• Aucun résultat trouvé

L'objectif de la présente thèse était de répondre à la demande de la filière cunicole pour des stratégies alimentaires naturelles, simple et sans investissement majeur pour les producteurs.

Les producteurs de lapins, comme l’ensemble du secteur agroalimentaire, sont sensibles aux demandes des consommateurs pour des produits « sains ». La production de lapin n’est pas sous gestion de l’offre et subit les aléas du marché où la concurrence est impitoyable et où la qualité globale de la viande est devenue un enjeu majeur afin de séduire le consommateur et de sécuriser ses parts de marchés pour les producteurs et les transformateurs. L’industrie cunicole québécoise ne peut certes pas se comparer aux autres grandes productions de masse canadiennes comme le porc, le bœuf ou la volaille, mais elle a des ambitions bien réalistes afin de se démarquer de la concurrence, et ce, en mettant en marché de la viande de lapin de qualité supérieure pour le secteur de la restauration notamment. L’industrie cunicole québécoise, voire canadienne, est également modeste comparativement à celle de la France ou de l’Italie quant aux volumes produits, aux coûts de production et aux ressources disponibles en recherche et développement. Elle a donc besoin de soutien afin de se développer et faire face à la concurrence, et ce, en mettant sur le marché de la viande de lapin de qualité supérieure qui offre une expérience gustative positive tant pour le restaurateur, le transformateur et ultimement le consommateur pour justifier son prix actuellement élevé.

Normalement, les bons coups en restauration devraient se traduire par à des achats éventuels dans les commerces de détail pour les « foodies; (Fread, 2014) » qui recherche des expériences gustatives nouvelles et intéressantes. Différentes stratégies sont appliquées pour contrôler les agents pathogènes dans les viandes afin de réduire les risques d'éclosion de toxi-infections alimentaires et d’assurer la commercialisation de produits salubres. C’est donc dans le but d’optimiser la qualité de la viande de lapin du Québec en utilisant des alternatives naturelles aux additifs alimentaires de synthèse que le présent projet a été développé.

L’hypothèse initiale des expériences décrites dans cette thèse est que l'addition d’une alimentation riche en polyphénols que des extraits de végétaux et d'huiles essentielles peut moduler positivement le développement de la flore microbienne de la carcasse de lapin, mais

152

aussi la stabilité oxydative lors de l’entreposage de la viande de lapin. La stabilité oxydative a été traitée par un étudiant à la maîtrise (Mohamed Zied Abdelwahed) et a donné des résultats marquants qui ne sont pas traités ici. Au chapitre de la gestion de la microflore, les sources de polyphénols étudiées n’ont donné que des résultats limités et sporadiques. Par contre, l’étude avec la Micocin®, tout particulièrement les résultats avec la viande hachée inoculée avec L. monocytogenes, indique que l’ajout de culture protectrice dans la ration des animaux est meilleure approche.

Les travaux réalisés au cours du chapitre 3 ont porté sur l’addition d’extraits de plantes (l’oignon, la fraise et la canneberge) et d’huiles essentielles à la ration des lapins à des doses relativement faibles de 100 ppm soit 10 ppm de composés actifs correspondant à la dose d’huiles essentielles (Xtract, Pancosma) autorisée en France chez le lapin pour une bonne santé gastro-intestinale. Les résultats de cette étude ont démontré de faibles effets positifs et sporadiques sur la qualité microbiologique; les meilleurs résultats ont été obtenus surtout en conditions anaérobes et avec les huiles essentielles durant un entreposage réfrigéré (4°C).

Les réductions logarithmiques étant plutôt limitées (inférieur à 1 log) et sporadiques avec un ajout de 100 ppm d’extrait ou d’huiles, une dose de supplémentation plus élevée (1000 ppm) a été testée dans une seconde étude (chapitre 4). Dans celle-ci, des doses 5 à 10 fois plus élevées ont été utilisées pour les extraits d’oignon, d’oignon et de canneberge en combinaison ainsi que d’oignon et d’huiles essentielles. L’augmentation de la dose a permis d’atteindre les cibles de réduction logarithmique de certains microorganismes (supérieur à 1 log) en conditions aérobes et anaérobes dans la cuisse entreposée à 4°C, mais les résultats étaient toujours sporadiques. Ces différences de plus d’un log ont été notamment observées en conditions aérobes avec la combinaison d’extraits d’oignon et de canneberge et en conditions anaérobes pour toutes les combinaisons sauf le groupe supplémenté avec 500 ppm d’extrait d’oignon.

Contrairement à ce qui a été rapporté dans la littérature, aucune différence significative n’a été observée sur les performances zootechniques dans les deux études (chapitre 3 et 4). Ces résultats peuvent être expliqués par la faible pression d’infection découlant des conditions environnementales contrôlées et favorables à un état de santé élevé dans lesquelles nos expériences se sont déroulées. Des essais préliminaires en conditions commerciales avec

153

l’extrait d’oignon à haute dose (1000 ppm; données non présentées) n’ont pas révélés de différence significative au niveau des performances non plus.

En somme, ces deux études font ressortir qu’il n’y a qu’une amélioration marginale au niveau du contrôle microbien sur la carcasse et dans la viande, et cela ne justifie pas à la supplémentation de la ration (marc de canneberge : 9,90 $/kg; extrait d’oignon à 10% de polyphénols : 27$/kg selon Dianafood). Cependant, en ce qui concerne l’oxydation des lipides et des protéines, un effet significatif réel et marqué est observé lorsque la viande hachée, issues des mêmes lapins dont la ration a été supplémentée avec les combinaisons d’extraits, a été entreposée à 4°C et analysée à différents jours d’entreposage (Mémoire de recherche d’un étudiant de Mohamed Zied). Les effets positifs des suppléments de polyphénols sur la qualité de la viande sont donc davantage au niveau des propriétés antioxydantes qu’antimicrobiennes.

À la lumière du chapitre 5, l’ajout de Micocin®, une préparation commerciale constituée d’une culture protectrice de Carnobacterium maltaromaticum CB1, dans l’alimentation des lapins a donné de bien meilleurs résultats au niveau du contrôle microbien que ceux obtenus avec l’ajout des sources de polyphénols. En effet, les résultats ont révélé que la culture protectrice de mieux contrôler de développement des Enterobacteriaceae, des coliformes et des Staphylococcus aureus présomptifs. Mais l’effet positif sur la gestion de la microflore le plus marquée a été observé dans l’expérience où L. monocytogenes a été inoculé dans la viande hachée puis entreposée en conditions anaérobes à 4°C; une réduction de 2 log a été observée après un entreposage de 15 jours. Cette expérience a démontré que l’on peut améliorer l’innocuité des produits de viande qui découlent des animaux d’élevage, ici le lapin, en introduisant dans leur alimentation une culture protectrice.

Soulignons que dans les trois études, aucun effet négatif à l’incorporation des sources de polyphénols ou de Micocin® dans la moulée des lapins n’a été observé. Les différentes stratégies alimentaires étudiées n’ont pas eu d’impacts, négatifs ou positifs, sur les performances zootechniques des animaux et sur la qualité de la viande en termes de perte à la cuisson, perte d’égouttage et d'entreposage, les teneurs en lipides et en protéines. Des trois études réalisées dans cette thèse, il en ressort que les extraits de végétaux riches en

154

polyphénols sont une meilleure stratégie pour contrôler l'oxydation alors que les cultures protectrices le sont pour la qualité microbiologique.