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On rappelle dans ce chapitre de conclusion les principaux développements réalisés au cours de ce travail de thèse ainsi que les résultats essentiels avant de conclure sur les atouts et limitations des travaux présentés. Enfin, des perspectives sont proposées, notamment sur la question de la modélisation de la ligne d’échouage en glaciologie. Conclusion L’objet global des travaux menés est la modélisation variationnelle d’écoulements géophysiques non-newtoniens tels que ceux de glace ou de lave. La résolution numérique du système d’équations primitives (i.e. modèle de Stokes non linéaire, par opposition aux modélisations de type ondes longues) est réalisée en élé-ments finis trois champs en variables vitesse-pression-déformations. La modélisation inverse repose sur la résolution du problème adjoint associé au problème de Stokes pour les fluides en loi de puissance, problème encore non traité dans la communauté glaciologique au commencement de ces travaux et encore très marginalement traité aujourd’hui.

Résulte de la conjonction d’une modélisation directe précise et d’une modélisa-tion inverse exacte une capacité à évaluer et quantifier précisément les potentiels et limitations de ce type d’approches pour les problèmes géophysiques d’écoulements non-newtoniens en loi de puissance (par opposition aux méthodes approximatives,

e.g. la méthode dite “auto-adjointe”). Les résultats avancés sont alors fiables et

pré-cis dans le sens où les modèles mathématiques directs et adjoints sont complets et les schémas numériques d’ordre deux.

La première étape a été la dérivation d’un algorithme performant pour la réso-lution du problème direct. La minimisation de la dissipation de l’énergie, formulée comme un problème de point-selle à quatre champs, pour lequel l’existence d’une solution est démontrée, est résolue par un algorithme de type lagrangien augmenté. L’algorithme résultant LA et sa variante LAθ montrent des coûts de calcul très in-téressants par rapport aux méthodes standards que sont la méthode de point fixe et la méthode de Newton-Raphson. L’utilisation d’une discrétisation par éléments finis discontinus est exploitée, menant à une amélioration de performance significative tout en réduisant très fortement l’occupation mémoire requise pour la résolution. Des ratios de 4 en coût CPU et 30 en occupation mémoire sont obtenus sur la ré-solution d’un écoulement réaliste par rapport à l’utilisation d’une méthode de point

fixe. L’extension de cet algorithme à la troisième dimension est naturelle et les gains ainsi obtenus ouvrent donc des perspectives intéressantes pour une utilisation moins restrictive de la modélisation en équations primitives au sein des modèles de calottes. L’outil d’analyse de sensibilité issu du modèle adjoint est présenté comme l’outil principal de la modélisation variationnelle inverse et ses larges capacités sont mises en avant. Des études de sensibilité du modèle au paramètre de friction montrent la capacité à détecter des évènements hautes fréquences dans la variabilité basale (de l’ordre de 2 fois l’épaisseur de l’écoulement). La qualité de la transmission de la variabilité basale à la surface de l’écoulement est quantifiée selon les régimes de glissement rencontrés. Les situations de fortes frictions (proche-adhérence) montrent une sensibilité réduite amoindrissant les possibilités de reconstruction du coefficient de friction à partir de données de vitesses de surface horizontales. Les frictions très faibles (glissement rapide) montrent une sensibilité lissée, contenant moins d’infor-mations sur les hautes fréquences de la variabilité basale. Il apparaît une gamme de valeurs favorable à la transmission d’informations vers la surface correspondant à des régimes de glissement intermédiaires (importance relative similaire des effets de déformation et des effets de glissement sur la dynamique résultante).

Parallèlement, la sensibilité à la rhéologie se montre très instructive. Les ana-lyses de sensibilité à la consistance du fluide η0 montrent que, dans le cas d’un profil de vitesse vertical de type Poiseuille (adhérence ou forte friction), cette sensi-bilité est concentrée à proximité du socle. À l’inverse, pour un écoulement de type piston (friction faible ou nulle), la sensibilité à η0 se répartit plus sur la verticale. En quelque sorte, les sensibilités à η0 permettent donc une détection des différents régimes d’écoulements. La présence d’un gradient de température entre la surface et le fond a un effet de convexification du profil d’écoulement, le rapprochant d’un écoulement de type Poiseuille et donc réduisant la sensibilité à η0 sur l’épaisseur.

