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Nous avons dans ce chapitre placé le contexte métrologique dans lequel se déroule cette thèse. Les horloges à réseau optique montrent d’excellentes performances, alliant l’exactitude d’une horloge à ions et la stabilité des horloges à atomes neutres non piégés et semblent être d’excellents candidats pour remplacer les fontaines atomiques et ainsi redéfinir la seconde SI dans les années à venir. Ces horloges sont actuellement limitées par l’effet Dick qui peut être diminué en augmentant la stabilité de l’oscillateur d’interrogation sur les temps courts. Dans le chapitre suivant, nous verrons comment les lasers d’interrogations sont stabilisés dans ces horloges optiques et nous développerons l’intérêt des terres-rares dans ce contexte métrologique.

Stabilisation du laser horloge et

apport des cristaux dopés terres rares

Les lasers horloges sont actuellement stabilisés en fréquence en utilisant un mode fondamental d’une cavité ultra-stable de haute finesse. Différentes pistes tentent d’améliorer la stabilité court terme des lasers d’interrogation (aussi nommés "lasers horloges") sur les cavités ultra-stables. Cependant, depuis les années 2000, les lasers stabilisés sur des trous brûlés spectraux étroits dans des cristaux dopés terres-rares présentent des propriétés intéressantes pour être une alternative aux cavités ultra-stables.

Ce chapitre décrit dans un premier temps la méthode Pound Drever Hall (PDH), actuel-lement utilisée sur les horloges optiques pour stabiliser en fréquence les lasers d’interrogation. Puis, dans un second temps, l’intérêt des cristaux dopés terres-rares comme nouvelle référence de fréquences des lasers d’interrogation sera développé. En particulier, nous nous intéresserons aux propriétés spectrales du cristal Eu3+: Y2SiO5. Le but de ce chapitre est de comprendre en quoi ce cristal pourrait être une bonne alternative pour stabiliser les lasers d’interrogation des horloges optiques.

II.1 Stabilisation d’un laser sur une cavité ultra-stable

II.1.1 Description de la méthode Pound Drever Hall

La méthode Pound Drever Hall (PDH) utilise la spectroscopie par modulation de fréquence qui est une méthode efficace pour détecter le centre d’une référence de fréquence fine. D’abord étudiée par Pound en 1946 dans le domaine des radio fréquences en utilisant des cavités micro-ondes [47], cette technique à été transposée au domaine des fréquences optiques par Drever et Hall en 1980 [48] dans le cadre des boucles d’asservissement d’un laser verrouillé sur une cavité optique de type Fabry-Pérot de haute finesse.

La méthode PDH consiste à stabiliser la fréquence d’un laser à la fréquence de résonance d’un des modes fondamentaux d’une cavité Fabry-Pérot de haute finesse. Les fréquences de résonance des modes fondamentaux TEM00sont séparées par l’Intervalle Spectral Libre (ISL) de la cavité, égal à la fréquence à laquelle la lumière revient sur elle-même dans la cavité, soit c/2L, ou c/4L pour une cavité confocale, avec c la vitesse de la lumière dans le vide, et L la longueur de la cavité.

On considère un champ électrique incident sur la cavité, ayant une fréquence angulaire ω = 2πν, modulée en phase à une pulsation Ω = 2πνmod. Nous utiliserons les fonctions de Bessel et nous nous arrêterons à l’ordre 2 pour une profondeur de modulation de phase β faible :

Ei = E0ei(ωt+β sin(Ωt)) (II.1)

≈ E0[J0(β) + 2iJ1(β) sin(Ωt)]eiωt (II.2) = E0J0(β) + E0J1(β)ei(ω+Ω)t− E

0J1(β)ei(ω−Ω)t (II.3)

On a donc un champ de fréquence angulaire ω et deux bandes latérales créées par la modulation de phase ω + Ω et ω − Ω. La cavité est un élément sélectif en fréquence ayant une fonction de transfert égale à :

F(ω) = Er(ω)

Ei(ω) =

r(1 − eiω/ISL)

1 − r2eiω/ISL (II.4)

où r est le coefficient de réflexion en amplitude des miroirs de la cavité. Il est lié à la finesse de la cavité.

finesse = π

r

(1 − r) (II.5)

On en déduit donc le champ réfléchi par la cavité égal à :

Er(ω) = E0[F (ω)J0(β)eiωt+ F (ω + Ω)J1(β)ei(ω+Ω)t+ F (ω − Ω)J1(β)ei(ω−Ω)t] (II.6) Une photodiode rapide détecte le carré du module du champ électrique réfléchi par la cavité :

Pr(ω) =|Er(ω)|2 (II.7)

=Pc|F(ω)|2

+ Ps[|F (ω + Ω)|2+ F (ω − Ω)|2] + 2p

PcPs{Re[χ(ω, Ω)] cos (Ωt) + Im[χ(ω, Ω)] sin (Ωt)}

+ termes(2Ω)... (II.8)

avec Pcet Psles puissances dans le champ et dans les bandes latérales formées par la modulation de phase, et :

χ(ω, Ω) = F (ω)F(ω + Ω) − F(ω)F (ω − Ω) (II.9) Le signal est ensuite démodulé à Ω

= Pr(ω) sin(Ωt + φ) (II.10)

= 2p

PcPs{Re[χ(ω, Ω)] cos Ωt + Im[χ(ω, Ω)] sin Ωt} sin(Ωt + φ) (II.11) La forme du signal d’erreur dépend de la phase φ de la démodulation. Si φ = π/2 [2π] on a :

