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La problématique au cœur de ce mémoire a été présentée dans le chapitre II sous trois volets : les définitions de la saine alimentation, les déterminants des choix alimentaires et finalement, les perceptions des aliments dans une optique de saine alimentation.

D'abord, la définition de la saine alimentation mise de l'avant par plusieurs organismes soutient que tous les aliments peuvent être inclus à des fréquences et à des quantités qui concordent avec la valeur nutritive de chacun d'entre eux (68). Il est aussi mentionné de prendre en considération l'ensemble des habitudes alimentaires d'un individu et de viser à combler ses besoins à plusieurs niveaux: nutritionnel, social, culturel, etc. <7"10). Cette définition met également en évidence le fait que l'appellation aliments « santé » réfère à une notion qui n'est pas appuyée par la définition plus globale de la saine alimentation ni par la littérature scientifique (7' 10). Chez la population générale, il est possible que des définitions différentes de la saine alimentation se côtoient (5). Les concepts suivants sont généralement inclus dans leur définition de la saine alimentation: la consommation de fruits et de légumes, de viandes et substituts ainsi que de faibles quantités de gras, de sel et de sucre, la sélection d'aliments référant à certains critères de qualité (fraîcheur, non transformé, préparé à la maison) de même que les concepts d'équilibre, de variété et de modération (12). Finalement, il importe de souligner que la définition de la saine alimentation adoptée par un individu aurait une influence sur les stratégies qu'il utilise pour effectuer ses choix alimentaires .

Ensuite, les choix alimentaires ont une influence sur les habitudes alimentaires, car un aliment doit d'abord être choisi avant d'être consommé. Les déterminants de ceux-ci tirent leur origine à la fois de l'individu et de son environnement. Du point de vue individuel, les besoins physiologiques, les préférences alimentaires, les connaissances en nutrition et certains aspects psychologiques sont quelques-uns des facteurs d'influence reconnus ( '. Du point de vue collectif, ils peuvent être décrits à partir de plusieurs types d'environnements : socioculturel, physique et économique |4'7). Les politiques publiques, quant à elles, ont une influence plus large sur l'ensemble des environnements <41. Certaines politiques publiques

en lien avec la saine alimentation au Québec ont d'ailleurs fait l'objet de brèves descriptions dans le chapitre III : le Programme national de santé publique au Québec 2003-2012, le Plan d'action gouvernemental pour la promotion des saines habitudes de vie et des problèmes reliés au poids 2006-2012 - Investir pour l'avenir ainsi que la Vision de la saine alimentation.

Par la suite, les perceptions des aliments et de la saine alimentation font partie des déterminants de la mise en œuvre de comportements alimentaires sains (12'13). Il est possible qu'elles aient aussi une influence sur la définition de la saine alimentation adoptée par un individu et sur ses choix alimentaires. Toutefois, selon les revues de littérature effectuées, peu d'études semblent s'être attardées aux perceptions des aliments dans une perspective de saine alimentation tant chez la population que chez les diététistes.

Comme présentées dans l'introduction, ces trois thématiques ne sont pas indépendantes l'un de l'autre. En effet, il semble exister une influence mutuelle entre la définition de la saine alimentation adoptée par un individu, les déterminants de ces choix alimentaires ainsi que ses perceptions de la saine alimentation.

Le chapitre III a permis de définir le contexte de l'étude réalisée, qui était de vérifier la compréhension du continuum (aliments quotidiens, d'occasion et d'exception) présent dans la Vision de la saine alimentation. Le chapitre IV, pour sa part, a présenté les objectifs de l'étude réalisée dans le cadre de ce projet de maîtrise, dont le principal était de déterminer de quelle façon les adultes et les diététistes perçoivent spontanément les aliments dans une perspective de saine alimentation. Finalement, le chapitre V en a présenté les détails par l'entremise de l'article soumis pour publication dans la revue Canadian Journal of Dietetic Practice and Research.