La singularité de viscosité apparente infinie, inhérente à la modélisation en loi de puissance (pour les fluides rhéofluidifiant, n > 1) dans des écoulements à surface libre, s’avère sans conséquence sur la dynamique et ne nécessite à priori pas de trai-tement particulier.

Plus globalement, les analyses de sensibilité menées sur ces écoulements relative-ment minces (un rapport d’aspect de 10 à 100 est presque tout le temps considéré) quantifient le rôle majeur de la modélisation au fond ; la transmission de la variabi-lité basale à la surface étant largement filtrée et plutôt non-locale, l’établissement de lien physique avec les différentes modélisations (friction, thermique, rhéologie) est relativement difficile à appréhender sans l’aide de telles analyses de sensibilité.

rhéolo-gique scalaire et de la consistance du fluide spatialement distribuée sont réalisées. Le rôle largement dominant de l’exposant rhéologique dans le modèle numérique, par rapport à la consistance, est établi. Il en résulte une possibilité d’identification de l’exposant rhéologique précise en présence de données de vitesses de surface de très faible qualité. À l’inverse, l’identification de la consistance et donc de la thermique sous-jacente se montre peu fiable, et une modélisation thermique amont dont la va-lidité est reconnue (profil de température, loi d’Arrhenius) semble plus pertinente qu’une reconstruction incertaine de ce paramètre à partir d’observations de vitesses de surface. Ces résultats numériques soulèvent la question de la possibilité d’une intégration de la modélisation thermique dans la description de l’exposant rhéolo-gique plutôt que dans celle de la consistance du fluide ; si une telle modélisation est opportune d’un point de vue mécanique, elle aura une influence bien plus grande sur la réponse du modèle et les possibilités d’identification seront grandement améliorées. L’ensemble de ces démarches, élaborées pour le contexte de la modélisation gla-ciologique, sont généralisées à des contextes plus larges. L’algorithme LA proposé n’est aucunement spécifique à la modélisation glaciologique. L’approche de rhéo-métrie virtuelle est volontairement proposée dans un objectif de généralisation et appliquée aux écoulements de lave.

Enfin, la démarche de comparaison de l’approximation “auto-adjointe”, spécifi-quement employée en glaciologie, à la méthode de l’adjoint exact, dans un cadre de différentiation automatique et d’accumulation retour, ouvre des perspectives plus générales sur une nouvelle approche de modélisation inverse permettant de réduire fortement les coûts de calcul : bien que d’une précision inférieure, cette approxi-mation dite “auto-adjointe” et surtout sa généralisation à une méthode d’adjoint

incomplet proposée ici (consistant à ne retenir qu’une partie des itérations pour le

calcul de l’état adjoint) montre des capacités solides à moindre coût et peut s’avérer particulièrement adaptée aux analyses de sensibilité et reconstructions de paramètres sur des problèmes de grande taille.

Finalement, ce travail réalise également une synthèse de savoir-faire mathé-matiques, numériques et de modélisation à travers le code de calcul 2D vertical

DassFlow-Ice1, développé au cours de la thèse. Ce code a été diffusé au sein de la communauté des glaciologues, auprès des collègues du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l’Environnement de Grenoble (dans le cadre de notre collaboration au sein du projet ANR ADAGe 2010-2013). Bien que prospectif, car bidimensionnel, l’ensemble des méthodes qui le compose s’étend naturellement au problème 3D. La version tridimensionnelle dénommée DassFlow-3D, développée à partir de la pré-sente version 2D, essentiellement par Ronan madec2, est à ce jour opérationnelle au

1. http://www-gmm.insa-toulouse.fr/~monnier/DassFlow/

Figure 7.1: Écoulement de glace sur une topographie fictive issu d’un profil vertical du glacier Mertz (voir [67]). Sensibilité au coefficient de friction β.

sein de notre équipe.

