilisateurs de l’Île. Ces recherches doivent se réaliser en continu sur une bonne période. Je dirais que c’est là la priorité, car cet aspect va nous aider à comprendre et trouver des solutions plus durables au besoin pour la protection de la biodiversité même de l’Île.

L’on doit impérativement se servir du contexte insulaire maritime unique de cette réserve afin de faire de la recherche « intégrée » et mettre ensemble les aspects terre-mer pour bien comprendre tous les liens qui se produisent actuellement dans cet écosystème. Si on comprend mieux l’impact du phoque sur la morue et bien qu’il soit piscivore, quel est alors l’impact réel (possiblement indirect) des phoques gris sur les homards? Cette question est fondamentale pour l’économie des Îles et tous

26 les gens qui y travaillent et doit être étudiée selon ses aspects locaux et plus globaux à long terme.

Pourquoi ne demande-t-on pas aussi au laboratoire de dynamique côtière de l’UQAR (déjà venu faire une courte recherche sur l’Île Brion en 2007) de mettre des bornes sur les plages de l’Île Brion et dans certaines falaises comme ils le font partout autour des Îles? Bien sûr ce programme est d’abord fait pour des questions de sécurité publique, mais dans le contexte actuel, ce serait majeur d’obtenir des informations à ce sujet, que l’on pourrait justement comparer avec celles obtenues pour le reste des Îles sur une base de « surveillance environnementale » comme doit le permettre une réserve écologique? Ces informations nous permettraient d’évaluer si le territoire s’agrandit ou rapetisse dans la situation actuelle. Cela apparait important pour suivre nos superficies d’aires protégées. Les plages s’accroissent visiblement à plusieurs endroits sur l’Île et les falaises subissent une érosion importante. Tout le secteur de la Saddle est disparu et a créé une nouvelle île séparée du reste (l’île de l’Est). Il est certain que cette superficie d’aire protégée a changé et que la majorité des plages où sont actuellement les échoueries de phoques gris n’existaient pas il y a 30 ans.

Il faudrait revoir l’approche même de la direction des aires protégées et de la direction régionale à ce sujet afin d’agir de façon plus collaboratrice et aidante dans cet important dossier déterminant pour notre bonne compréhension de ces milieux. Il est nécessaire aussi de diffuser ces recherches aux milieux concernés, les universités régionales comme l’UQAR et le campus collégial des Îles où les documents sont bien classés et facilement accessibles, et en aviser les organisations locales en environnement (Attention FragIles, Comité ZIP, Société de conservation, CERMIM), socio-économiques et la communauté maritime dont c’est le territoire. On pourrait créer un réseau de communication local à cet effet.

3-Concernant le statut d’aire protégée : je ne recommande pas, à première vue, de changer le statut de la Réserve écologique si l’on peut faire autrement. Tout d’abord parce que c’est un recul sur nos aires protégées pour tenter de régler un problème sans doute éphémère dans toute l’histoire de ces milieux protégés de façon pérenne. Les statuts présentés (si on les cerne bien), ont tous une optique de conservation. La zone hors réserve aussi. La chasse y est interdite et si jamais elle devenait permise, jamais on ne pourrait limiter cette activité à un seul type de chasse et une petite période. Et comment justifier cet objectif de conservation? Ces changements demandent également du temps et la situation actuelle requiert, à mon avis, une réaction plus urgente. Mais si jamais on décide tout de même de suivre cette avenue, il faudrait le faire dans une optique de « pas de perte nette de zone protégée » et choisir l’option la plus adaptée à cette situation.

27 Je laisse ce soin aux experts. Peut-être que nous sommes déjà à ce niveau de pas de perte nette, même en retirant (temporairement si possible) un secteur de la plage du sud-ouest de la réserve. Mais très honnêtement, si on en arrivait là, j’aurais vraiment l’impression de faillir à notre responsabilité envers les générations futures, malgré tout le découragement actuel dont fait part mon présent mémoire envers ces premiers gardiens de notre patrimoine naturel. Et a-t-on des données scientifiques solides pour analyser l’impact de telles mesures comme on a mentionné essentiel dans les scénarios présentés?

Nous avons employé le même stratagème pour installer des éoliennes dans un site floristique à la Dune-du-Nord, mais de tels sites se modifient dans le temps et les bénéfices vs les impacts dont il était question n’avaient pas du tout la même portée.