Les résultats de cette étude ont permis de démontrer que la perception spontanée qu'ont les adultes québécois et les diététistes de la valeur nutritive de divers aliments, relativement à un continuum de fréquence de consommation, suit les recommandations nutritionnelles en vigueur. En effet, les aliments du Guide alimentaire canadien (groupe CFG) étaient

majoritairement perçus comme étant à consommer au « quotidien », les aliments « autres » (aliments riches en gras et/ou en sucre; groupe HFHS) étaient perçus comme à consommer « exceptionnellement » alors que les plats composés (groupe Meals) étaient perçus comme à consommer « occasionnellement ». Ainsi, les fréquences de consommation sélectionnées par les participants reflètent les valeurs nutritives de chacun des groupes d'aliments. Ces résultats confirment donc notre première hypothèse et concordent avec différentes études s'étant intéressées à la définition de la saine alimentation chez la population générale et les

diététistes 01-13. 36, 110)

Ensuite, la perception des adultes québécois face à la valeur nutritive des aliments tend à être plus stricte pour la majorité des aliments que celle des diététistes, ce qui confirme notre deuxième hypothèse. En effet, les adultes (de tous âges) percevaient les aliments du Guide alimentaire canadien et les plats composés comme à consommer moins fréquemment que les diététistes (18 à 64 ans). Les adultes percevaient aussi les aliments « autres » comme à consommer moins régulièrement que les diététistes (pas d'effet d'âge). Ces différences renforcent la pertinence de comparer les perceptions des adultes à celles de diététistes. Par ailleurs, quelques hypothèses peuvent être mises de l'avant afin d'expliquer ces résultats. D'abord, les diététistes possèdent davantage de connaissances en nutrition que la population générale, ce qui pourrait les amener à avoir une vision plus globale de l'alimentation où tous les aliments peuvent être inclus. Cette approche inclusive de la saine alimentation est d'ailleurs soutenue par différentes organisations, dont Y Academy of Nutrition and Dietitic (anciennement YAmerican Dietetic Association) ( '. Sous un autre angle, certaines études ont démontré la présence de pensées dichotomiques et de stéréotypes envers les aliments dans la population générale (59' 64' 85). Ils pourraient possiblement influencer leurs perceptions des aliments et encourager la notion d'aliments « interdits » dont la consommation peut être perçue comme à éviter.

Somme toute, l'ensemble des résultats obtenus suggère qu'il existe un savoir populaire quant à la valeur des aliments qui est en accord avec les principes de saine alimentation. Il est donc possible que la définition de la saine alimentation des adultes québécois concorde avec les recommandations nutritionnelles en vigueur. Toutefois, bien que les perceptions

des aliments et de leur place dans une saine alimentation soient adéquates, elles ne semblent pas se répercuter sur les habitudes alimentaires de la population québécoise, qui comme mentionnées dans l'introduction, possèdent plusieurs lacunes. La divergence entre les deux pourrait être expliquée par le fait que plusieurs autres facteurs ont une influence sur la mise en place d'habitudes alimentaires saines. Afin d'aider à expliquer (et/ou à modifier) ces comportements individuels reliés à la santé, plusieurs cadres théoriques ont été conçus. Ils sont utilisés, entre autres, afin de concevoir des interventions efficaces en promotion de la santé à partir des déterminants possibles de ces comportements. Bartholomew et al. (2006) ont d'ailleurs mis de l'avant la présence de huit déterminants communs issus de cinq grandes théories3 des sciences comportementales ( ':

1. «L'individu démontre une forte intention positive (ou prends un engagement) à l'égard du comportement.

2. Il y a une absence de contraintes environnementales pouvant nuire à la réalisation du comportement.

3. L'individu a les habiletés nécessaires pour exécuter le comportement.

4. Il croit que les avantages à mettre en application le comportement surpassent les désavantages (aussi appelés attitudes, attentes, bienfaits/barrières, croyances/ valeurs, pour/contre).

5. Il perçoit plus de pression sociale (ou norme sociale) à exécuter le comportement qu'à ne pas le faire.

6. L'individu perçoit que la réalisation de ce comportement est cohérente avec sa propre image personnelle (aussi appelé norme personnelle, standard personnel).