Perspectives possibles et problème ouvert La première perspective au logiciel

DassFlow-Ice développé au cours de cette thèse est son extension à trois

dimen-sions. Cette extension est aujourd’hui opérationnelle pour la modélisation directe et adjointe sur la base d’une description vitesse-pression. En guise d’illustration, on pré-sente ci-dessous deux analyses de sensibilité relativement à la consistance du fluide et au coefficient de friction. Le domaine de calcul à été construit à partir du profil radar d’une ligne d’écoulement du glacier Mertz, largement utilisé précédemment. L’extrusion fictive du profil dans la direction transverse est faite sur la base d’un sinus perturbé. Le maillage tétraédrique compte environ 125000 cellules soit 200000 degrés de libertés vitesses et 30000 degrés de liberté pression. Les observations de vitesse de surface sont obtenues pour un glissement basal β amenant un facteur de glissement de 1 (voir equation (6.7)). Le bord entrant est soumis à une condition de Dirichlet décrite par le Poiseuille non-linéaire (5.22) et le bord sortant impose une condition de Neumann de pression hydrostatique. Les bords latéraux imposent également une condition de friction (plus forte). Le gradient est calculé autour d’une valeur β0= β/10. Les résultats de sensibilité obtenus sont présentés sur les figures 7.1 et 7.2 pour le coefficient de friction et la consistance respectivement.

Les sensibilités résultantes correspondent tout à fait à celles obtenues en deux dimensions. La bosse dans la topographie autour de x = 14km demeure la zone de haute sensibilité (aussi bien à la friction qu’à la consistance). La sensibilité à la consistance est calculée dans le cas d’un glissement basal relativement impor-tant (facteur de glissement de 1) d’où la propagation nette d’un fort gradient sur l’épaisseur du glacier (à comparer à la figure 5.6(a)).

Ces calculs préliminaires mettent en évidence la validité physique des résultats bi-dimensionnels obtenus mais aussi le rôle très fort de la topographie également valable en 3D et donc l’intérêt majeur d’une telle modélisation. La structure d’optimisation-(ANR-09-RISK-001) et co-financement ANR ADAGe 2010-2013 (ANR-09-SYSC-001)

Figure 7.2: Écoulement de glace sur une topographie fictive issu d’un profil vertical du glacier Mertz (voir [67]). Sensibilité à la consistance du fluide η0.

assimilation, non présentée ici, est également validée et opérationnelle sur le même fonctionnement que celle utilisée dans la version bidimensionnelle DassFlow-Ice.

Un développement plus complet du logiciel passe cependant par l’implémentation du modèle adjoint pour le problème instationnaire à surface libre. Un tel développe-ment nécessite une approche de type optimisation de forme (lié à la présence d’un domaine mobile au sein d’une modélisation Stokes). Une telle extension n’est pro-bablement pas indispensable dans le cadre d’écoulements quasi-statiques mais reste à évaluer dans un contexte de temps grand ou de dynamique rapide.

Par ailleurs, l’algorithme LA mériterait une généralisation à des lois de com-portement de type Herschel-Bulkley intégrant un seuil de contrainte (comme les avalanches de boue et de neige dense) étant donné que les méthodes utilisées sont adaptées à la résolution de problèmes présentant une non-différentiabilité de ce type. Cette généralisation semble tout à fait abordable.

Le cadre d’une modélisation en équations primitives considéré tout au long de ce travail amène aussi à voir comme perspective principale l’application de cette modélisation au problème de point triple associé à la ligne d’échouage.

Comme précédemment remarqué (voir section 1.4), l’une des lacunes fondamen-tales de la modélisation glaciologique demeure la capacité à réaliser un couplage multiéchelle de la dynamique continentale multirégime, de la dynamique des pla-teformes de glace et de la dynamique à petite echelle de la transition à la ligne d’échouage. On peut donc voir qu’un des rôles essentiels du modèle de Stokes est de réaliser la modélisation fine de la dynamique du point de contact qu’est la ligne d’échouage et, par là même, de jouer le rôle de jonction entre des modèles ondes longues pour la glace posée et la glace flottante. Le problème du mouvement de la