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Ce travail porte sur l’étude de la faisabilité d’un procédé de dessalement de l’eau de mer par congélation sur parois froides. Le mode opératoire retenu est un fonctionnement en mode discontinu. La technique s’apparente aux procédés discontinus de cristallisation en milieu fondu. Elle a été choisie car elle est beaucoup plus simple à mettre en œuvre que les procédés continus de dessalement par congélation qui manipulent des suspensions de cristaux de glace et qui posent des difficultés pour séparer la glace de la saumure résiduelle. Le procédé présente l’avantage d’avoir un impact environnemental faible : il permet de réduire les rejets de produits de corrosion, d’éviter d’avoir recours à des produits de prétraitement et n’engendre pas de rejets thermiques contrairement aux procédés par distillation.

Dans la partie B, nous avons caractérisé l’eau de mer de Rabat par Spectroscopie d’Emission Atomique Couplée à un Plasma Induit. Les salinités des eaux de mer de Rabat, Nice et Marseille ont également été mesurées par quatre techniques d’analyses différentes. La salinité moyenne mesurée est de l’ordre de 38,8g/kg pour l’eau de la Mer Méditerranée ; celle de l’Océan Atlantique est sensiblement plus faible et vaut environ 36,4g/kg. L’étude thermodynamique a permis ensuite d’évaluer l’effet de la composition et de la salinité de l’eau sur la température de congélation et sur la température de co-précipitation de la mirabilite Na2SO4,10H2O. Avec l’eau de mer, la précipitation de la mirabilite, qui altérerait la pureté de la glace dans le procédé de dessalement par congélation, n’intervient qu’en dessous d’environ -6°C. Les équilibres des systèmes synthétiques étudiés sont bien décrits par le code de calcul Frezchem, dérivé du modèle de Pitzer. Les équilibres de l’eau de mer sont encore bien décrits par le code de calcul aux températures élevées, en considérant uniquement les 6 éléments majoritaires de l’eau mer. Ce modèle a donc pu être utilisé par la suite dans l’étude du dessalement par congélation pour connaître les conditions d’équilibre.

L’étude expérimentale du dessalement par congélation, présentée dans la partie C, a été conduite avec des solutions eau/NaCl de différentes concentrations, ainsi qu’avec de l’eau de mer de Rabat, Nice et Marseille. L’étape de congélation a tout d’abord été étudiée en mode statique, c'est-à-dire sans agiter la saumure. Ce mode opératoire correspond au mode opératoire des cristallisoirs industriels de type « Proabd » pour milieu fondu. Une seconde

campagne d’essais a porté sur l’étude de la congélation en mode agité, avec une agitation assurée par un bullage permanent d’air insufflé à la base du cristallisoir.

L’étude paramétrique de l’étape de congélation conduite en mode statique a permis de quantifier l’effet des paramètres opératoires clés qui agissent sur la pureté de la glace formée. La température initiale de la rampe de refroidissement appliquée dans le doigt de gant doit être réglée précisément de telle sorte que l’interface glace/solution soit bien à l’équilibre au début de la congélation. Comme pressenti, la vitesse de croissance de la glace, contrôlée par la rampe de refroidissement, a un effet important sur le taux d’incorporation des poches de solution dans la couche de glace et donc sur sa salinité. La salinité de la saumure, quant à elle, influence de façon très marquée la salinité de la glace. Il semblerait que les impuretés et en premier lieu certainement NaCl, affectent directement le mécanisme de croissance. Enfin, il est apparu que le gradient thermique imposé à travers l’espace annulaire entre le doigt de gant et la double enveloppe jouait un rôle important. Ce gradient permet d’éviter le phénomène dit de « surfusion de constitution » entraînant la formation de dendrites qui finissent par piéger la solution dans la couche de glace. Nous avons également clairement mis en évidence l’existence de courants de convection induits par ce gradient thermique, plus particulièrement dans les saumures de concentrations plus élevées. Ces courants permettent un meilleur renouvèlement de la solution au niveau de l’interface avec la glace et réduisent par suite la concentration des poches de solution incorporées dans la couche de glace. Le changement de position des boucles de convection dans la solution est, de plus, clairement à l’origine d’un phénomène alternant des phases de croissance et de fusion partielle de la couche de glace, qui favorise vraisemblablement la formation d’une glace de meilleure pureté.

