• Aucun résultat trouvé

La modélisation et simulation de signaux neuronaux multi-échelle, et plus précisément celle des potentiels extracellulaires, sont des étapes essentielles et nécessaires qui contribuent à la compréhension des processus neuronaux. Elles s'inscrivent dans le cadre des neurosciences dites computationnelles et possèdent un double rôle de validation. En eet, elles permettent tout d'abord de valider la compréhension des processus cognitifs étudiés en étant capable de reproduire leurs comportements, mais également de valider les méthodes et techniques d'analyse au fur et à mesure de leur développement. Cette double validation joue donc un rôle majeur dans la compréhension du cerveau sain et pathologique. Cette thèse a pour objectif de contribuer à cette analyse multi-échelle en apportant des méthodes d'analyse et de simulation innovantes.

L'utilisation de morphologies de neurones de plus en plus complexes a été possible grâce, d'un part, au développement et à l'application à l'électrophysiologie des neurones de la théo-rie des câbles et d'autre part, de l'augmentation des capacités de calculs informatiques. Cette modélisation de morphologies sous forme de compartiments liés les uns aux autres permet en eet l'étude de morphologies détaillées et d'EAPs plus précis, mais s'accompagne souvent d'une augmentation en ressources informatiques et la charge de calcul devient cruciale lorsqu'une large population de neurones est à simuler. En eet, le modèle de neurone à compartiments nécessite de calculer la dynamique neuronale pour chaque compartiment - chaque neurone étant composé de plusieurs centaines voire milliers de compartiments et chaque population comportant des mil-liers de neurones. A contrario, les modèles de neurones ponctuels (i.e., modèle dipolaire xe) ont l'avantage d'être très légers en terme de charge de calculs mais ils restent souvent considérés comme trop simplistes et ne peuvent générer des potentiels réalistes.

La méthode de modélisation proposée dans le chapitre 3 [Tran et al., 2018] [Tran et al., 2019a] est basée sur un modèle intermédiaire et fait une connexion entre ces deux types de familles. Elle prend en compte la morphologie neuronale ainsi que la position de l'électrode et considère le potentiel extracellulaire comme une somme pondérée des contributions des diérentes segments du neurone (i.e., le soma, l'axone et les dendrites). Ces contributions sont modélisées par des dipôles dont celui du soma et celui des dendrites sont xes et orientés dans des directions oppo-sées ; en raison de leur origine commune et puisqu'ils sont xes, ils ont été regroupés en un seul dipôle. Celui de l'axone, quant à lui, est mobile et représente la propagation du potentiel d'ac-tion le long de cette partie. Nous avons supposé qu'il était possible de pondérer ces dipôles avec des poids ; chaque combinaison de poids correspondant à une morphologie donnée. Enn, nous avons montré que cette somme pondérée peut être interprétée comme une convolution et que des EAPs réalistes peuvent être obtenus par un ltrage morphologique explicitant les relations spatiales entre le neurone et l'électrode ainsi que le délai de propagation du potentiel d'action. En étudiant de nombreuses morphologies modiées du modèle ball-and-stick, nous avons tout d'abord montré que la méthode amenait à d'excellentes performances par rapport au modèle dipolaire xe - ce dernier ne prenant pas en compte la morphologie du neurone ni la propagation du potentiel d'action. Les formes des EAPs générées sont similaires à celles produites par les neurones à compartiments confortant la légitimité d'une telle approche et l'idée selon laquelle une combinaison des diérents poids est à même de modéliser convenablement une morphologie

de neurone donnée. Cependant, ce modèle atteint ses limitations pour certaines morphologies - notamment lorsque l'axone modélisé est plus court et les dendrites plus proéminentes. Un autre facteur inuençant les formes des EAPs enregistrés est la dimension spatiale des micro-électrodes : malgré leur très petite taille, leurs dimensions ne peuvent être réduites à un point pour les distances sources/électrodes ici considérées. En particulier, il a été conrmé dans ce travail que les dimensions des microélectrodes inuençaient pas ou peu les formes des EAPs enregistrés si elles sont placées relativement loin de la cellule (et surtout d'une population) mais qu'elles deviennent importantes (au delà d'une certaine surface) pour des cellules proches. Cette méthode de génération des EAPs a ensuite été appliquée à l'échelle d'une population de neurones [Tran et al., 2019b]. La contribution du ratio des neurones excitateurs aux EAPs comparée à celle des neurones inhibiteurs a été mise en évidence. Cette méthode de génération des signaux électrophysiologiques a l'avantage de nécessiter peu de puissance de calcul puisque la dynamique neuronale est calculée une seule et unique fois. D'un point de vue computationnel, elle est implé-mentée comme un simple produit de convolution ce qui optimise les calculs ; il est relativement aisé et rapide de modéliser l'activité d'une population de milliers de neurones. Cependant cette méthode présente quelques limitations. D'abord un eort d'investigation supplémentaire doit être mené pour mieux prendre en compte l'inuence des dendrites sur les EAPs. Ces modèles de populations demeurent également incomplets et ne reètent pas toute la diversité des signaux réellement enregistrés dans lesquels une partie plus basses fréquences est retrouvée. Malgré ces limitations, cette méthode demeure valide pour générer des signaux réalistes et semble légitime pour l'élaboration de base de données dédiées à l'évaluation des algorithmes de spike sorting.

