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Conclusion préliminaire

Dans cette première partie visant à établir les concepts qui constitueront le cadre théorique global de notre étude, nous avons pu constater que les notions de langue, pouvoir et identité forment une équation fondamentale dans les processus de diffusion linguistique. Comprendre la diffusion de l'anglais au niveau mondial repose sur la compréhension de la relation qui existe entre ces trois paramètres, étape essentielle dans l'étude de la diffusion de l'anglais en Algérie.

Les langues dominantes qui se sont succédées au cours de l'histoire ont toujours toutes été les reflets d'une entité politique puissante. L'anglais ne déroge pas à la règle puisqu'il fut diffusé mondialement dans un premier temps grâce à la puissance de l'empire colonial britannique, puis grâce à la domination économique des États-Unis à partir des années 1950. Selon un effet « boule de neige », le pouvoir est à la fois une cause et une conséquence de la diffusion linguistique. Plus une langue est diffusée et plus les locuteurs natifs de cette langue acquièrent du pouvoir dans certains domaines. Aujourd'hui par exemple, un locuteur anglophone aura l'avantage sur le marché de l'emploi désormais globalisé, de maîtriser la première langue internationale utilisée dans le monde des affaires, des sciences et des nouvelles technologies. L'explosion de l'industrie culturelle confère également aux pays anglophones et surtout aux États-Unis une source de richesse économique importante eut égard au prestige de l'anglais dans la culture musicale et cinématographique que partagent les jeunes dans le monde entier. A travers la diffusion d'une langue, c'est également l'identité culturelle et linguistique de tout un groupe, communauté ou nation qui est véhiculée à travers notamment l'exportation de produits culturels. En outre, la diffusion d'une langue peut également être un support efficace dans la diffusion de certaines idéologies qui font partie

intégrante de l'identité d'un groupe. Ainsi, nous avons vu que l'anglais, en tant que « langue maternelle » des nouvelles technologies, est souvent associé à l'idéologie du progrès et du développement économique, et peut-être même à tout un système occidental basé sur la consommation qui tente de s'exporter pour accroître les richesses de certains acteurs économiques. L'association des notions de langue et identité basée sur une relation de pouvoir fut également visible dans les politiques dites d'assimilation, véhiculant elles aussi une idéologie, un style de vie qui s'impose à travers l'adoption d'une langue.

Le concept de langue ne doit pas être entendu comme un simple code linguistique dénué de sens social mais comme tout un complexe linguistico-culturel permettant d'imposer ou d'exprimer des idées, une culture, mais également d'affirmer une autorité voire une domination. Elle peut également être outil de résistance ou expression d'une volonté communautaire de servir des intérêts culturels ou socio-économiques. Langue, pouvoir et identité sont ainsi au cœur de toutes les sociétés et régissent l'ensemble des phénomènes sociaux tels que la diffusion linguistique. La diffusion de l'anglais dans le monde répond à ce mécanisme de base mais comme tout mécanisme, elle rencontre certaines résistances qui font que l'expansion de l'anglais global n'est pas un processus homogène et peut être source de conflits linguistiques. Ces résistances surviennent précisément autour des trois éléments clés de ce mécanisme que sont la langue, l'identité et le pouvoir. Au niveau linguistique par exemple, il semble à première vue logique que la diffusion de l'anglais soit moins intense dans une région où la langue première est également mondialement diffusée. D'un point de vue identitaire, l'anglais peut véhiculer certaines valeurs culturelles allant à l'encontre des valeurs propres à un individu ou à une communauté, nourrissant ainsi une certaine réticence à l'apprentissage de cette langue. Enfin, en termes de pouvoir, un conflit symbolique peut opposer la diffusion de deux langues, comme on l'observe dans la relation entre l'anglais et le français dans les institutions européennes ou comme nous le verrons à travers l'attitude négative envers l'anglais dans la politique linguistique française en général qui laisse apparaître une lutte pour accroître l'influence diplomatique de la France à l'étranger. Cependant, si l'on peut aisément localiser les phénomènes selon les trois pôles de résistance, il convient de garder à l'esprit qu'il s'agit bien d'un mécanisme résultant d'un processus.

