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« C'est de prendre le temps, de rester à un endroit qu'on commence à nouer contact aussi avec les gens du coin, qu'on commence à voir comment est la vie dans un pays ou dans un endroit, parce que sinon, c'est pas beaucoup plus que ce qu'on peut avoir dans un livre ou internet quand on va très vite. Dans le fond, on va voir de beaux paysages, des beaux hôtels, peut-être quelques beaux musées, on mange un plat du coin et on repart. On n'a pas vraiment le temps d'apprécier autre chose. » Stéphanie

Le monde des voyageurs est un milieu bien particulier, sur lequel j'aimerais brièvement revenir. Nous l'avons vu au cours de cette analyse, certaines caractéristiques émergent, nous permettant de mieux appréhender ce qu'est un voyageur. D'ailleurs, le site internet du Centre National de Ressources Textuelles et lexicales nous propose plusieurs définitions du voyageur, parmi lesquelles je n'ai retenu que celles qui concordent le mieux au profil de mes interlocuteurs :

− Celui, celle qui fait un ou des voyage(s) dans un but d'étude, de découverte, de détente.

− Savant, explorateur qui passe une partie de sa vie à visiter, étudier de nouvelles contrées et qui consigne par écrit le fruit de ses observations pour le transmettre à ses contemporains et aux générations futures.

− Personne qui voyage beaucoup, qui a une expérience approfondie des pays et des peuples visités27.

En quoi ces définitions font-elles sens dans le cadre de ce travail ? La première définition a été retenue, en raison du but du voyageur. Des trois aspects mentionnés, l'étude, la découverte et la détente, la découverte me semble le but le plus volontiers partagé entre les personnes que

j'ai rencontrées, bien que l'étude de coutumes locales, entendue dans la compréhension de celles-ci et la détente relative à un voyage lent, aient également leur place.

Sans être nécessairement un savant, mais simplement un individu doté d'une certaine curiosité intellectuelle, la plupart des voyageurs rencontrés écrivent leurs aventures, que ce soit sous la forme de blog, de newsletter, d'articles ou encore de journal intime. Il y a une volonté marquée de garder une trace de cette tranche de vie, un souhait de partager une expérience forte, non seulement avec les proches, mais également peut-être avec toutes celles et ceux qui souhaiteraient s'inspirer de leurs voyages et trouver des informations précises quant au parcours effectué. Cette attitude relève peut-être d'une certaine tradition de voyageurs marins, dont le plus illustre est sans aucun doute Bernard Moitessier, qui a notamment publié son journal de bord, agrémenté d'anecdotes et de conseils lors de son voyage du Cap Horn entre 1964 et 1965.

Enfin, la troisième définition semble être la résultante d'un intérêt marqué pour les habitants rencontrés et le temps passé à les côtoyer. C'est en s'immergeant dans une culture que l'étranger – ici le voyageur – développera une connaissance approfondie des pays visités à travers la relation à l'autre qu'il a pu développer, ce qui semble être le cas pour quelques-uns de mes interlocuteurs.

L'expérience de chacune de ces familles apporte un éclairage particulier aux sous-thèmes abordés. C'est cet éclairage qui nous permet de mieux comprendre leur rapport à l'éducation, où la tension formel – informel est constante. Au départ, leur définition de l'apprentissage inclut aussi l'école, mais au fur et à mesure que l'on s'intéresse à leur parcours, cette notion s'élargit. Au fond, les valeurs profondes revendiquées et qu'on comprend, sont des valeurs d'acquisition du savoir où l'informel a une importance primordiale. Ainsi, pour ces parents, voyager c'est apprendre.

Par ailleurs, ces personnes nous confrontent à notre incapacité à penser une société différente, où toutes les formes d'apprentissages seraient non seulement prises en compte, mais valorisées. Il s'agirait aussi de laisser tomber le débat stérile qui oppose éducation formelle et

l'a démontré I. Glavão dans sont étude sur les familles agricoles au Brésil (2007).

Je terminerai enfin sur deux exemples d'éducation formelle incluant des paramètres informels dans leur système éducatif : le premier concerne quelques écoles néerlandaises qui viennent d'expérimenter l'horaire flexible ainsi que les vacances dont les parents choisissent les dates. Cette possibilité a été mise à disposition des parents pour qu'ils puissent mieux concilier vie professionnelle et vie de famille28. Cela n'est pas sans rappeler l'emploi du temps de nos voyageurs, qui ont eux aussi adapté la scolarisation de leurs enfants à leur rythme de vie.

Le second exemple concerne le système éducatif finlandais, qui se place en tête de l'enquête PISA 2009. Selon un article du Courrier International, les élèves terminent souvent l'école à 14 heures, ce qui leur laisse passablement de temps – à l'instar des enfants de voyageurs – pour d'autres activités. De plus, les élèves composent leur programme eux-mêmes ce qui a pour eux aussi un effet motivant. Enfin, le niveau élevé de l'enseignant a une incidence forte sur l'acquisition des connaissances des élèves et son rôle n'est pas sans cesse remis en cause, parce que ses compétences sont reconnues. Ce haut niveau d'exigences se retrouve également dans le fait que le métier d'enseignant est très prisé : il n'est en effet pas rare, en Finlande que 5 à 10 enseignants se présentent pour le même poste. Tous ces élément se retrouvent également dans l'expérience de vie de nos voyageurs, dans la perspective où le parent donne des cours privés, et qu'endossant la responsabilité de l'acquisition des connaissances de son enfant, il va tout mettre en oeuvre pour que celui-ci les atteigne.

Ainsi, on retrouve des paramètres de l'éducation en voyage, qu'elle soit formelle ou informelle, dans le système éducatif finlandais, reconnu comme étant un des meilleurs au monde. Les théoriciens de l'éducation informelle ont fait parler de leurs études depuis de nombreuses années, mais force est de constater qu'ils restent en grande partie ignorés par le système scolaire « traditionnel ». Un travail conséquent reste donc encore à fournir pour faire évoluer les mentalités et donner plus de responsabilités, donc plus d'autonomie à l'enfant, pour « lui permettre d’affronter sa vie personnelle et sociale avec une personnalité suffisamment

épanouie29. »

28 Voir Courrier International, n 1118, p. 20

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