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Comparaison de la force d’attraction de l’anglais, du français et de l’arabe en tant que langues internationales

L'ANGLAIS DANS LE CONTEXTE SOCIOLINGUISTIQUE ALGERIEN

II. 2. Comparaison de la force d’attraction de l’anglais, du français et de l’arabe en tant que langues internationales

L’étude comparative de la force d’attraction des langues émergentes a montré que les indices se référant aux critères démographique, économique et à la qualité

socio-31 On notera que l’on emploie l’adjectif « colonial » dans son sens large. Ici on fera référence à des langues impliquées dans tout type d’expansion territoriale ayant engendré un déplacement de population et/ou une diffusion linguistico-culturelle issue de la communauté dominante.

économique des locuteurs ont été définis comme les plus susceptibles de connaître une évolution quantitative significative à court terme. En revanche, les critères de dispersion, le pouvoir politique (de même que le facteur idéologique et religieux) sont soumis à une certaine forme de stabilité dans la mesure où ils relèvent souvent d'un héritage historique. On peut considérer que ces critères ont trait à la durée du pouvoir qui institutionnalise une langue dans des espaces géographiques et des domaines d'utilisation tel que le souligne Benrabah (2009b). De toute évidence, les langues « émergentes » ne peuvent tirer leur force d'attraction dans l'établissement d'un pouvoir de longue durée. L'arabe, le français et l'anglais appartiennent à cette catégorie de langues internationales qui ont, dans le passé, connu une diffusion intense en raison de l'expansion territoriale de leur communauté native. Elles remplissent donc, à des degrés différents, l'ensemble des critères relevant de facteurs historiques (c'est-à-dire de dispersion, politique et idéologique/religieux pour l'arabe) qui ne peuvent être considérés comme d'égale importance que les critères plus évolutifs. Ces derniers sont, en effet, plus à même de jouer un rôle dans l'évolution de la force d'attraction des trois langues présentes en Algérie.

En conséquence, on pourra évaluer et comparer leur force d'attraction par rapport à leur poids constant et le potentiel attractif qu'elles représentent en fonction de leur pouvoir économique, démographique et du point de vue de la qualité socio-économique de leur communauté native. La grille d'évaluation suivante servira de modèle dans le calcul de la force d’attraction relative des trois langues.

Tableau 14

Grille d’évaluation de la force d’attraction relative de l’anglais, du français et de l’arabe

Critères choisis Indicateurs utilisés Coefficient « tendance » des critères Pouvoir politique - nombre de pays et d’États dans lesquels la

langue a un statut officiel

- nombre d'organisations internationales dans lesquelles les langues sont utilisées

1 « stable »32

Critère de dispersion - nombre de pays dans lesquels la langue est parlée (sans considération de son statut)

- nombre estimé de langues avec lesquels l’anglais, le français et l’arabe sont en contact

1 « stable »

Poids

démographique - nombre estimé de locuteurs natifs - population totale et évolution

démographique des pays dans lesquels les langues sont officielles

- nombre estimé de locuteurs LS

1,5 évolutive

Pouvoir économique -PIB moyens des complexes linguistiques relatifs aux trois langues

- Évolution des PIB moyens

1,5 évolutive

« Qualité » socio-économique des locuteurs natifs

- IDH et PIB/hab. moyen des complexes

linguistiques relatifs aux trois langues 1,5 évolutive

II. 2. 1. Poids démographique de l'anglais, du français et de l'arabe et le degré de diversité linguistique dans leur environnement d'implantation officiel

Le poids démographique des langues « émergentes » a été considéré comme l’un des critères déterminant dans l’évolution de la hiérarchie linguistique mondiale dans la mesure où l’explosion démographique de pays comme la Chine ou encore l’Inde a fortement augmenté la représentation potentielle des locuteurs du chinois et de l’hindi (/urdu) dans des domaines d’activité globalisés. Bien que ces deux langues comptent des communautés de locuteurs LS relativement faibles du fait de la précocité de leur gain en influence, les langues qui bénéficient de facteurs historiques liés à une

32 L’adjectif « stable » est à envisager de façon relative dans la mesure où les données recueillies pour les critères concernés ne sont pas complètement immuables. Toutefois, leur possibilité d'évolution reste peu probable en comparaison aux critères considérés comme ayant une tendance « évolutive ».

expansion territoriale, tels que l’espagnol, l’arabe, l’anglais et le français, sont généralement soutenues par une diffusion en tant que LS. La force de l’anglais réside notamment dans un poids démographique qui repose fortement sur cette catégorie de locuteurs. L’anglais, le français et l’arabe seront donc, dans un premier temps, comparés d’un point de vue démographique en fonction de l’importance de leur communauté native et de celle de leurs locuteurs LS. Le Tableau 15 ci-dessous, expose les données recueillies dans Ethnologue (Lewis, 2009) pour ces deux indicateurs.