J’étais alors d’accord avec ce projet d’éoliennes, car j’avais confiance qu’il serait fait dans les meilleures conditions avec la collaboration de tous. D’ailleurs, je crois que la plupart des gens ont découvert à ce moment l’existence de ce site floristique (même la communauté maritime) et de certaines plantes rares, dont le Corème, qui y étaient. Il y aurait lieu de mieux faire connaitre nos aires protégées et leurs différentes caractéristiques.

4-Concernant la colonie de phoques de l’Île Brion : malgré tout ce que j’ai dit antérieurement, je crois qu’on a un problème de proximité et que nous l’avons causé! Il ne s’agit pas à mon avis de développer une activité commerciale par le biais d’une réserve écologique, loin de là. Par contre, si l’expertise permet d’avoir le concours de chasseurs expérimentés (qui de toute façon vont quand même devoir aller ailleurs comme à Pictou pour alimenter cette industrie naissante) et que l’industrie est intéressée au traitement des phoques à plusieurs niveaux, cela fait pas mal plus de sens que d’abattre ces bêtes près de l’Île et ailleurs sous prétexte que c’est rendu une espèce nuisible et une menace à une autre activité économique importante du secteur : la pêche, mais dans ce cas de proximité, je dirais la pêche aux homards à l’Île Brion! Les aspects écologiques doivent cependant primer sur ceux économiques dans cette réflexion. On a souvent dit qu’on avait une

« police d’assurance patrimoine » avec nos réserves écologiques. En ce moment, c’est plutôt un abandon du patrimoine à tous les niveaux et dont les phoques savent très bien tirer parti. Je suis d’avis que la problématique et ses perceptions seraient différentes si nous avions bien suivi la chose dès le début de cette colonie de phoques en 2010. Nous faisons maintenant face à une situation qu’on ne peut plus nier et que les gens extérieurs qui ne la vivent pas et n’en sont pas affectés peuvent difficilement comprendre. Jamais je n’aurais cru que la création de cette réserve écologique le 29 septembre 1988 pourrait avoir de tels impacts négatifs (à l’échelle actuelle et de façon localisée) sur les pêcheurs de Grosse-Île avec

28 qui je voyageais régulièrement jadis pour aller à l’Île. Le problème il est là et nous ne règlerons pas les autres problématiques liées au phoque gris. Concentrons-nous sur cela et travaillons pour cela, mais faisons-le bien, de façon impeccable si possible.

Dans la présente situation, je propose de faire un peu comme on a fait avec la Réserve nationale de faune et la circulation motorisée (activité normalement interdite dans un tel lieu), soit une exception temporaire acceptée par les hauts responsables (et éventuellement identifié dans un plan de conservation révisé aux 5 ans, par exemple). Ce problème à la réserve nationale existe depuis de nombreuses années et plusieurs s’y sont cassé les dents. Les gestionnaires actuels ont engagé des organisations locales et régionales (universités) et les ont assidument accompagnées afin de permettre une rationalisation des sentiers, en concertation avec les premiers utilisateurs concernés, tout en déployant des activités de recherche sur l’impact de cette activité et de la cessation de cette dernière à certains endroits. Il est certain que dans les premières rencontres, les gens voulaient continuer à aller partout selon leur bon plaisir, tout comme il a été dit lors des audiences à Grosse-Île que ce serait bien de pouvoir se déplacer librement et chasser la sauvagine un peu partout comme avant à Brion… C’est un peu pour ça que les lois et règlements existent. On ne peut laisser la cacophonie liée aux goûts et besoins de chacun prendre le dessus, surtout pas dans une réserve écologique chèrement acquise et pour longtemps!

