• Aucun résultat trouvé

Page 110

L’objectif de ce travail doctoral consiste à évaluer les effets toxiques, cytotoxiques et androgènes des différentes molécules médicamenteuses trouvées dans l’environnement à l’aide de deux modèles biologiques Hydra attenuata et les cellules MDA-Kb2.

L’espèce Hydra attenuata très utilisée en écotoxicologie aquatique a été choisie comme modèle biologique pour notre étude puisqu’elle présente plusieurs avantages (faciles à cultiver et à entretenir en laboratoire, reproduction asexuée à l’origine d’une homogénéité génétique…) et permet de conduire des essais permettant de déterminer d’éventuels effets toxiques et tératogènes de résidus pharmaceutiques sur le développement et la régénération.

Des essais de toxicité aiguë (96h) et de toxicité chronique ont été conduits chez des hydres adultes (10 jours) et sur des embryons (14 jours) exposés seuls ou en mélange à différents produits pharmaceutiques notamment les antidépresseurs, les antifongiques, les antibiotiques, les β-bloquants, les antiépileptiques et les antihistaminiques. Les paramètres biologiques évalués sur les hydres lors des tests aigus et chroniques sont : le score, le nombre de bourgeons formés, la capacité de nutrition et la capacité d’attachement des organismes.

Les résultats d’écotoxicité à court terme (96h) sur le modèle biologique Hydra attenuata présente un effet délétère sur la survie de l’adulte ainsi que sur la morphologie, le développement et la régénération des embryons pour l’ensemble des antidépresseurs et des antifongiques testés. Ces molécules sont classées en fonction de leurs valeurs de CE50 selon la directive européenne 93/67/CEE (UE, 2004) comme suivant : l’éconazole et le miconazole

(0,84 et 0,94 mg L-1) seraient considérées comme très toxiques, l’amphotéricine B, la

clomipramine, la fluoxétine, le kétoconazole, la paroxétine et la sertraline (1,75 à 8 mg L-1)

toxiques et la fluvoxamine (supérieure à 100 mg L-1) non toxiques pour les hydres adultes.

Ces résultats nous permettent de conclure que les antifongiques azolés et notamment l’éconazole et le miconazole sont beaucoup plus toxiques que les polyènes (amphotéricine B) et les antidépresseurs.

Les tests chroniques ont montré que les deux paramètres biologiques majoritairement affecté par les produis pharmaceutiques testés, sont la morphologie et la reproduction. En comparant les LOEC des résultats d’écotoxicité chronique sur les hydres exposées aux différentes molécules d’antidépresseurs testées seules, nous avons mis en évidence que les hydres adultes sont beaucoup plus sensibles que les embryons et que la sertraline est la

molécule la plus toxique avec des effets significatifs sur la morphologie à 62,5 µg L-1. La

reproduction des hydres n’est pas affectée chez les adultes sauf à de fortes concentrations de

4 et 10 mg L-1 pour fluoxétine et la fluvoxamine respectivement. Par contre, pour l’éconazole,

Page 111

à des concentrations proches de celles retrouvées dans l’environnement, à savoir 16 et 13 µg

L-1 pour l’éconazole et le miconazole, et 4 ngL-1 pour la clarithromycine.

Les résultats d’écotoxicité chronique sur les hydres adultes ont aussi révélé que les molécules d’antidépresseurs testées seules sont moins toxiques que lorsqu’elles sont testées en mélange, ce qui indique qu’ils peuvent agir de façon cumulative en mélange. De plus, l’exposition chronique au mélange d’antidépresseurs présente une toxicité plus élevée sur les adultes que sur les embryons, avec une concentration minimale pour le mélange de l’ordre du

ng L-1 qui affecte la morphologie des adultes, niveau de concentrations proche de celles

retrouvées dans l’environnement.

Les résultats d’écotoxicité chronique sur plusieurs générations d’hydres ont mis en évidence que les individus de la première (F0) et la deuxième génération (F1) ont la même sensibilité vis-à-vis de la sertraline et du mélange d’antidépresseurs testés. Par contre, les hydrantes (F2) issues de la deuxième génération sont moins sensibles à la sertraline. De plus, les hydres exposées à la sertraline réduisent de plus en plus le nombre d’hydrantes produites par adulte au cours des différentes générations et l’effet sur la reproduction des hydres devient plus marqué pour la troisième génération. Le mélange d’antidépresseurs affecte la reproduction des hydres de la deuxième génération à des concentrations environnementales. Cette étude a été la première à examiner l’effet des produits pharmaceutiques sur différentes générations d’hydres, et il serait intéressant de réaliser le dosage de l’activité enzymatique (biomarqueurs) pour tenter d’expliquer la différence de sensibilité entre les trois générations d’hydres pour les molécules médicamenteuses testées. Une étude au niveau génomique pourrait venir compléter ces travaux.

La plupart des molécules testées présentent des malformations différentes. Les antidépresseurs induisent des malformations chez les embryons, avec la formation d’individus à deux têtes, des bourgeons qui ne se détachent pas, des tentacules bifides et en augmentant le nombre de tentacules formés par chaque hydre, allant de 9 à 13 au lieu de 7 habituellement observés chez les témoins. Les antifongiques causent des anomalies chez les hydres adultes en modifiant leur perméabilité membranaire, réduisant le nombre de tentacules et disparition de la bouche pour certaines hydres.

Il serait intéressant de compléter ce travail en effectuant une étude génomique qui permettra de mieux comprendre les mécanismes d’action des substances médicamenteuses retenues sur l’hydre et cibler les gènes responsables de toutes les malformations retrouvées. Des essais préliminaires ont été réalisés afin de vérifier la quantité et la qualité des

Conclusion générale et perspectives

Page 112

ARN totaux que l’on peut obtenir en vue d’un séquençage, mais par manque de temps nous n’avons pas pu terminer ces travaux

Dans cette étude, nous avons choisi de travailler sur une lignée cellulaire MDA-kb2. Ces cellules permettent de cribler des produits chimiques et pharmaceutiques. Les résultats du potentiel tératogène et de cytotoxicité sur le modèle cellulaire MDA-Kb2 révèlent une bonne sensibilité des cellules à la substance de référence, la testostérone, nous permettant ainsi de valider le modèle utilisé. L’activité luciférase de l’essai gène rapporteur était hautement induite par cette molécule à une concentration de 1 nM. L’activité anti-androgénique de flutamide, antagoniste du récepteur aux androgènes, a été confirmée par l’ajout de 5 µM à la solution de 1 nM de la testostérone. Les essais androgéniques des 14 produits pharmaceutiques montrent que ces composés n’ont pas la capacité d’induire la transcription du gène de la luciférase. Ces composés n’exercent pas d’effet androgénique et cytotoxique sur les cellules MDA-Kb2 en culture à des concentrations environnementales. Il serait indispensable de mesurer des activités anti-androgéniques des différentes molécules médicamenteuses testées et notamment la paroxétine, le mélange d’antidépresseurs et les antifongiques sur le système MDA-Kb2. Il serait également intéressant d’étudier les effets des composés pharmaceutiques sur les cellules exprimant les récepteurs aux œstrogènes, comme les cellules MELN afin de détecter chez ces composés des effets ostrogéniques. Ces cellules, aptes à proliférer en réponse aux œstrogènes, contiennent de la luciférase qui réagit de façon proportionnelle à la quantité d’hormone naturelle ou de perturbateurs endocriniens présents dans l’échantillon à analyser.

Références