Tableau 15

Comparaison du poids démographique de l’anglais, de l’arabe et du français (Source : Ethnologue, 2009)

Langues Rang

mondial Nombre de pays où la langue est parlée Nombre de locuteurs natifs (en millions) Nombre de locuteurs L2 (en millions) Anglais 3 112 328 400 Arabe 4 57 221 246 Français 16 60 67,8 50

Selon Ethnologue (2009), le poids démographique de l’anglais est bien supérieur à celui des deux autres langues. On estime, en effet, que l’anglais est parlé par 328 millions de personnes en tant que L1 et 728 millions en tant que L1 et LS confondues. L’arabe se positionne au second rang et le français au troisième avec une communauté native relativement faible en comparaison à l’anglais et à l’arabe. Bien que le français soit parlé dans plus de pays que l’arabe (60 pour le français contre 57 pour l’arabe) le nombre de locuteurs LS francophones est également bien inférieur à celui des locuteurs LS arabophones. La position du français reste incertaine quant au nombre de pays dans lesquels la langue est parlée et il existe quelques divergences au sujet du nombre de locuteurs francophones recensés officiellement. On notera également que le nombre de locuteurs L1 d'une langue est différent de la population recensée dans les pays où la langue est officielle. Par exemple, on gardera à l'esprit que tous les Sénégalais ne parlent pas français et que tous les Marocains ne parlent pas arabe. Toutefois, on peut estimer que les populations des pays dans lesquels le français ou l'arabe ont un statut officiel ont un contact privilégié avec ces deux langues. Si l’on considère la population totale des pays dans lesquels les trois langues ont un statut officiel, les résultats montrent un tout autre classement (voir Tableau 16).

Tableau 16

Évolution démographique des trois complexes linguistiques de 2010 à 2030 selon une croissance constante

(Source : UNdata, 2010)

Pop. en 2010

(en millions) (estimations en Pop. en 2030 millions selon une croissance constante) Augmentation prévue de 2010 à 2030 Pays arabophones 339 508 49,90% Pays francophones 385 612 59,00% Pays anglophones 2566 3553 38,50%

Selon les données de l’ONU, on constate que le complexe linguistique dans lequel l’anglais est officiel reste en première position. Toutefois, la population des pays officiellement francophones est plus importante que celle des pays officiellement arabophones. Selon ces critères d’évaluation du poids démographique, le français arriverait donc en deuxième position devant l’arabe, contrairement au classement basé sur les données dans Ethnologue (2009). Cette différence pourrait, alors, s’expliquer par la fonction de l’arabe en tant que langue de la religion musulmane qui s’étend au-delà du monde arabe. En effet, selon le Pew Research Center (2011), on compte 1,57 milliard de musulmans dans le monde en 2011, soit 22,5% de la population mondiale, ce qui constitue une forte proportion de personnes au contact de l’arabe en tant que langue de culte (et donc susceptibles d’être comptabilisées dans les locuteurs LS) et ce quelle que soit la langue officielle de leur pays de résidence. Cette observation peut également expliquer le nombre important de L2 associé à la langue arabe, bien que toutefois l’on puisse s’interroger sur la nature (ou la variété) de l’arabe parlé en tant que L2 dans le cadre liturgique33.

En conséquence, si l’on considère les pays où le français et l’arabe sont des langues officielles la différence entre les deux complexes est fortement réduite à un écart de 46 millions en faveur du poids démographique du français. Cependant, si l’on prend en considération les projections faites par l’ONU en ce qui concerne l’évolution démographique des deux complexes, cet écart pourrait tendre à se réduire dans les

33 L’arabe maîtrisé dans le cadre de la religion est l’arabe classique qui n’est pas destiné à la communication mais à la répétition des prières notamment dans le culte musulman.

années à venir (voir Tableau 17 et Figure 14 ci-dessous). D’ici 2030, la population habitant dans des pays officiellement francophones atteindrait 612 millions avec une progression de 59% contre 508 millions dans les pays arabophones (avec une progression de « seulement » 49,9%). L’évolution de l’ensemble de la population des pays officiellement anglophones est estimée à 38,5% et reste bien inférieure à celle des deux autres complexes. Toutefois, le poids démographique actuel de l’anglais est tel que, même avec une croissance estimée comme relativement faible par rapport aux deux autres, il est peu probable que la langue globale soit menacée dans sa supériorité numérique déjà établie.

