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L'élaboration de matériaux transparents présentant des propriétés optiques spécifiques est un enjeu majeur pour répondre à de nombreux défis sociétaux dans les domaines de l'énergie, la santé, la sécurité, le développement industriel ou encore la miniaturisation des appareils. Les limites des propriétés optiques actives des verres et les difficultés de production des monocristaux dopés ainsi que de leur coût ont entraîné le développement rapide des céramiques polycristallines transparentes. Ces dernières sont actuellement majoritairement élaborées par des méthodes de frittage à haute température et sous forte pression. Cela permet d'éliminer la porosité qui diffuserait la lumière et rendrait ces céramiques polycristallines opaques, mais ces procédés restent complexes et coûteux. En 2012, le laboratoire CEMHTI a développé une technique innovante pour l'élaboration de nouvelles céramiques polycristallines transparentes : la cristallisation complète et congruente d'un verre.

Grâce au passage par l'état vitreux et à une faible variation de la densité lors de la cristallisation, la céramique ainsi préparée ne présente pas de porosité, ce qui permet d'atteindre un haut niveau de transparence pour peu que la biréfringence de la phase cristalline reste faible. Cette méthode permet ainsi d'élaborer des céramiques polycristallines transparentes sans recourir nécessairement à une structure isotrope ou à des tailles de grains nanométriques. Des compositions alternatives aux composés de structure cubique ou de taille de grain nanométrique, élaborés par les méthodes de synthèse de céramiques transparentes par frittage haute température et haute pression, peuvent ainsi être proposées. Un autre avantage lié à l'utilisation de la cristallisation du verre est la possibilité d'élaborer de nouvelles phases cristallines (CaSi1/3B2/3O8/3, BaAl4O7, Li6B4O9, Sr1-x/2Al 2-xSi2+xO8)1-4 non accessibles par synthèse par voie solide. Ce procédé présente néanmoins certaines contraintes, principalement liées à la vitrification (vitesse de trempe et température de fusion élevées), mais également la

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Veron,. Inorg. Chem. 2013, 52 (8), 4250–4258. 2

Allix, Adv. Mater. 2012, 24 (41), 5570–5575. 3

Rousse, Inorg. Chem. 2014, 53 (12), 6034–6041. 4 Al Saghir, Chem. Mater. 2015, 27 (2), 508–514.

nécessité d'une faible variation de densité lors de la transformation du verre en céramique.

Ce travail répond à une volonté de développer la méthode de cristallisation complète d'un verre pour obtenir des céramiques polycristallines transparentes, via la recherche de nouvelles compositions et l'optimisation de composés existants. Cette approche nous a tout d'abord conduit à la synthèse de la phase BaGa4O7. Si la vitrification de cette composition s'est avérée impossible, la cristallisation à partir du milieu fondu a permis d'élaborer cette nouvelle phase cristalline. La cristallisation directe du milieu fondu lors du refroidissement stabilise la phase BaGa4O7 de structure

A3BC10O20, avec la présence de défauts dans sa structure cristallographique. Nous avons également mis en évidence que la cristallisation congruente du verre n'était pas une condition nécessaire pour obtenir une céramique polycristalline transparente. En effet, au travers de l'exemple des céramiques polycristallines biphasiques BaAl4O7 – BaAl2O4, nous avons montré que la transparence de la phase BaAl4O7 était conservée, voire améliorée par la présence d'une seconde phase cristalline. Dans ces matériaux, la cristallisation de nanoparticules de BaAl2O4 gêne la croissance des grains biréfringents de BaAl4O7, ce qui limite leur taille (effet d'ancrage Zener) et améliore donc la transparence globale de la céramique.

Une autre famille a été étudiée en raison de sa composition riche en terre rare. Ces composés peuvent ainsi être dopés facilement et à des taux élevés pour obtenir de remarquables propriétés optiques. Dans la famille des mélilites Sr1-xRE1+xGa3O7+x/2, de nombreuses compositions ont pu être élaborées par cristallisation du verre. Nous avons tout d'abord synthétisé des céramiques polycristallines transparentes à partir des composés stœchiométriques SrREGa3O7 (avec RE = Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Y, Er, Tm et Yb). La synthèse des composés SrTmGa3O7 et SrYbGa3O7 élargit cette famille puisqu'ils ne peuvent être obtenus par voie solide. Les céramiques transparentes de SrGdGa3O7 et SrYbGa3O7 dopées par des ions de terres rares (Dy, Eu, Tb ou Er) présentent de remarquables propriétés d'émission de lumière dans le domaine visible (lumière blanche) après une excitation par rayonnement ultraviolet ou infrarouge.

Nous avons ensuite montré que la cristallisation complète du verre pouvait trouver de nouvelles applications en élaborant des céramiques non-stœchiométriques de Sr1-xRE1+xGa3O7+x/2 (x allant de 0 à 0,6 et RE = Eu, Gd ou Tb). Celles-ci présentent de remarquables propriétés de conductivité ionique (> 0,01 S.cm-1 dès 500 °C), rivalisant avec les meilleures céramiques conductrices actuellement développées, grâce à la synthèse de céramiques sans phases secondaires, ni porosités, et ayant un taux de substitution très élevé.

Les résultats obtenus durant cette thèse apportent de nouvelles possibilités pour l'élaboration de céramiques polycristallines. La cristallisation depuis un état désordonné (milieu fondu ou verre) est une technique assurément prometteuse pour élaborer de nouvelles phases cristallines. Cette méthode alternative de choix permet de découvrir de nouvelles phases, à l'instar de la phase BaGa4O7 et des nouvelles mélilites SrTmGa3O7, SrYbGa3O7, Sr0,4Eu1,6Ga3O7,3, Sr0,4Gd1,6Ga3O7,3 et Sr0,6Tb1,4Ga3O7,2 développées dans le cadre de ces travaux.

D'autre part, l'élaboration de céramiques polycristallines transparentes multiphasiques ouvre de nouvelles perspectives. En effet, il est possible d'envisager la combinaison des propriétés spécifiques de chaque phase cristalline pour créer des matériaux composites et ainsi améliorer les performances des matériaux actuels en couplant les propriétés des différentes phases (optiques, mécaniques, conductivités…). De plus, la vitrification n'étant pas nécessairement congruente, elle pourrait être facilitée (diminution des températures de fusion et des vitesses de trempe) par l'ajout d'éléments adaptés.

La cristallisation complète du verre a jusqu'ici été utilisée pour élaborer des céramiques transparentes, limitant nos études aux matériaux faiblement anisotropes et présentant un large bandgap optique. Mais de nombreuses applications requièrent une absence de porosité qui concerne en particulier les matériaux diélectriques, les conducteurs ioniques, ou les membranes en céramique. La cristallisation complète et congruente du verre pourrait donc être développée pour élaborer des phases cristallines existantes mais également des nouvelles, et obtenir à moindre coût des céramiques extrêmement denses et donc plus performantes.