La diffusion de l'anglais, comme toute autre lingua franca, dépend des facteurs qui favorisent ou freinent son implantation dans un environnement donné. Ainsi, les politiques linguistiques des États peuvent jouer un rôle fondamental dans la diffusion de la langue internationale au sein de la nation. Elles peuvent faciliter l'apprentissage de cette langue en tant que langue étrangère à travers le financement de dispositifs éducatifs pour faciliter son implantation, d’où l’importance des mesures intégrant le domaine de « acquisition planning ». Le discours politique peut également créer un environnement idéologique favorable ou non à son implantation. De façon générale, au cours de l'Histoire, il semble que les questions de politique linguistique furent mises au-devant de la scène de manière récurrente et principalement à l'occasion d'événements internationaux ayant engendré des restructurations frontalières, comme la décolonisation, la chute de l'Union Soviétique et aujourd'hui la mondialisation. Ceci laisse donc penser que la politique linguistique est l'une des prérogatives de l'État-nation en raison du rôle fondamental que joue la langue l'État-nationale dans la création d'une identité et de valeurs communes qui fait l'unité d'une nation, légitimant ainsi la souveraineté de l'État. Cependant, la mondialisation actuelle semble être à l'origine d'un glissement de pouvoir, ainsi que l'affirme Friedman dans sa théorie qu'il décrit selon la métaphore que « la terre est plate ». Le pouvoir, ici conçu comme un pouvoir de décision et d'action centralisé au sein de la sphère étatique, serait donc passé entre les mains des multinationales et des individus eux-mêmes. En raison de la remise en question (voire la fin) de l'État territorial, il semble que les dirigeants gouvernementaux ne soient plus les seuls faisant autorité dans l'aménagement linguistique de leur territoire. Si les frontières politiques persistent, la notion de territoire en tant qu'imaginaire collectif s'est étendue au-delà de la nation. On parlera par exemple des couloirs transnationaux pour évoquer les nouveaux espaces créés par les phénomènes migratoires. Les immigrés, motivés par des raisons politiques, économiques ou encore familiales, sont de plus en plus nombreux en Europe notamment et constitue une catégorie de la population qui ouvre les frontières nationales vers différents pays de par les contacts qu'elle entretient avec les pays d'origine. En outre, la mondialisation économique, à l'origine de l'essor des multinationales, encourage la mobilité des travailleurs au niveau mondiale ce qui tend à réduire les sentiments ethnocentriques chez des catégories sociales motivées par le désir de réussite socioprofessionnelle. Les individus eux-mêmes et les multinationales ont donc aujourd'hui plus de poids dans l'aménagement linguistique, ceci pouvant rivaliser avec les politiques linguistiques

élaborées par les gouvernements. Ainsi, la diffusion de l'anglais peut alors trouver sa force dans des facteurs de diffusion qui concernent directement les individus et sur lesquels l’État a un faible pouvoir d'action.

La diffusion des langues et de l'anglais particulièrement relève de facteurs multiples qui dépassent le cadre de l'impérialisme linguistique ou des « top-down theories ». Il est largement admis aujourd'hui que les langues sont également diffusées du « bas vers le haut » (« bottom-up theories »). En outre, l'étude de ces facteurs linguistique a montré la nécessité de considérer un modèle de diffusion dynamique qui prendrait en considération la valeur relative des langues et le caractère évolutif de la configuration linguistique mondiale. Dans cette perspective, le modèle descriptif de De Swaan peut être considéré comme pertinent pour rendre compte d'une situation qui reflète la rencontre des dimensions globale et locale nécessaire à notre étude sur la diffusion de l'anglais en Algérie. Ainsi, dans un premier temps, il sera possible d'évaluer et de comparer la force d'attraction des langues en présence sur le territoire algérien avant de confronter ces résultats aux attitudes d'un groupe d'étudiants de l'Université de Mascara.

PARTIE II

L'ANGLAIS DANS LE CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE

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