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CONCLUSION GENERALE

Le travail de recherche présenté dans ce mémoire est une première approche sur la compréhension du comportement mécanique de glissements de terrain très différents. Ce thème a été volontairement abordé sur deux types différents de glissements de terrains, l’un rocheux (schistes, Vallée des Eaux-Bonnes) et l’autre granulaire (moraines, Vallée d’Aspe) afin d’y reconnaître leurs différences et leurs similitudes. Pour ces deux exemples de glissement de terrain, nous avons déterminé un ensemble de critères mécaniques, structuraux et hydrogéologiques, qui permet d’avoir au final une meilleure compréhension des mécanismes qui régissent la rupture, mais qui permet surtout d’en préciser leur évolution au cours du temps, ceci par une approche à la fois quantitative (calculs) et bien entendu qualitative par vérification sur le terrain et validation à partir de données historiques.

Dans le cas de l’étude du glissement rocheux de Pleysse en amont des Eaux-Bonnes, plusieurs avancées ont été obtenues sur le plan tant de la géologie, du comportement mécanique du massif que de la compréhension des données hydrogéologiques sur la circulation des eaux. Ainsi :

- nous avons pu tout d’abord détailler la complexité de la structuration géologique du versant et par là même la disposition des différents plans de discontinuités (failles, plis, chevauchement), ce qui est un préalable à toute étude scientifique et technique sur les instabilités rocheuses. Les résultats des données géologiques, encore non publiées en 2005, sont nouveaux et ont des conséquences intéressantes pour une nouvelle compréhension de l’évolution structurale des déformations à grande échelle dans le secteur de Laruns (tectonique polyphasée kilométrique) comme sur la stratigraphie et l’épaisseur des schistes et calcaires du Dévonien. On sait maintenant que la barre des calcaires du Dévonien moyen et supérieur formant le sommet de Lazive est quadruplée dans toute l’épaisseur de l’escarpement et ne correspond en rien à une série monoclinale. Ceci est consécutif aux deux phases de plissement orthogonales (N20° et N 110°), respectivement hercynienne et alpine, suivant des plis isoclinaux hectométriques jusqu’ici non reconnus. Un modèle structural de la tectonique polyphasée est ainsi établi et proposé à l’échelle du versant.

- dans le glissement rocheux de Pleysse la position du plan de rupture en profondeur dans le massif, a été estimée dans un premier temps à partir des données cartographiques de terrain (bourrelet frontal, escarpement principal, extensions latérales). Dans un deuxième temps la simulation numérique utilisée pour analyser le vieillissement du versant jusqu’à la rupture (calcul par éléments finis), a permis d’obtenir l’évolution et la progression du plan de rupture depuis la base du versant en progressant dans le massif suivant une forme assez rectiligne et faiblement concave, en suivant le même tracé en position altimétrique que celui obtenu sur la coupe géologique préalablement établie.

versant montre, à partir d’un maillage très fin et de la prise en compte d’une fracture majeure visible dans l’escarpement, sur cinq phases de vieillissement, une évolution similaire à celle retrouvé à partir des différentes campagnes de photos aériennes IGN entre 1968 et 1998. Ceci valide la méthode de calcul comme les valeurs utilisées et acquises expérimentalement en laboratoire pour les paramètres mécaniques des roches.

- les analyses géochimiques des eaux circulant dans le versant rocheux sur un cycle d’une année a permis de montrer une circulation superficielle pour les eaux situées en haut du versant glissé, et une circulation plutôt profonde avec un temps de séjour important pour la source située au pied du bourrelet frontal. On constate notamment un fort enrichissement en sulfate dont l’origine pourrait être à rapprocher d’une lentille de gypse assez profonde et à proximité du plan de chevauchement majeur de la vallée du Valentin.

Dans le cas de l’étude du glissement de terrain actif de Gouetsoule dans des moraines, en rive droite de la haute Vallée d’Aspe, plusieurs avancées ont été obtenues tant sur le plan géologique, mécanique et géotechnique, que d’un point de vue méthodologie de prospection géophysique en relation avec la géométrique du substratum sous la moraine. Ainsi :

- les paramètres mécaniques, granulométriques, de poids volumique et pétrographiques des moraines du glissement de Gouetsoule indiquent, en analyse factorielle (ACP), des caractères discriminants entre eux, permettant de confirmer la nature différente des moraines de Gouetsoule entre le haut et le bas du versant. Cela quantifie et confirme une origine différente qu’il faut mettre en relation avec l’histoire glaciaire de la vallée (validation des observations géomorphologiques et géologiques). On constate notamment une augmentation progressive de la cohésion de la moraine en montant dans le versant, et à l’inverse une diminution de l’angle de frottement interne effectif.