Le spike sorting étudié au cours du chapitre 4 est une étape indispensable pour étudier l'ac-tivité de neurones uniques, son objectif étant de classer les formes des EAPs détectées dans les signaux extracellulaires et les attribuer à des neurones uniques (SU). La qualité de la classica-tion dépend de la qualité de la séparaclassica-tion spikes/LFP qui doit être un préalable à tout traitement et est d'autant plus dicile que ces deux composantes présentent des bandes fréquentielles com-munes. Pour cette raison, un simple ltrage passe-bande ne semble donc pas être une méthode satisfaisante pour mener à bien cette séparation et une estimation plus précise des formes des potentiels d'action est nécessaire. Se basant sur un modèle additif du signal observé impliquant le LFP, les potentiels d'action ainsi qu'un bruit blanc gaussien, la méthode de décomposition propose une extraction et une classication simultanée des spikes (EAPs) présents dans le signal. La méthode adopte un formalisme bayésien introduisant un a priori sur la densité spectrale de puissance du LFP [Le Cam et al., 2019]. Pour évaluer les performances de notre approche, deux bases de données sont utilisées, l'une disponible en ligne [Camuñas-Mesa and Quiroga, 2013], la seconde basée sur la méthode de génération d'EAPs décrite dans le chapitre 3. L'algorithme est comparé avec deux algorithmes de spike sorting très connus et exploités de la littérature : une méthode par mélange de gaussienne (GMM), une seconde basée sur une classication super-paramagnétique (SPC) issue de la mécanique statistique [Quiroga, 2009] [Niediek et al., 2016]. L'approche VBSpikeSort proposée dans cette thèse est non supervisée tandis que la méthode WaveClus exige le réglage de très nombreux paramètres qui demande une très grande expertise expérimentale ce qui peut décourager les utilisateurs moins expérimentés. De plus les valeurs de ces paramètres sont très dépendants de la mesure et donc restent diciles à généraliser pour donner des résultats satisfaisant sur un grand jeu de données. Globalement, l'approche proposée a montré des performances égales ou supérieures aux deux autres méthodes testées. Le gain en performance est signicatif sur l'ensemble de la base de [Camuñas-Mesa and Quiroga, 2013], environ 8% de SU en plus sont bien estimés selon le critère adopté.

La méthode de génération des EAPs proposée dans ce mémoire au chapitre 3 est perfectible concernant la prise en compte de l'activité synaptique. En termes de travaux préliminaires, nous présentons dans le chapitre 5 un couplage de deux types de modèles en ajoutant aux EAPs si-mulés une activité synaptique réaliste basses fréquences générée par un modèle computationnel de population de neurones construit sur les bases de l'anatomie de l'hippocampe [Aussel et al.,

2019]. En eet, la morphologie de la structure joue un rôle important dans le cadre de la modé-lisation des LFPs. La discussion cible l'équilibre à mettre en ÷uvre des deux types d'activités électrophysiologiques que sont les potentiels d'action et les courants synaptiques. En choisissant une pondération spécique, nous avons montré l'importance de considérer à la fois les potentiels d'action et les contributions des courants synaptiques au LFP, et ce même à des fréquences assez basses (bande θ et γ). Nos résultats suggèrent que, selon le modèle oscillatoire voulu et étudié, ces contributions pourraient être équilibrées diéremment pour mieux reproduire les résultats expérimentaux. Dans un second temps, la méthode de spike sorting conçue et développée dans ce mémoire a été testée dans des conditions réelles dans le cadre de l'étude de la perception des visages chez l'Homme : comment est codée l'information du visage ? Un neurone particulier encode-t-il un seul et unique visage ? Face à des stimuli visuels, nous avons vu que la population réagissait à la fréquence de stimulation : en se plaçant à l'échelle cellulaire, certains neurones SU, mais aussi MU réagissaient spéciquement à l'apparition du stimulus visuel d'un visage ce qui semble indiquer que l'information générique d'un visage est codée sur plusieurs neurones. Perspectives. Plusieurs perspectives peuvent être envisagées an de rendre notre méthode de simulation des EAPs plus réalistes - ou du moins plus complète. Un travail complémentaire est de vérier si notre méthode est capable de reproduire des EAPs pour des morphologies plus complexes comme un neurone pyramidal de la couche L5 ou encore des cellules stélates, avec des ramications dendritiques plus complexes. Ces morphologies ont été étudiées de manière préliminaire et les premières simulations sont prometteuses : elles ont permis de montrer de très bonnes similarités pour générer les EAPs entre le ltrage morphologique et la méthode LSA (surtout pour les cellules stélates, mais aussi pour des régions spéciques autour d'un neurone pyramidal). Une amélioration possible est la prise en compte du ltrage dendritique (important donc pour des neurones ayant une arborescence dendritique riche).

Dans ce mémoire, nous avons posé l'hypothèse que les neurones possèdent tous la même dynamique neuronale (i.e., la dynamique d'Hodgkin-Huxley) avec les mêmes paramètres. Pour ajouter de la variabilité dans les signaux, il serait judicieux et intéressant d'implémenter plusieurs types de dynamiques neuronales avec plusieurs types de canaux ioniques par exemple (ou du moins de modier les paramètres d'une même dynamique). De manière similaire et toujours dans l'optique d'ajouter de la variabilité, plusieurs morphologies de neurones pourraient être simulées dans une même population - avec diérentes longueurs d'axones et de dendrites ou bien l'orientation de la dendrite résultante dans le cas du modèle ball-and-stick. Enn, pour avoir une simulation complète, la méthode de simulation devrait également prendre en compte l'activité synaptique qui pourrait être simulée (comme les EAPs), à partir d'une matrice binaire d'activation (raster plot), en rajoutant des informations de connectivité et de morphologie.