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Ainsi s’achève ma thèse consacrée à l’histoire de la fièvre puerpérale. L’une des plus anciennes infections du post-partum fut connue et exposée dans les écrits scientifiques dès l’antiquité dans la Grèce d’Hippocrate. Définie dans l’Angleterre moderne de Thomas Willis, elle est parvenue à se hisser jusqu’à la charnière du XIXème

siècle et des temps agités du XXème siècle. L’infection, alors encouragée dès le XVIIème siècle, par l’immixtion des accoucheurs dans l’accouchement ainsi que sa médicalisation progressive, est parvenue à faire exploser les décès maternels au XIXème siècle. Entre théories et découvertes scientifiques successives, presque deux millénaires furent nécessaires pour comprendre la nature réelle de ce mal si souvent redouté par les femmes et les scientifiques.

Avant d’identifier le Streptococcus pyogenes comme agent pathogène responsable de l’effrayante mortalité maternelle des établissements hospitaliers, un scientifique hongrois se démarqua à travers une expérience unique d’observation. A partir de deux groupes de contraste, constitués naturellement par les étudiants d’une première maternité viennoise et les élèves sages- femmes de la seconde, Semmelweis comprit que la fièvre puerpérale était véhiculée principalement par les mains des étudiants souillées par de précédents examens. Rien ne refreinât le combat absolu de ce grand homme pour la vérité.

Point de départ dans les avancées médicales de la fin du XIXème siècle, la naissance de la microbiologie permit d’appuyer les découvertes décisives de Semmelweis. Son décès prématuré l’empêcha d’assister au triomphe de ses idées. L’infiniment petit entérina, dans le même temps, les absurdités de ses détracteurs hostiles à la vérité. Mais leurs erreurs firent prendre un retard considérable dans la lutte contre la fièvre puerpérale oubliant que la médecine poursuivait un but commun : sauver des vies. D’autres hommes, médecins, obstétriciens pour certains, écrivains pour d’autres, se sont appliqués à faire de leur vie un combat pour le triomphe de leurs idées et d’une vérité pour lesquels ils n’ont jamais douté.

Le destin tragique de Semmelweis et le mythe entretenu par les auteurs contemporains ne doivent pas faire oublier les noms des scientifiques qui ont voué leurs recherches vers un but ultime : « […] chercher la vérité partout, l’examiner froidement et la dire sans crainte187. » : Gordon, Tarnier, Pasteur, Holmes, Colebrook et Domagk, Mayrofer, Céline, homme de lettres d’un genre particulier car à l’origine médecin : des noms aux accents de différentes nationalités qui choisirent de ne pas se soustraire à un conformisme scientifique.

187 Léon Clément

LE FORT, Etude sur les maternités et institutions charitables et d’accouchements à domicile dans

La fièvre puerpérale resta très longtemps dans les mémoires des femmes et des familles qui payèrent le prix de décennies de désolations infectieuses. Si souvent redoutée, longtemps gardée silencieuse, elle a parfois été évoquée dans les familles comme « cette fièvre » qui a emporté une grand-mère, une tante ou bien une cousine à la suite d’une couche. Avant tout, elle s’attaquait à la mère de famille qui laissait derrière elle de nombreuses pupilles. Just Lucas-Championnière qui déclarait « J’ai consacré, toutes mes forces à la doctrine. Je l’ai prêchée comme une religion, et je lui suis resté fidèle188

. » fait partie de ces hommes qui ont marqué de leur empreinte indélébile l’histoire de la fièvre puerpérale et par delà, l’histoire de l’obstétrique.

Les XXème et XXIème siècles ne donnèrent pas non plus raison aux partisans de la suppression des maternités. Grâce à la réussite des transitions obstétricales opérées jusqu’au début du XXème siècle, ces établissements surent, bien au contraire, se rendre indispensables aux yeux des femmes même si, de nos jours, l’accouchement à domicile avec l’aide d’une sage-femme conventionnée reste le choix de certaines femmes.(62)

Pour parachever l’histoire noire de la fièvre puerpérale, gardons en mémoire les mots de Daniel Bovet : « En écrivant ce chapitre je me surprends à penser que, parmi les protagonistes de mon récit dont le nom demeurera dans l’histoire de la médecine parce qu’ils ont efficacement contribué à sauver la vie des milliers de malades, peu nombreux sont ceux qui ont brillé par ce qu’il est convenu d’appeler l’amour du prochain. De Colebrook ses collègues ont conservé le souvenir de sa bienveillance et de la compassion qu’il témoignait à ses malades. Elles étaient toutes de jeunes mères de famille au début de leur vie, ayant parfois d’autres enfants, chacune chargée de responsabilités multiples, et toutes étaient groupées dans la section d’isolement du Queen Charlotte’s Hospital de Hammersmith en une trentaine de lits. Avant la découverte des sulfamides, une sur trois d’entres elles étaient destinée à mourir189

. »(69)

Nous ne disposons pas de chiffres de la mortalité maternelle liée à la fièvre puerpérale concernant le XXème siècle en France. Tout comme pour l’Angleterre et le Pays de Galles, il serait intéressant de réaliser cette étude afin de pouvoir apprécier également l’impact des sulfamides et de la pénicilline sur la fièvre puerpérale. Aujourd’hui, la fièvre puerpérale est toujours d’actualité, mais celle-ci ne représente plus une menace de premier plan. Cependant, les risques du post-partum ne doivent pas faire oublier l’importance de la bienveillance médicale à l’égard de l’accouchée et de son bébé.

188 Charles R

ICHET, op.cit., p. 8.

189 Daniel B

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