Figure 14

Représentation de l’évolution démographique des trois complexes linguistiques de 2010 à 2030 selon une croissance constante

(Source : UNdata, 2010)

Par conséquent, la comparaison du poids démographique évalué à l’aide de quatre indicateurs – le nombre de locuteurs natifs, le nombre de locuteurs LS, la population des pays où les langues sont officielles et les projections relatives à cette population – montre un avantage sans surprise à la langue anglaise. Cette dernière a, comme il fut évoqué auparavant, tiré sa force en grande partie de son importance démographique qui constitue un épisode de l’histoire des langues sans précédent. Le tableau ci-dessous (voir Tableau 17) fait la synthèse des données recueillies pour les quatre indicateurs et des valeurs relatives correspondantes.

2010 2030 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 pays arabophones pays francophones pays anglophones

Tableau 17

Comparaison du poids démographique de l’anglais, du français et de l’arabe

Anglais français arabe

VR VR VR Locuteurs natifs selon Ethnologue (en millions) 328 100 67,8 20,7 221 67,4 Population selon l’ONU (en millions)

2566 100 385 15 339 13,2 Prévisions sur la croissance de la population de 2010 à 2030 (en %) 38,5 65,3 59 100 49,9 84,6 Locuteurs LS 400 100 50 12,5 246 61,5 Total des VR 365,3 148,2 226,7

La langue arabe se place en seconde position avec une valeur relative totale de 226,7 devant le français dont le poids relatif est de seulement 148,2. Toutefois, d’un point de vue dynamique, la supériorité numérique de l’anglais pourrait bien diminuer selon les prédictions de croissance démographique émises par l’ONU pour 2030. L’une des faiblesses potentielles de l’anglais qui pourrait remettre en question sa suprématie exclusive résiderait alors dans un poids démographique, certes important, mais dont la croissance serait moins rapide que d’autres langues (le français, l’arabe et les langues émergentes en général).

Bien que la supériorité numérique actuelle de l'anglais soit incontestable, celle de l'arabe sur le français peut être sujette à certains questionnements. On a constaté que le nombre de locuteurs natifs pour l'arabe est très élevé selon Ethnologue (Lewis, 2009). Il s'élève à 221 millions contre 67,8 millions pour le français. Or l'arabe est la langue officielle de beaucoup moins de pays que le français. Si l'on prend en considération la population totale des pays dans lesquels l'arabe est officiel, on obtient 339 millions et 385 millions pour les pays officiellement francophones. Ces données qui a priori se révèlent contradictoires en ce qui concerne la position du français et de l'arabe peut s'expliquer en fonction du degré de plurilinguisme que l'on peut observer dans les espaces officiellement francophones et arabophones. On remarque, par exemple, que 50% des pays francophones ont deux langues officielles ou plus contre seulement 17,4% pour les pays arabophones (et 39,6% pour les pays anglophones). On remarque donc que, dans les pays francophones, la proportion démographique susceptible d'avoir une

langue native autre que le français est importante. Si l'on confronte les données de l'ONU concernant la population des pays officiellement francophones estimée à 385 millions, avec celle d' Ethnologue (Lewis, 2009) qui compte 67,8 millions de francophones natifs dans le monde, on pourrait conclure qu'environ 80% de la population évoluant dans l'espace francophone officiel ne maîtrisent pas le français comme L1 (si l'on ne prend pas en considération les francophones natifs immigrés dans des pays non francophones).

La diversité linguistique de l'espace francophone semble, en effet, plus développée que dans l'espace arabophone (et même anglophone). On constate, selon les données issues de l'Aménagement Linguistique du Monde de Leclerc (2013), qu'environ 44% des pays où le français est officiel (soit 17 pays) comptent plus de dix langues minoritaires contre 28,6% pour les pays arabophones et 24% des pays anglophones (voir Annexe 2). En outre, le français est une langue majoritaire (c'est-à-dire parlé par au moins 50% de la population) dans seulement deux pays, le Cameroun et la France34 (voir Tableau 18 ci-dessous). Cela signifie que bien que le français soit une langue officielle dans beaucoup de pays, il est parlé en tant que langue native par une minorité de la population vivant dans l'espace francophone (voir Annexe 2 et Tableau 18 ci-dessous).