7. Sa réaction émotive personnelle en lien avec l'exécution du comportement est plus positive que négative (ou insatisfaction du soi, regrets anticipés). 8. L'individu perçoit qu'il a la capacité d'exécuter le comportement selon

3 Les cinq théories dont il est question ici sont : le Modèle des croyances relatives à la santé (Health Belief Model), la Théorie du comportement planifié {Theory of Planned Behavior), la Théorie sociale-cognitive (Social Cognitive Theory), les Théories de l'auto-régulation (Theories of Self-Regulation) et le Modèle transthéorique des changements (Transtheoretical Model of Behavior Change) (tiré de : (113) Bartholomew

L.K., Parcel G.S., Kok G., et al. (2006) Planning Health Promotion Programs: An Intervention Mapping Approach. Second Edition éd., United States of America, 81-135 pages.).

diverses circonstances (ou efficacité personnelle perçue, contrôle comportemental perçu) » (Traduction libre de Bartholomew et al., 2006

(113K

Soulignons que quelques-unes de ces variables ont été abordées précédemment dans ce mémoire dont les déterminants individuels et environnementaux des choix alimentaires à la section 2.0 du chapitre II et les motivations/barrières perçues par les individus à l'adoption de saines habitudes alimentaires énumérées dans la section 1.5 du chapitre I.

L'intention positive (#1), l'absence de contraintes environnementales (#2) et la présence des habiletés requises (#3) sont considérées comme étant nécessaires à l'exécution du comportement dans les différentes théories (113). Les cinq déterminants restants (#4 à 8), pour leur part, influenceraient plutôt la force et l'intention (ou direction) de mettre en pratique le comportement (ll3). Ces constats pourraient aider à expliquer pourquoi les perceptions des aliments recueillies dans l'étude, bien qu'elles concordent avec les recommandations nutritionnelles en vigueur, ne se reflètent pas nécessairement dans les habitudes alimentaires de la population québécoise. En effet, même si l'individu a des perceptions justes, l'absence de l'intention de modifier ses habitudes alimentaires ou la présence de contraintes environnementales variées (p.ex. difficultés d'accès physique et/ou économique à des aliments nutritifs) risquent fortement de compromettre le suivi des principes de saine alimentation dans son quotidien.

Dans un autre ordre d'idée, des retombées intéressantes pourraient découler des résultats obtenus lors de cette étude. D'abord, ils pourraient contribuer à la planification de changements optimaux dans l'offre alimentaire afin de créer des environnements facilitant les choix plus nutritifs. Ainsi, la mise en place d'initiatives basées sur le continuum utilisé dans l'étude pourrait faciliter l'accès à des aliments « quotidiens » ayant une valeur nutritive élevée dans les différents milieux. Ensuite, une meilleure connaissance des perceptions de la population générale pourrait contribuer à faciliter l'application et l'acceptation sociale des politiques alimentaires dans différents milieux. En effet, puisque les acteurs responsables de l'offre alimentaire dans plusieurs secteurs sont issus de la

population générale, une meilleure connaissance de leur profil pourrait contribuer à faciliter la mise en place de changements dans leurs établissements. De plus, les résultats obtenus pourraient contribuer à faciliter la création d'une norme sociale positive en lien avec la saine alimentation au Québec en assurant une compréhension plus approfondie de la place accordée aux aliments par la population. Finalement, ces résultats sont un point d'ancrage concernant la perception qu'ont les consommateurs des aliments et la fréquence à laquelle ils devraient être consommés, une thématique peu explorée dans la littérature. D'autres études seront toutefois nécessaires afin de déterminer plus précisément ce qui influence les perceptions des aliments et vérifier la reproductibilité de ces résultats afin de permettre leur généralisation.

1. Perspectives futures

Dans le passé, la nutrition publique s'est efforcée de favoriser le transfert de connaissances et d'habilités en faisant la promotion d'interventions axées sur le changement de comportements et de style de vie des individus <92). Par exemple, la plus récente Politique en matière de nutrition au Québec, qui date de 1977, misait principalement sur l'information et l'éducation aux individus (114). Il a été démontré depuis que les campagnes médiatiques de masse ayant comme objectif de modifier les comportements au sein d'une population obtiennent des effets qualifiés de petits à modérés (88). De même, les stratégies d'éducation en nutrition auraient des effets à court terme sur les habitudes alimentaires (78). Par ailleurs, le fait de mettre de l'avant les comportements individuels dans la promotion de la saine alimentation est problématique. En effet, bien que les décisions la concernant sont des choix individuels, ils sont aussi influencés par l'environnement, comme il a été mentionné au chapitre II<85).