= 2p

PcPs{Re[χ(ω, Ω)] cos(Ωt) + Im[χ(ω, Ω)] sin(Ωt)} sinΩt + π2 (II.12) = 2p

PcPs



Re[χ(ω, Ω)] cos2(Ωt) + 12Im[χ(ω, Ω)] sin(2Ωt) (II.13) = 2p PcPs 1 2Re[χ(ω, Ω)] + 1 2Re[χ(ω, Ω)] sin(2Ωt) + 1 2Im[χ(ω, Ω)] cos(2Ωt)  (II.14)

Le signal filtré passe-bas pour éliminer les composantes à 2Ω est :

filtré =p

PcPsRe[χ(ω, Ω)] (II.15) Si φ = 0 [2π] on a :

= 2p

PcPs{Re[χ(ω, Ω)] cos(Ωt) + Im[χ(ω, Ω)] sin(Ωt)} sin (Ωt) (II.16) = 2p

PcPs

1

2Re[χ(ω, Ω)] sin(2Ωt) + Im[χ(ω, Ω)] sin2(Ωt)

 (II.17) = 2p PcPs 1 2Re[χ(ω, Ω)] sin(2Ωt) + 1 2Im[χ(ω, Ω)] cos(2Ωt) + 1 2Im[χ(ω, Ω)]  (II.18) Le signal filtré passe-bas pour éliminer les composantes à 2Ω est :

filtré =p

PcPsIm[χ(ω, Ω)] (II.19) En pratique, on règle la phase φ tel que φ = π/2. Ce signal présente un point de verrouillage et est utilisé comme signal d’erreur pour maintenir la fréquence du laser à la résonance de la cavité. Les parties réelle et imaginaire de χ(ω, Ω) sont représentées sur la figure (II.1). Proche de la résonance de la cavité, le signal d’erreur est proportionnel à l’écart de phase entre le laser et la résonance d’un des modes de la cavité Fabry-Pérot.

40 20 0 20 40 Point de vérouillage

-

0(MHz) Im( ) ( ) = 0 = 2 1.0 0.5 0.0 0.5 1.0 R e( ) ( ) a rb . un it 1.0 0.5 0.0 0.5 1.0 a rb . un it

Figure II.1 – Signal d’erreur PDH

Simulation d’un signal d’erreur PDH avec une cavité de longueur 50 mm et de finesse 100000 et une fréquence de modulation de phase à 34 MHz

II.1.2 Limite ultime des cavités ultra-stables

La stabilité en fréquence du laser verrouillé sur la résonance de la cavité est fixée par la stabilité de la longueur de la cavité.

∆ν

ν = ∆L

L (II.20)

La limite ultime d’un laser verrouillé sur une cavité ultra-stable est le bruit thermique, et plus particulièrement le mouvement brownien des atomes sur la surface des deux miroirs de la cavité qui modifie légèrement la longueur de la cavité [49]. Cette limite peut être diminuée en utilisant des matériaux à haut facteur de qualité Q pour les miroirs et la partie sur laquelle ils sont fixés appelée spacer. Les miroirs de la cavité sont en silice fondue car ce matériau possède un facteur de qualité élevé. En revanche, son coefficient d’expansion thermique est égale à 5×10−7/K tandis que celui du verre ULE (Faible expansion thermique) vaut ±5 × 10−8/K. Le spacer est donc en ULE plutôt qu’en silice fondue. Ce type de cavité possède un point d’inversion pour lequel la longueur de la cavité est insensible aux fluctuations de température au premier ordre.

II.1.3 États de l’art des cavités ultra-stables

En raison des multiples applications qui utilisent des lasers stabilisés en fréquence sur des cavités ultra-stables, de nombreuses études ont été faites depuis les années 2000 pour améliorer leur stabilité, actuellement limitée à quelques 10−16 à une seconde de temps d’intégration pour des cavités de grande finesse et longue d’une dizaine de centimètres. Ces études peuvent se diviser en trois axes.

Des études ont été concentrées sur le design de la cavité pour permettre de moyenner davantage le mouvement brownien des atomes sur la surface des miroirs. En particulier, une cavité plus longue permet de moyenner davantage les fluctuations relatives de la longueur de la cavité [50]. D’autre part, si le mode du faisceau sur les miroirs a une taille plus grande, alors le mouvement brownien des atomes sur les miroirs est également moyenné davantage, ce qui améliore la stabilisé du laser [51]. Une stabilité court terme de 8 × 10−17 a été obtenue avec une cavité de longueur 48 cm[52].

Le mouvement brownien des atomes est lié à la température. Ainsi, plus on se rapproche d’une température de 0 K, plus le mouvement brownien des atomes est faible. C’est pourquoi les cavités placées en milieu cryogénique sont également une piste pour diminuer la limite fondamentale des cavités ultra-stables. Pour avoir un point d’inversion accessible à ces températures, les cavités cryogéniques sont en silicium car ce matériau possède un point d’inversion autour de 124 K. La stabilité atteinte sur des temps courts pour ce type de cavité est de 1 × 10−16 [53].

Des matériaux cristallins sont également étudiés pour les traitements de surface des miroirs, afin de diminuer leur contribution au mouvement brownien [54].

II.2 Intérêt des cristaux dopés terres-rares pour la stabilisation