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PARTIE 2 : MATÉRIEL ET MÉTHODES

4. Conclusion

L’analyse de l’ADN contenu dans trois coprolithes prélevés dans les secteurs profonds de la Grotte Chauvet-Pont d’Arc, au moyen de la méthode de séquençage haut-débit, mais aussi d’amplifications ciblées, a permis de mettre en lumière de nombreuses informations.

Il a été possible de voir que la conservation de l’ADN dans des échantillons n’est pas toujours identique ; en effet, un seul des trois coprolithes - celui collecté dans la Salle Hillaire - présentait une quantité importante d’ADN de mammifère.

La construction de 3 banques de fragments pour cet échantillon nous a permis de reconstituer un génome mitochondrial complet avec un fort taux de couverture (89 X) et de réaliser des arbres phylogénétiques. Ces derniers ont révélé que le canidé de la Grotte Chauvet-Pont d’Arc n’appartenait à aucun des haplogroupes mitochondriaux définis par les chiens et loups actuels. De plus, il se regroupe avec un autre génome mitochondrial attribué à un loup de Belgique et reconstitué à partir d’un ossement daté à 26 000 ans (Thalmann et al., 2013). Cette observation est cohérente avec l’origine de notre échantillon - l’Europe de l’Ouest - et avec l’âge obtenu par la datation radiocarbone de celui-ci (34 500 cal BP). Le canidé de la Grotte Chauvet-Pont d’Arc appartenait à une lignée maternelle présente en Europe au Pléistocène et aujourd’hui éteinte.

L’analyse globale du génome nucléaire de notre spécimen a permis d’obtenir un génome partiel avec un taux de couverture de 0,65 X, ce qui a montré que le canidé était une femelle. L’analyse a également montré que les catégories de gènes qui présentaient le plus de différences entre le spécimen et le chien actuel étaient celles impliquées dans le développement des neurones et de structures anatomiques. Ces différences au niveau des gènes déterminant le développement des neurones avaient pu être observées dans un article discutant des mutations survenues lors de la domestication (Axelsson et al., 2013).

L’analyse ciblée de mutations - présentes dans des gènes nucléaires impliqués dans le métabolisme de l’amidon - a montré que le canidé ne présentait pas les allèles propres aux chiens et qui ont été sélectionnés lors de la domestication (Axelsson et al., 2013). De plus, l’allèle dérivé présent chez les loups actuels est absent chez notre spécimen ; ce dernier porte les mêmes allèles que le chacal pour les 4 mutations étudiées. Ces observations, combinées au fait que le gène AMY2B ne soit pas présent en plusieurs copies, permettent de penser que le

canidé de Chauvet était plus adapté à une alimentation carnée qu’à un régime alimentaire omnivore. Cette conclusion n’empêche pas l’hypothèse que l’animal ait pu avoir des contacts avec les Hommes du Paléolithique Supérieur. En effet, la culture du blé, apparue lors de la sédentarisation, est postérieure à notre échantillon qui est daté de 34 500 ans.

L’analyse de mutations présentes dans les gènes nucléaires déterminant la couleur du pelage a permis de voir que le canidé présentait les allèles sauvages pour ces gènes. Il a été possible de déduire que la louve de Chauvet avait un pelage de couleur claire, grise ou blanche selon l’âge de l’animal. Cette observation est en accord avec une étude qui propose que certaines mutations - donnant un pelage noir - seraient apparues dans un premier temps chez les chiens domestiques avant de se transmettre aux loups par hybridation (Ollivier et al., 2013).

Lors de l’étude de l’alimentation du canidé de la Grotte Chauvet, nous avons pu montrer, par deux approches différentes, que ce dernier avait consommé de l’ours des cavernes. Cette observation est en accord avec le fait que l’animal était adapté à une alimentation carnée ; elle propose également une explication à l’intrusion du canidé dans les secteurs profonds de la grotte. Sa venue pourrait être liée à la consommation d’ours des cavernes en hivernation ou de carcasses d’individus morts durant celle-ci. L’observation - dans la caverne - par les paléontologues d’os rongés d’Ursus spelaeus, probablement par un canidé, supporte le fait que les loups aient pu venir dans la grotte afin de consommer de l’ours des cavernes. La dissection du coprolithe a également permis de trouver des os intacts de très petite taille, attribuables à un petit rongeur selon les paléontologues. L’analyse par séquençage Illumina de l’ADN du coprolithe n’a toutefois pas permis de retrouver d’ADN de rongeur. Nous émettons l’hypothèse que l’endommagement de l’ADN des proies, mise en évidence par nos études par réactions de PCR de l’ADN d’ours des cavernes, a empêché la détection de l’ADN de petits animaux dans le coprolithe. Notre étude donc montre à la fois les potentialités (mise en évidence de la consommation d’ours des cavernes) et les limites du séquençage métagénomique.

Dans le but de continuer les recherches sur le spécimen de la Grotte Chauvet-Pont d’Arc, il serait intéressant d’utiliser les données nucléaires pour définir sa proximité avec les loups et chiens actuels. Une tentative, réalisée en collaboration avec le centre de GeoGenetics

actuels, et qu’il donne donc des informations sur les lignées à partir desquelles les chiens ont été domestiqués. Cependant, la faible couverture du génome incite à la prudence. En utilisant une partie du set de données pour différents loups actuels (loup d’Israël, de Croatie ou de Russie) pour réaliser une analyse sur un génome avec une couverture de 0,7 X, la topologie de l’arbre change et ces loups occupent alors une position phylogénétique équivalente à celle du spécimen de Chauvet (Thomas Gilbert, communication personnelle). Il apparaît donc nécessaire d’obtenir davantage de séquences pour obtenir une information solide. Cette considération méthodologique s’applique également, à notre sens, à l’étude récemment publiée par Skoglund et al. (2015), portant sur un génome nucléaire obtenu avec une couverture de 1X pour un spécimen de loup du nord de la Sibérie, daté de 35 000 ans. Cette étude suggère que la divergence entre les loups et chiens actuels pourrait être antérieure au dernier maximum glaciaire. Un effort de séquençage supplémentaire pour le spécimen de la Grotte Chauvet, possible compte tenu de la qualité de l’échantillon, apparaît souhaitable pour vérifier si l’hypothèse proposée par l’équipe de Skoglund s’applique également aux canidés d’Europe occidentale (Skoglund et al., 2015).

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