Tableau 18

La population francophone native dans les pays où le français est une langue majoritaire (Source : Leclerc, 2013) Pays francophones dans lesquels le français est majoritaire

Population des pays Pourcentage de la population francophone native Population totale francophone native Cameroun 16400000 78,00% 12792000 France 61400000 82,00% 50348000 total 77800000 63140000 Pourcentage de la population totale 18,00%

Seulement 18% des personnes vivant dans les pays officiellement francophones parlent français comme L1. Ceci peut expliquer, en partie, les estimations dans

34 Il y a toutefois certains pays comme la Belgique, le Canada et la Suisse dans lesquels le français n'est pas une langue majoritaire mais qui englobent une forte proportion de locuteurs natifs.

Ethnologue (Lewis, 2009) qui compte 67,8 millions de locuteurs francophones natifs. Le nombre de francophones serait donc bien inférieur à celui des arabophones natifs (de 221 millions) alors qu'il y a plus de pays officiellement francophones que de pays officiellement arabophones. Cependant, on remarque également que la situation diglossique de l'arabe est problématique d'un point de vue théorique. L'arabe classique qui est la variété officielle de l'ensemble des pays arabophones n'est la langue native d'aucun groupe visible (voir Tableau 19 ci-dessous). Les pays ont généralement une variété nationale comme langue officielle (comme l'arabe égyptien, libanais, marocain, etc.)

Tableau 19

Les langues majoritaires dans les pays officiellement arabophones (Source : Leclerc, 2013)

Pays dont l'arabe dialectal est la

langue majoritaire Pays avec une autre langue majoritaire aucune langue majoritaire Pays qui ne comptent (langue la plus représentée

et % de la pop.)

pays Langue majoritaire pays Langue majoritaire

pays

Algérie Arabe algérien Comores comorien Arabie Saoudite (arabe naji : 46,5%) Bahrein Arabe bahreini Djibouti Somali ou issa Émirats Arabes Unis

(arabe du Golfe : 37,4%) Égypte Arabe égyptien Israël hébreu Oman (arabe omanais :

45,9%)

Irak Arabe sopotamien Somalie Somali ou issa Tchad (arabe tchadien : 10,3%)

Jordanie Arabe levantin du sud Yémen (arabe sanaani : 41,2%)

Koweït Arabe du golf

Liban Arabe libanais

Libye Arabe libyen

Maroc Arabe marocain

Mauritanie Arabe hassanya

Syrie Arabe levantin du nord

Tunisie Arabe tunisien

Le nombre de locuteurs d'une variété d'arabe dialectale atteindrait environ 116 millions dans les pays officiellement arabophones seulement, soit 61% de la population totale de l'ensemble de ces pays. Sur les vingt-et-un pays arabophones recensés par

Leclerc (2013) douze ont une variété d'arabe nationale comme langue majoritaire (cinq n'ont aucune langue majoritaire et quatre ont une autre langue majoritaire). En conséquence, il paraît évident que les estimations dans Ethnologue (Lewis, 2009) reposent sur le nombre d'arabophones dans le monde entier, quelle que soit la variété nationale parlée.

Si la diversité linguistique semble constituer une limite au poids démographique du français, il pourrait en être de même pour l'anglais. Dans l'ensemble des pays où l'anglais est officiel, l'anglais est une langue majoritaire dans seulement quinze pays dans lesquels on estime la population anglophone native à 10,9% de la population totale vivant dans les pays officiellement anglophones (voir Tableau 20 ci-dessous).

