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Il est désormais admis qu’HACE1 est un suppresseur de tumeur majeur dont l’expression est diminuée dans un grand nombre de cancer humains (Zhang et al., 2007). De plus, des niveaux bas d’expression d’HACE1 sont corrélées avec un mauvais pronostic de certains cancers comme les

neuroblastomes (Diskin et al., 2012). S’il est prouvé que la forme activée de l’oncogène Rac1 est une

cible majeure de l’activité E3 ubiquitine-ligase d’HACE1 (Torrino et al., 2011), le lien de subordination entre Rac1 et HACE1 et le rôle de l’interaction entre ces deux protéines dans le cancer ne sont pas complétement élucidés.

Les résultats obtenus au cours de mon travail de thèse ont mis en lumière le rôle jusqu’alors inconnu connu, de mutations ponctuelles somatiques présentes dans le cancer et altérant la capacité d’HACE1 à contrôler la croissance cellulaire. De plus, mes expériences ont permis de montrer l’existence d’un groupe d’acides aminés présents sur les répétitions de type ankyrine 5, 6 et 7 qui contrôle l’ubiquitylation de Rac1 par HACE1, et de préciser le rôle du domaine MID d’HACE1 dans la spécificité d’interaction avec la forme active de Rac1 (Andrio et al., 2017). Ces découvertes réalisées à l’échelle moléculaire et cellulaire, constituent une première étape dans la compréhension de l’implication de l’axe de signalisation toxine CNF1 d’E. coli/Rac1/HACE1 dans le cancer et dans la pathologie infectieuse. A l’issu de ce travail de thèse, des perspectives de recherche intéressantes s’offrent à nous.

Perspectives en cancérologie

Les découvertes concernant l’axe de signalisation toxine CNF1 d’E. coli/HACE1/Rac1 pourraient être importantes dans la compréhension des mécanismes impliqués dans la tumorigénèse et notamment la tumorigénèse des cancers du côlon de type sporadique comme évoqué précédemment. Pour rappel, des études épidémiologiques chez l’homme montrent une forte prévalence de 70 à 90% de la colonisation bactérienne mucosale des polypes adénomateux (lésion pré-cancéreuses) et carcinomes coliques avec une prédominance de l’espèce E. coli (mucosa-associated E. coli) (Bronowski et al., 2008; Swidsinski et al., 1998). Les E. coli associés aux cancers colorectaux ont principalement des caractéristiques génétiques d’UPEC, ce qui n’est pas le cas de ceux associés aux muqueuses de patients souffrant de maladie de Crohn (Bronowski et al., 2008). Chez l’homme, il a été montré que la muqueuse colique de patients atteints de CCR était préférentiellement colonisée par des souches d’E. coli du groupe B2, (plus faible colonisation par les souches des groupes A et D). Ce groupe d’E.coli possède les

gènes codant pour des cyclomodulines et génotoxines. Génotoxines et cyclomodulines montrent une différence de répartition entre les E. coli associés aux muqueuses des CCR (55% pks et 39% cnf1) en comparaison aux souches associées aux muqueuses des diverticules coliques bénins (19% pks et 13% cnf1) (Buc et al., 2013). Les avancées considérables réalisées ces dernières années tendent à attribuer un rôle pro-tumoral à la colibactine produite par les souches d’E. coli pks+ dans l’étiologie des cancers colorectaux (cf introduction paragraphe I.3.2.2.3). La question d’un rôle pro-oncogénique de la toxine CNF1 dans les CCR est quant à elle non élucidée. Le gène cnf1 est pourtant fortement associé aux E. coli muqueux colonisant les cancers colorectaux et diverticules coliques (39.5% et 12.9%). Cela pose la question de l’impact de l’activité de la toxine CNF1 sur sa cible Rac1 dans les cancers colorectaux et le rôle potentiellement protecteur d’HACE1. Pour tenter de répondre à cette question nous pourrons tirer parti des expériences sur les lignées cellulaires réalisées au cours de ma thèse. Dans un premier temps nous pourrons étudier l’impact de la cyclomoduline CNF1 sur la croissance cellulaire en agar mou de lignées cellulaires exprimant stablement la forme sauvage de Rac1 ou vecteur vide. Le résultat de ces expériences sera à comparer avec celui d’expériences identiques réalisées en condition de déplétion d’HACE1, ce qui nous permettra d’évaluer le rôle protecteur d’HACE1 dans la croissance cellulaire induite par CNF1 sur ce modèle. En fonction de nos résultats, des expériences sur modèle murin pourront être envisagées pour tester l’impact de CNF1 sur la capacité à former des tumeurs et tester

ainsi nos hypothèses.

En outre, la poursuite des études autour de l’axe CNF1/Rac1/HACE1 pourrait apporter des éléments nouveaux dans la compréhension d’autres processus cancéreux, notamment dans le cancer de la prostate dont les facteurs favorisants ne sont pas tous connus à ce jour. Une étude récente publiée par Guo. et al. suggère que la toxine CNF1 produite par les UPEC colonisant l’arbre urinaire, pourrait favoriser la progression cancéreuse en stimulant la croissance et la migration cellulaire via l’activation d’une voie de signalisation impliquant Cdc42/PAK1 et l’augmentation de l’expression de MMP-9 (Guo et al., 2017). Rac1 et Cdc42 partagent un grand nombre d’effecteurs comme la kinase Pak1 qui est impliquée dans le cancer. Il est probable que l’implication de Rac1 et Cdc42 dans les effets cellulaires induits par CNF1, et notamment dans le cancer, soient en lien direct avec la sensibilité de chacune de ces GTPases à la dégradation protéasomale. Une absence de dégradation de l’une ou l’autre de ces GTPases aurait donc un effet dominant. L’ensemble de ces travaux montre donc l’intérêt de déterminer plus précisément une implication possible de CNF1 dans le cancer en lien avec la régulation de Rac1 par

HACE1.

En dehors d’avancées possibles dans le cancer du côlon ou de la prostate, la meilleure compréhension de l’interaction moléculaire entre HACE1 et Rac1 permettrait possiblement de préciser des processus moléculaires fondamentaux de la cancérogénèse. De façon intéressante la mutation

ponctuelle Rac1 P29S qui est une mutation « gain de fonction », est retrouvée très fréquemment dans les mélanomes mais également dans des carcinomes épidermoïdes cutanés et dans le cancer du sein. Il serait intéressant d’évaluer si cette mutation fréquemment associée au cancer échappe à la régulation par HACE1. Nous pourrons dans un premier temps, en utilisant des techniques maitrisées au laboratoire, évaluer la capacité d’HACE1 à interagir et à ubiquityler le mutant P29S de Rac1. D’un point de vue fonctionnel, il serait également intéressant de comparer la capacité de croissance en agar mou de cellules surexprimant Rac1 P29S en comparaison des cellules contrôles surexprimant Rac1 sauvage et vecteur vide, et d’autre part la capacité de croissance de ces mêmes cellules en condition de surexpression d’HACE1. Ces résultats nous permettraient d’évaluer si le mutant P29S est capable d’échapper au contrôle d’HACE1 qui limite la prolifération cellulaire. Les capacités transformantes du mutant Rac1 P29S pourront être également évaluer sur modèle de souris immunodéficientes, en injectant aux souris des cellules surexprimant ce mutant en condition contrôle ou d’expression d’HACE1.