Certains auteurs ont mis de l'avant que l'utilisation d'approches à plusieurs niveaux est essentielle afin d'influencer les habitudes alimentaires de la population (86). Il est également proposé de mettre davantage l'emphase sur des modifications touchant les environnements alimentaires (78). Le Programme national de santé publique 2003-2012 prévoit la révision de la Politique en matière de nutrition au Québec de 1977 afin d'inclure des actions plus

larges ciblant l'environnement alimentaire. Par ailleurs, le modèle socioécologique a été reconnu comme étant une approche intéressante à mettre en pratique dans la planification des activités reliées à la promotion de la saine alimentation (86'91'115). Il met en relation les déterminants individuels (connaissances, comportements, facteurs biologiques et démographiques) et environnementaux (environnements social, physique et macro) qui influencent les choix alimentaires (91).

Au niveau de l'individu, les messages de saine alimentation véhiculés devraient mettre l'emphase sur l'ensemble de l'alimentation et prôner des habitudes alimentaires équilibrées et modérées <7). Ils devraient être constants et éviter l'utilisation des termes « bons » et « mauvais » afin de décrire les aliments (ou « sains » et « malsains »)( '. Il est possible que les messages d'alimentation globale soient plus difficiles à transmettre à la population dans un langage clair et compréhensible, car ils sous-tendent souvent une prise de décision contextuelle. Par exemple, la notion d'alimentation équilibrée implique que l'individu prenne en considération ses apports alimentaires précédents afin de sélectionner les aliments qu'il consommera à un moment précis. Ce type de raisonnement est plus complexe que le seul fait d'éviter une liste de produits et il doit être réalisé de façon continue. Par contre, les messages globaux d'alimentation saine sont plus flexibles et leur influence se maintiendrait davantage à long terme (7). Le défi réside donc dans la transmission de ces messages auprès des individus. Certains aspects ont été mis de l'avant afin de faciliter la diffusion simple et compréhensible de ces messages à la population (116). D'abord, ils devraient porter à la fois sur la qualité et sur la quantité des aliments dans une perspective de saine alimentation globale <115'116). Ensuite, ils gagneraient à mettre en valeur l'adoption d'un nouveau comportement plutôt que de tenter de prévenir ou de cesser un comportement problématique. En effet, des études ont démontré que les campagnes de promotion de la saine alimentation visant directement les individus qui mettaient l'emphase sur un nouveau comportement à adopter avaient plus de succès (88). Aussi, les messages positifs seraient plus efficaces pour favoriser les choix alimentaires sains (7). Finalement, les messages véhiculés gagneraient à mettre de l'avant le plaisir et la qualité plutôt que la quantité et la commodité afin de promouvoir la saine alimentation <57). La pratique clinique des diététistes gagnerait d'ailleurs à intégrer ces stratégies afin de transmettre plus

efficacement les informations sur la saine alimentation auprès de leurs patients et de favoriser le changement de leurs comportements.

Au niveau de l'environnement, les modifications effectuées devront contribuer à rendre les choix alimentaires sains plus faciles auprès de la population (78). Par exemple, l'accès à des aliments de valeur nutritive élevée à coût abordable ainsi que leur mise en valeur sur les étalages et dans les commerces pourraient contribuer à augmenter leur accessibilité. La mise sur pied de politiques et de règlements pourrait aussi aider à redéfinir l'offre alimentation dans certains milieux (p.ex. les centres de la petite enfance)(lll). Il est possible que les changements ciblant un environnement aient des répercussions sur les autres types. Par exemple, une modification dans l'environnement physique afin d'augmenter l'accessibilité à des aliments de valeur nutritive élevée pourrait avoir une influence sur les environnements économique (via une augmentation de l'offre de ces produits qui pourrait aider à en réduire leur coût) et social (via une normalisation de la présence et ultimement, de la consommation des aliments nutritifs).

En conclusion, les activités de promotion de la saine alimentation gagneraient à agir tant du point de vue individuel qu'environnemental. Elles pourraient ainsi contribuer à faciliter l'adoption par la population d'habitudes alimentaires qui reflètent leurs perceptions des aliments et de la saine alimentation, qui, comme démontré précédemment, sont en accord avec les recommandations nutritionnelles en vigueur.

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