Tableau 20

Proportion de la population anglophone native dans les régions où l'anglais est langue majoritaire

(Source : Leclerc, 2013)

Pays anglophones dans lesquels l'anglais est

majoritaire

Population

des pays Proportion en % de la population anglophone native Population totale anglophone native Angleterre 59400000 94 55836000 Australie 20600000 95 19570000 Bermudes 825000 60 495000 Canada 31200000 57 312000 Écosse 5100000 98 49980000 États-Unis 281400000 82,1 23109400 Îles Anglo-normandes 150000 98 147000 Île de Man 76315 100 76315 Irlande du Nord 1600000 88 1408000 Irlande (Rép.) 4200000 95 3990000 Malouines 2800 96 2688 Nouvelle-Zélande 3500000 92 3220000 Pays de Galle 2900000 80 2320000 Sainte Hélène 4255 100 4255 Trinité et Tobago 1300000 94,2 1224600 total 412258370 116713258 Pourcentage de la population totale 10,90%

l'anglais est une langue officielle, elle reste néanmoins largement supérieure à celle se rapportant au français et à l'arabe. En outre, la proportion de locuteurs maîtrisant l'anglais en tant que LS dépasse largement celles des deux autres langues puisqu'elle s'élève à 400 millions selon Lewis (Ethnologue, 2009) contre 246 millions pour l'arabe et 50 millions pour le français. L'anglais est la langue la plus répandue dans le sens où elle est implantée dans un grand nombre de pays. Ceci explique qu'au même titre que le français la majorité des populations évoluant dans un environnement où l'anglais est officiel, ne maîtrise pas l'anglais en tant que L1. Toutefois, le nombre important de locuteurs ayant l'anglais comme LS montre que la langue exerce une force d'attraction assez importante pour motiver son acquisition. Cette attractivité peut reposer sur divers facteurs – politiques ou socio-économiques – qui confèrent à l'anglais le statut de la langue la plus répandue au monde. Le français, en revanche, semble ne pas bénéficier d'une telle force d'attraction, puisqu'il ne représente pas une LS aussi importante que l'anglais et l'arabe.

On peut donc conclure que si la diversité linguistique qui caractérise les complexes d'implantation officiels des langues ne constitue pas en soi une barrière à leur poids démographique, elle peut toutefois être un handicap au rayonnement linguistique si elle n'est pas inscrite dans un environnement favorable à l'acquisition de la langue en tant que LS (voire LE). Le poids démographique d'une langue peut donc être lié à d'autres facteurs tels que leur pouvoir politique et son critère de dispersion (si une langue est officiellement implantée dans peu de pays alors elle est moins susceptible d'être acquise en dehors de son bassin d'origine) de même que son pouvoir économique (dans la mesure où il faut qu'elle soit l'objet d'une motivation liée à l'ascension socioprofessionnelle). De façon plus subjective, la dimension idéologique rattachée à une langue ou les images qu'elle véhicule peuvent également représenter un frein à sa diffusion et ce même dans des environnements où la langue est officielle. On peut imaginer, par exemple, que les anciennes langues coloniales marquées par une forte conscience collective vis-à-vis de la présence de l'ancien colonisateur, peuvent être défavorisées au profit de langues locales et/ou d'autres LE.

Au regard de ces considérations, la comparaison des autres critères de la force d'attraction des trois langues pourrait apporter des éléments de réponse au sujet du poids démographique relativement faible du français (en rapport à l'anglais et l'arabe).

II. 2. 2. Pouvoir politique des trois langues et faiblesse relative de la langue arabe

Pour évaluer le pouvoir politique de l’anglais, du français et de l’arabe, nous avons choisi de prendre en considération leur caractère officiel dans la mesure où les langues en question ont une réalité politique d’un point de vue législatif. Le pouvoir politique des trois langues sera évalué et comparé en fonction de deux indicateurs – le nombre d’États dans lesquels les langues sont officielles et le nombre d’organismes internationaux (et régionaux) dans lesquels les langues ont également un statut officiel.

A première vue, l’anglais reste la langue dont le pouvoir politique est le plus élevé en comparaison du français et de l’arabe. L’anglais a un statut officiel dans 54 pays et 101 États. Il est suivi du français et de l'arabe qui sont respectivement les langues officielles de 29 et 23 pays ainsi que de 54 et 23 États (voir Tableau 21 ci-dessous)

Tableau 21

Nombre d’États dans lesquels l’anglais, le français et l’arabe ont un statut officiel ou co-officiel de jure ou de facto

(Source : Leclerc,2013)

Anglais français arabe35

Pays 54 29 23

États 101 54 23

Il est important de prendre en considération distinctement le nombre d’États et de pays où les langues sont officielles car ces deux entités ne coïncident pas systématiquement. Il peut y avoir, au sein de certains pays, des États ayant une forme d'autonomie en termes de législation. Les États-Unis, étant considérés comme un pays

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