Il faudrait à mon avis considérer en priorité l’impact local sur les gréements de pêche des pêcheurs de Grosse-Île et intervenir en fonction de ce problème spécifique causé par la réserve écologique elle-même malgré qu’on avait jadis dit aux pêcheurs qu’ils ne seraient jamais « empêchés » dans leurs activités à cause de cette réserve. Je propose donc qu’on fasse une exception temporaire sur une base de, par exemple, 10 ans dans une zone de plage du secteur sud-ouest (du cap Noddy à Anthony’s Nose) à cette fin uniquement de prélever un nombre X de jeunes phoques gris (déterminé par le MPO) annuellement, sans doute en janvier-février, mais en excluant toute la période de avril à novembre pour des raisons évidentes de protection des colonies d’oiseaux et activités éducatives. Il y a d’ailleurs eu des chasses expérimentales menées aux abords de l’ Île Brion par le MPO, notamment en 2015, en plein mois de juillet et qui ont sans nul doute eu bien des impacts sur les activités écotouristiques et les colonies d’oiseaux marins à ce moment. Cette activité devrait se réaliser sur la plage et comme la ligne des hautes eaux me semble très restrictive et difficile à distinguer l’hiver, le territoire pourrait aller jusqu’à la base du premier buttereau, bien défini comme dune bordière.

29 Un observateur, indépendant et bien formé à ces fins, devrait être sur chaque bateau, à la charge des expéditions de chasse ou du MAPAQ?, afin de documenter les nombres de phoques abattus, les techniques employées et d’autres aspects faisant partie d’un protocole bâti en collaboration avec les divers intervenants concernés.

On pourrait profiter de ce contexte afin de bâtir le fameux code de bonnes pratiques dont il a abondamment été question au forum de 2016 et par la suite au comité de suivi. Les techniques de chasse terrestres pourraient aussi être bien documentées et déterminées afin de redorer quelque peu le blason de cette chasse aux phoques. On pourrait aborder cette collecte en expliquant bien ses objectifs et en étudiant très bien ses effets sur les équipements de pêche au homard. On pourrait finalement en profiter pour faire de la « surveillance environnementale » et bien documenter ce qui se passe en cette période hivernale sur le milieu terrestre de l’Île Brion alors que les phoques adultes mettent bas.

En conclusion…

La réserve écologique semble être bien structurée en théorie, sur papier, mais il est très dommage qu’on n’applique pas les fondements de ce que l’on a dit qu’on devait faire ou qu’on ait cessé de le faire! On peut se demander pourquoi le ministère peut ainsi déroger de ses responsabilités alors que les partenaires locaux doivent bien se soumettre à tous ces écrits, même si parfois démontrés inadaptés, sinon on sévit aveuglément, comme c’est arrivé dans le passé? L’accès à l’Île et le respect de sa population et de certaines activités traditionnelles (pêche) a toujours été une condition dans cette stratégie de conservation où le gros bon sens est de mise. Je crois et j’ai toujours cru qu’une approche écosystémique comme le permet une aire marine protégée, dont l’objectif est justement de traiter de façon intégrée la gestion de nos ressources dans une optique d’utilisation la plus durable possible et sur une base de conservation de la biodiversité (qui en paie les frais à plusieurs niveaux en ce moment, assurément), serait un apport incroyable pour aborder des questions de ce genre. Localement, les gens ne font malheureusement pas très confiance à cette possible avenue qui implique le MDDELCC, vu « l’exemple » d’abandon pur et simple et de financement inexistant de la présente situation. C’est dommage. Peut-être en viendra-t-on un jour à cette étape et qu’elle pourra alors nous aider dans de telles problématiques, car la gestion d’une aire marine est aussi locale et c’est cette gouvernance participative qu’il faut viser, même dans le contexte actuel. À ce moment on pourra peut-être soustraire une portion plage de la réserve pour l’intégrer à l’aire marine et permettre cette utilisation contrôlée et durable de la ressource phoque dans cette réserve…pas comme les autres!

30 Je n’ai pas abordé la question des gros budgets promis pour les infrastructures, car cet aspect me semble devoir être traité ailleurs qu’ici, mais au bénéfice de la commission, il serait sans doute intéressant d’aller écouter l’émission suivante à laquelle j’avais participé suite à l’annonce des budgets par la ministre Mélançon.

http://cfim.ca/reactions-aux-annonces-concernant-lile-brion-entrevues/

et la nouvelle :http://cfim.ca/reaction-mitigee-aux-annonces-concernant-lile-brion/

Finalement, je vous prie d’excuser les quelques coquilles qui ont forcément dû se glisser dans cette écriture précipitée par les courts délais de cette consultation associés à un retour de voyage très récent. Merci encore à vous pour votre travail et écoute dans tout ce dossier!

Lucie d’Amours

Activité de formation d’écointerprètes à l’Île Brion par l’auteure Il y a quelques années…

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