L’étude paramétrique de l’étape de congélation en mode agité a mis en évidence une dépendance de la salinité de la glace semblable à celle observée en mode statique, vis-à-vis (i) de la température initiale de la rampe de refroidissement, (ii) de la vitesse de croissance et (iii) de la concentration de la saumure. Ce mode de fonctionnement avec agitation permet en outre de produire des couches de glace de même pureté qu’en statique, mais sans imposer de gradient thermique significatif (les salinités obtenues sont semblables à celles obtenues avec un gradient thermique de 'T=2°C en mode statique, toutes choses égales par ailleurs). L’agitation par bullage a donc bien un effet bénéfique. Son rôle est sans doute de favoriser le renouvèlement de la solution à l’interface glace/solution comme le font vraisemblablement les courants de convection générés par le gradient thermique en mode non agité. Les résultats

thermodynamique réalisé et (ii) une glace formée pure, d’une part, et l’épaisseur de la glace effectivement mesurée, d’autre part, est une indication du taux d’inclusions de poches de solution dans la couche de glace, mais malheureusement, les mesures ne permettent pas d’avoir une précision suffisante pour disposer d’un réel suivi quantitatif de ce taux d’inclusion.

Le ressuage assure ensuite une purification en profondeur de la couche de glace. Il est indispensable pour abaisser la salinité en dessous du seuil de 0,5g/kg et satisfaire les normes de potabilité. Les paramètres qui agissent sur le ressuage sont la température de ressuage, la durée de ressuage et la concentration initiale de la couche de glace. D’une manière générale, plus la glace est pure au départ, meilleure est sa pureté finale. Cependant, pour des conditions de ressuage « sévères », c'est-à-dire en opérant avec une température de ressuage élevée, les salinités finales deviennent presque identiques, quelle que soit la pureté initiale de la glace. La température de ressuage est donc le paramètre clé de cette étape. La durée requise pour le ressuage est quant à elle assez peu dépendante des conditions et vaut environ 3h.

Les expériences réalisées permettent ainsi de mieux cerner les conditions opératoires à mettre en œuvre dans un procédé de dessalement de l’eau de mer par congélation sur parois froides. Les essais conduits en mode statique montrent notamment qu’il est possible de produire de l’eau potable en un cycle de congélation+ressuage. Malgré des pertes importantes lors du ressuage, le gain énergétique reste encore grand par rapport à un fonctionnement enchaînant deux cycles. Toutefois, les essais opérés en mode statique mettent en avant un rôle important du gradient thermique. Or, dans le cadre d’un procédé conduit en mode statique qui utiliserait un appareil de type Proabd, les gradients thermiques devraient être faibles, voire quasiment inexistants. En mode agité, trois jeux de paramètres ont permis d’obtenir de l’eau potable à partir d’eau de mer. Dans le cas d’une étape de congélation rapide (5h ou 14h), donnant des couches de glace plutôt impures, l’application d’un ressuage efficace (0°C, 3h) permet, au prix d’une masse de glace refondue importante, d’atteindre la potabilité. Si l'étape de congélation est conduite sur 24h, une température de ressuage égale à -0.1°C est suffisante. La durée de l’opération globale, congélation+ressuage, peut donc tomber à seulement 8h. Toutefois, le choix des conditions opératoires optimales doit également prendre en compte l’efficacité énergétique du procédé.

En définitive, les résultats obtenus plaideraient plutôt en faveur du mode agité. Cependant, les travaux de thèse de Y. Mandri [MAN11], conduits en parallèle à ce travail, montrent que le surcoût engendré par la consommation énergétique des équipements d’agitation est important, si l’on extrapole à l’échelle du procédé l’agitation en continu mise

en œuvre dans nos essais. Il parait donc important d’optimiser l’agitation, afin de réduire le coût de fonctionnement. La mise en place d’une agitation intermittente paraît, en particulier, être une piste intéressante à explorer.

La présente étude a permis de montrer les potentialités et les limites de la technique de congélation. Le développement de ce procédé nécessite toutefois une poursuite des travaux engagés. Les axes principaux sur lesquels il nous semble important de continuer à travailler sont les suivants :

- La nucléation doit être étudiée pour mettre au point une méthodologie d’ensemencement extrapolable industriellement ;

- Le travail expérimental sur la congélation et le ressuage doit être poursuivi, pour notamment prendre en compte l’effet d’un gradient thermique nul en mode statique et l’effet d’une agitation intermittente par bullage en mode agité ;

- La modélisation des transferts de matière et de chaleur doit être développée pour affiner l’interprétation des phénomènes et des effets couplés des paramètres opératoires ;

- L’intégration du procédé global combinant les étapes de congélation, de ressuage et de fusion avec la machine frigorifique doit, enfin, être étudiée sur le plan technologique afin de pouvoir proposer un design et un mode opératoire pour ce procédé global. Cela permettra alors d’accéder à l’estimation du coût énergétique réel prenant en compte les pertes thermiques et le fonctionnement non idéal de la machine.