- dans le glissement de Gouetsoule une carte géotechnique d’iso-valeurs (subsurface) de la cohésion effective et de l’angle de frottement interne effectif des moraines (subsurface) a été établie. Elle correspond dans un premier temps à un document cartographique de référence vers une démarche géotechnique et ingénieur de la problématique. Elle permet de servir de base à un calcul de stabilité plus précis du coefficient de sécurité dans un milieu granulaire, non plus à partir d’un couple de valeurs de c’ et ij’ mais en prenant en compte la variabilité spatiale sur l’ensemble du glissement des paramètres géotechniques.

- sur le plan géologique et géomorphologique la forme circulaire du glissement dans le sens de la plus grande pente suit les formes en creux des synclinaux liés au plissement du substratum, eux-mêmes accentués par l’érosion glaciaire. Ceci confirme, avec encore plus de précision, les résultats de Lebourg (2000), sur le rôle joué par le relief caché du substratum dans la mise en place des glissements de terrain dans la moraine.

- le calcul comparatif en 2D et en 3D du coefficient de sécurité dans le glissement de Gouetsoule montre qu’à partir de la méthode de calcul de Spencer, en y appliquant une variabilité de c’ et ij’ (carte géotechnique) et en suivant la théorie des champs aléatoires de VanMarcke (maille de 2,5 sur 5 m), on arrive à estimer la hauteur d’eau critique permettant d’obtenir la rupture et par là même montrer que cette hauteur limite est pratiquement atteinte dans des conditions climatiques sèches (données des profils géophysiques). Dans ces conditions il devient possible d’estimer que quelques mètres supplémentaires de la hauteur de la colonne d’eau dans la moraine suffisent à déclencher le glissement de celle-ci. Le modèle d’évolution des déplacements du glissement se rapproche plus d’un déplacement cyclique directement dépendant des variations saisonnières, avec une évolution lente et probablement saccadée, comme observé sur le terrain depuis 1997.

L’étude de ces deux glissements de terrain très différents montre un certain nombre de similitudes. En effet, il ressort deux points majeurs et déterminants dans le déclenchement des deux glissements de terrain étudiés :

- le premier point est lié aux facteurs géologiques de prédisposition au positionnement du glissement de terrain. Il s’agit, dans le cas du glissement de terrain de Pleysse, du polyèdre de fracturation du substratum et dans le cas du glissement de terrain de Gouetsoule, de la forme géométrique du substratum. En effet, dans le cas du glissement de terrain de Pleysse, il est montré que le réseau de faille présent dans le versant rocheux est le facteur majeur responsable de la forme du glissement de terrain. Le réseau de failles présent dans ce secteur induit un polyèdre instable qui structure l’escarpement principal actuel du glissement de Pleysse. Dans le cas du glissement de terrain de Gouetsoule, c’est surtout la morphologie du substratum qui guide le mouvement et la surface de rupture de celui-ci. Nous avons montré à partir des observations de terrain et des profils géophysiques réalisés que la surface de rupture suivait la morphologie du substratum, elle-même guidée par les plis et par l’érosion glaciaire du Quaternaire.

- il est montré que dans les deux cas de glissement de terrain, la pluie n’est pas directement responsable de leur déclenchement, mais il semble plutôt que ce soit à la fois l’accumulation et la circulation des eaux de pluies infiltrées dans le versant qui soient les facteurs déclencheurs principaux. Dans le cas du glissement de terrain de Pleysse, il semble qu’à ces deux facteurs principaux déclencheurs, s’ajoute l’érosion du pied de versant par le ruisseau du Cély. Ce dernier facteur est encore lié à l’eau et à son aspect érosif superficiel (suppression de la butée naturelle). Pour le glissement de terrain de Gouetsoule, il semble que ce soit aussi l’accumulation des eaux en pied de versant qui soit responsable de l’instabilité. Mais ceci a pu se produire en association avec l’anthropotisation de la vallée avec l’agrandissement de la route nationale 134 et la construction d’un mur de soutènement qui colmate la sortie des eaux du versant.