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Les résultats des expériences de diffusion, de transport advectif et de réactions chimiques (acide-base et oxydation-réduction) en transport constituent la partie novatrice de ce travail. Les expériences menées sur le dispositif de laboratoire montrent en effet la potentialité de la méthode du potentiel spontané pour suivre la progression de fronts de concentration électrolytique. A l'échelle de la cuve, la réponse électrique à ces phénomènes est comprise entre cinq et vingt millivolts environ, pour des différentiels de concentration se situant aux alentours de trois ordres de grandeurs. La forme des courbes permet en outre de discriminer le phénomène source. Ainsi, le signal mesuré entre une électrode de référence (dans le réservoir d'injection) et une électrode de mesure (dans le milieu poreux) présente une amplitude décroissante et un étalement temporel croissant avec la distance à l'injection pour la diffusion pure; une brusque décroissance lors de l'injection, suivie d'une brusque remontée lors du passage du front à l'électrode de mesure pour le transport advectif. L'étude des courbes d'advection permet en outre de déterminer la vitesse du fluide, et, partant, la perméabilité du milieu. Lorsque deux fluides en transport se mélangent ou réagissent, la comparaison des courbes de potentiel spontané dans les différentes zones permet de déterminer l'extension des fronts et la forme de la zone de mélange ou de réaction, ainsi que son évolution temporelle.

Les modélisations permettent d'affirmer que la réponse électrique à la diffusion n'est principalement due qu'au potentiel de jonction de fluide (i.e., la compensation du différentiel de charge électrique généré par le différentiel de mobilité ionique entre anions et cations), et que la réponse à l'advection est la somme du potentiel de jonction de fluide et de la variation du couplage électrocinétique résultant des modifications locales du coefficient de couplage – que ce soit en fonction de la conductivité du fluide (advection de sels) ou du pH (advection d'acide).

Il est à noter également que, concernant les expériences au chlorure de potassium, des phénomènes de piégeage semblent survenir dans le milieu, issus probablement d'une interaction avec les micas présents dans le sable.

En second lieu, les expériences d'électrocinétisme ont permis de vérifier les propriétés bien connues de proportionnalité entre la différence de potentiel électrique mesurée et le différentiel de charge hydraulique appliqué, et de raison inverse entre la concentration en sel et l'intensité du signal. La valeur moyenne des coefficients de couplage locaux apparents est cohérente avec les mesures expérimentales de la littérature, et avec le modèle théorique de Revil et Glover. Cependant, une relative dispersion autour de cette moyenne a été observée, ainsi que l'existence de couplage

locaux apparents positifs. Les simulations sur réseau effectuées laissent à penser que ces fluctuations résultent probablement de l'hétérogénéité du milieu. Cette hétérogénéité est à la fois structurelle – tassement différencié du sable – et chimique – action de la phase mineure constituée de micas. De plus, la mise en évidence d'un front d'onde en réponse à de brusques changements de pression suggère un comportement non-linéaire, la perméabilité dépendant alors de la pression. Cette non-linéarité, combinée au fait que les mesures sont effectuées à l'intérieur des sources, amplifie sans doute les effets des hétérogénéités.

Enfin, il faut également souligner que les électrodes impolarisables au cuivre – sulfate de cuivre que nous avons conçues et développées ont donné satisfaction, notamment quant à leur stabilité et leur niveau de bruit, inférieur à 0,1 mV. De part leur taille réduite, elles sont particulièrement adaptées aux expériences de laboratoire en cuves, malgré leur très grande fragilité. Certaines améliorations sont néanmoins souhaitables, notamment pour faciliter leur maintenance.

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Les modèles développés ici, globalement satisfaisants pour une première approche, nécessiteraient certains raffinements. Par exemple, un modèle bidimensionnel plus complet reste à écrire afin de vérifier que l'écoulement gravitaire suffit à expliquer les différences de comportement observées aux trois profondeurs lors de l'expérience de diffusion – ce modèle devant inclure les échanges entre le milieu poreux et le réservoir amont, ainsi que la composante électrocinétique. Concernant l'advection – notamment de chlorure de potassium – un modèle plus complet intégrant les effets des micas reste à élaborer, intégrant aux équations un terme de sorption des ions potassium. Enfin, nous n'avons pas, à ce jour, produit de modèle quantitatif pour les réactions en transport.

Expérimentalement, une grande quantité de manipulations complémentaires restent, bien évidemment, à mener – au gré de l'imagination. Par exemple, réitérer les mesures en éliminant du sable les micas résiduels (ou en utilisant des matériaux synthétiques comme les billes de verre) permettrait de quantifier l'influence de cette phase mineure sur le signal. D'autre part, il serait tout à fait intéressant de procéder à de nouvelles expériences pour étudier de façon plus approfondie le front d'onde de réponse aux changements brusques de pression. Enfin, l'applicabilité des résultats à l'échelle du terrain nécessiterait, entre autres, d'effectuer des expériences en plaçant les électrodes de mesure en dehors des sources, c'est-à-dire à la surface du sable – ce qui imposerait de modifier le dispositif expérimental.

La question du suivi des fronts salins se pose à l'échelle du terrain: il a été évoqué plus haut le suivi du front de potasse s'écoulant dans l'aquifère de la plaine d'Alsace, de Mulhouse vers Strasbourg; la surveillance du stockage d'eau douce en nappe salée; la détection des biseaux d'eau de mer dans les aquifères côtiers; ou encore le suivi des circulations géothermiques. De nouvelles expériences contrôlées, cette fois sur le terrain, nous paraissent aujourd'hui nécessaires pour étudier la mesurabilité du signal en conditions naturelles. L'instrumentation et le suivi d'un site-test, où des injections ou pompages de polluants pourront être effectués, constitueraient, à notre humble avis, un pas méthodologique décisif.

ANNEXE I

EQUATION DE HELMHOLTZ-SMOLUCHOWSKI